Game is over

Dans la continuité de ma vision de fin du monde (tel qu’on le connait, bien évidemment), je vous ai déniché une perle : Ann Barnhardt, boss de Barnhardt Capital Management, qui nous annonce la fin de la partie. Cette nana, je l’adore. Elle dit tellement bien ce que je pense tout haut:

« It’s over. There is no coming back from this. The only thing that can happen is a total and complete collapse of EVERYTHING we now know, and humanity starts from scratch. And if you think that this collapse is going to play out without one hell of a big hot war, you are sadly, sadly mistaken. »

Le nettoyage par le vide se révèle parfois le seul remède possible à nos maux… malheureusement.

Un rêveur irréaliste…

Dans mon troisième avion de la semaine, et entre deux dodos réparateurs, j’ai relu le discours deHaruki Murakami (écrivain japonais engagé, auteur de « La ballade de l’impossible », « Kafka sur le rivage » et « Chroniques de l’oiseau à ressort »), prononcé il y a quelques mois à Barcelone, lors de la remise du prix international de Catalogne… un discours qui m’a beaucoup touché.

Tout en dénonçant l’usage de l’énergie nucléaire au Japon, Murakami marque son opposition viscérale à l’engrenage de l’efficience qui obnibule nos sociétés, engrenage qui fait perdre l’homme sa dignité, le fait dévaster sa terre et détruire sa propre vie…
« Nous ne devons pas avoir peur de rêver. Nous ne devons jamais laisser ces chiens de malheur qui ont pour nom « efficacité » et « commodité » nous rattraper. Nous devons être des « rêveurs irréalistes » qui avancent d’un pas ferme et décidé »

J’ai retrouvé un autre discours du même Murakami, prononcé cette fois-ci lors de la remise du prix de Jérusalem pour la liberté de l’individu dans la société (2009). Le rêveur irréaliste s’y attaque au Système : «Nous sommes tous des œufs fragiles face à un mur solide. Ce mur a pour nom « le Système ». Il est trop haut, trop solide, trop froid. Si nous avons un quelconque espoir de gagner, il ne peut provenir que de notre foi dans le caractère unique et irremplaçable de nos âmes et de la chaleur que l’on obtient en les unissant »

Ce mur est ma hantise.

Ce mur me fait chier…

Chapeau l’artiste…

Jossot, l’anarcho que j’aurais aimé être…

Quand on me titille sur mes phobies sociétales, sur mon dédain viscéral des conformismes et des normes, je ne peux m’empêcher de penser aux paroles acérées de Gustave Henri Jossot (1866-1951, caricaturiste, affichiste et écrivain satirique, ayant emprunté le nom d’Abdoul Kerim Jossot après sa conversion à l’Islam et son installation en Tunisie) qui ne cessait de  décortiquer  « les tares d’une société dans laquelle le mensonge est roi » , de cracher sur les institutions, n’y voyant que mensonges et mascarade,  recherche obsessionnelle de l’ordre, entrave à la liberté individuelle et insulte à l’intelligence.

En abandonnant cette société qu’il détestait tant, il a pu dire :

« Je vis en dehors du troupeau ; je vous fuis tous, vous, vos bergers et vos chiens. J’ai dit adieu à tout ce qui vous passionne ; j’ai rompu avec vos traditions ; je ne veux rien savoir de votre société maboulique ; ses mensonges et son hypocrisie me dégoûtent. Au milieu de votre fausse civilisation je m’isole ; je me réfugie en moi-même ; je ne trouve la paix que dans la solitude. » (Le Banquet du 30 avril 1939)

C’est aussi lui qui disait : « Je ne sais si c’est l’effet de l’isolement ; mais je deviens plus anarcho que jamais et toutes les fois que je songe à la Société, j’ai envie de dégueuler. »

Je n’en suis pas là… Pas encore…

PS : Jossot aurait sûrement adoré Facebook…

Narcissisme intellectuel…

Rares sont les articles qui ont pu me donner l’envie irrésistible de les colporter… Ces derniers temps, trois ont, cependant, réussi cet exploit. Mais si je le fais, c’est par pur narcissisme intellectuel. C’est, en quelque sorte, ma façon de m’auto-mousser, en me disant « voilà des personnes illustres qui écrivent merveilleusement bien ce que je pense ». Avoir Augagneur, Todorov et LaTour comme « nègres », c’est quand même le pied !

Le premier, « Le genre humain menacé » (Le Monde du 3/4/2011), est dû à Michel Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur, et traite de la nécessité de transformer rapidement nos sociétés afin de composer avec les défis écologiques et leurs conséquences sociales et politiques. Leur verdict est grave : « Lorsque l’effondrement de l’espèce apparaîtra comme une possibilité envisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus, lents et complexes, de délibération. Pris de panique, l’Occident transgressera ses valeurs de liberté et de justice »

Le second, « La tyrannie de l’individu » (Le Monde du 27/3/2011), est de Tzvetan Todorov, historien des idées et essayiste. Il y analyse le passage du tout-Etat totalitaire au tout-individu ultralibéral, ou comme il dit « d’un régime liberticide à un autre, d’esprit « sociocide » », pour arriver au constat accablant suivant : « La tyrannie des individus est certainement moins sanglante que celle des Etats ; elle est pourtant, elle aussi, un obstacle à une vie commune satisfaisante »

Enfin, le troisième, « En attendant Gaïa, ou comment l’homme a changé la Terre » (Libé du 29/6/2011), nous le devons à Bruno LaTour, philosophe et anthropologue. Il y aborde la portée de notre action sur l’ensemble de la biosphère, et l’urgence de changer de trajectoire. Je ne peux m’empêcher d’en archiver quelques extraits choisis :
« Comme un anneau de Moebius, cette Terre qui semblait nous contenir, nous la contenons à notre tour par l’étendue même de nos actions. « Gaïa » est le nom que certains savants donnent à ce ruban ou plutôt à ce nœud coulant qui nous étranglera avant que nous ne l’étranglions. […] D’autres nous demandent de décroître, en tous cas de nous faire plus petits, plus discrets, ce qui reviendra à plier notre taille de géant pour devenir une sorte d’Atlas modeste et frugal. Ce qui revient à nous demander d’abandonner nos ambitions, nos espoirs de conquête, notre goût pour l’artifice et l’innovation, sans oublier cette volonté qui fut si belle de nous émanciper enfin de toutes nos chaînes. […] Et dans cet apprentissage impossible il faut entrer vite, car on assure que Gaïa ne nous laissera pas beaucoup de temps. Certains affirment même qu’elle nous ferait la guerre. Les guerres nous connaissons, mais comment croire qu’on peut gagner celle-là ? Si nous gagnons contre elle, nous perdons et si nous perdons, nous perdons encore ! Drôle de guerre vraiment. »

 

Le genre humain, menacé
Le Monde du 3/4/2011 p.18 Décryptages-Débats

Il sera bientôt trop tard pour remédier aux catastrophes écologiques et à leurs conséquences sociales et politiques.

Une information fondamentale publiée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) est passée totalement inaperçue : le pic pétrolier s’est produit en 2006. Alors que la demande mondiale continuera à croître avec la montée en puissance des pays émergents (Chine, Inde et Brésil), la production de pétrole conventionnel va connaître un déclin inexorable après avoir plafonné. La crise économique masque pour l’heure cette réalité.
Mais elle obérera tout retour de la croissance. La remontée des coûts d’exploration-production fera naître des tensions extrêmement vives. L’exploitation du charbon et des réserves fossiles non conventionnelles exigera des investissements lourds et progressifs qui ne permettront guère de desserrer l’étau des prix à un horizon de temps proche. Les prix de l’énergie ne peuvent ainsi que s’affoler.

Le silence et l’ignorance d’une grande partie de la classe politique sur ce sujet ne sont guère plus rassurants. Et cela sans tenir compte du fait que nous aurons relâché et continuerons à dissiper dans l’atmosphère le dioxyde de carbone stocké pendant des millénaires… Chocs pétroliers à répétition jusqu’à l’effondrement et péril climatique. Voilà donc ce que nous préparent les tenants des stratégies de l’aveuglement. La catastrophe de Fukushima alourdira encore la donne énergétique.

De telles remarques génèrent souvent de grands malentendus. Les objections diagnostiquent et dénoncent aussitôt les prophètes de malheur comme le symptôme d’une société sur le déclin, qui ne croit plus au progrès. Ces stratégies de l’aveuglement sont absurdes. Affirmer que notre époque est caractérisée par une  » épistémophobie  » ou la recherche du risque zéro est une grave erreur d’analyse, elle éclipse derrière des réactions aux processus d’adaptation la cause du bouleversement.

Ce qui change radicalement la donne, c’est que notre vulnérabilité est désormais issue de l’incroyable étendue de notre puissance. L' » indisponible  » à l’action des hommes, le tiers intouchable, est désormais modifiable, soit par l’action collective (nos consommations cumulées) soit par un individu isolé ( » biohackers « ). Nos démocraties se retrouvent démunies face à deux aspects de ce que nous avons rendu disponible : l’atteinte aux mécanismes régulateurs de la biosphère et aux substrats biologiques de la condition humaine.
Cette situation fait apparaître  » le spectre menaçant de la tyrannie  » évoqué par le philosophe allemand Hans Jonas. Parce que nos démocraties n’auront pas été capables de se prémunir de leurs propres excès, elles risquent de basculer dans l’état d’exception et de céder aux dérives totalitaristes.

Prenons l’exemple de la controverse climatique. Comme le démontre la comparaison entre les études de l’historienne des sciences Naomi Oreskes avec celles du politologue Jules Boykoff, les évolutions du système médiatique jouent dans cette affaire un rôle majeur. Alors que la première ne répertoria aucune contestation directe de l’origine anthropique du réchauffement climatique dans les revues scientifiques peer reviewed ( » à comité de lecture « ), le second a constaté sur la période étudiée que 53 % des articles grand public de la presse américaine mettaient en doute les conclusions scientifiques.

Ce décalage s’explique par le remplacement du souci d’une information rigoureuse par une volonté de flatter le goût du spectacle. Les sujets scientifiques complexes sont traités de façon simpliste (pour ou contre). Ceci explique en partie les résultats de l’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pilotée par Daniel Boy sur les représentations sociales de l’effet de serre démontrant un sérieux décrochage du pourcentage de Français attribuant le dérèglement climatique aux activités humaines (65 % en 2010, contre 81 % en 2009). Ces dérives qui engendrent doute et scepticisme au sein de la population permettent aux dirigeants actuels, dont le manque de connaissance scientifique est alarmant, de justifier leur inaction.

Le sommet de Cancun a sauvé le processus de négociation en réussissant en outre à y intégrer les grands pays émergents. Mais des accords contraignants à la hauteur de l’objectif des seconds sont encore loin. S’il en est ainsi, c’est parce que les dirigeants de la planète (à l’exception notable de quelques-uns) ont décidé de nier les conclusions scientifiques pour se décharger de l’ampleur des responsabilités en jeu. Comment pourraient-ils à la fois croire en la catastrophe et ne rien faire, ou si peu, pour l’éviter ?
Enfermée dans le court terme des échéances électorales et dans le temps médiatique, la politique s’est peu à peu transformée en gestion des affaires courantes. Elle est devenue incapable de penser le temps long. Or la crise écologique renverse une perception du progrès où le temps joue en notre faveur. Parce que nous créons les moyens de l’appauvrissement de la vie sur terre et que nous nions la possibilité de la catastrophe, nous rendons celle-ci crédible.

Il est impossible de connaître le point de basculement définitif vers l’improbable ; en revanche, il est certain que le risque de le dépasser est inversement proportionnel à la rapidité de notre réaction. Nous ne pouvons attendre et tergiverser sur la controverse climatique jusqu’au point de basculement, le moment où la multiplication des désastres naturels dissipera ce qu’il reste de doute. Il sera alors trop tard. Lorsque les océans se seront réchauffés, nous n’aurons aucun moyen de les refroidir.

La démocratie sera la première victime de l’altération des conditions universelles d’existence que nous sommes en train de programmer. Les catastrophes écologiques qui se préparent à l’échelle mondiale dans un contexte de croissance démographique, les inégalités dues à la rareté locale de l’eau, la fin de l’énergie bon marché, la raréfaction de nombre de minéraux, la dégradation de la biodiversité, l’érosion et la dégradation des sols, les événements climatiques extrêmes… produiront les pires inégalités entre ceux qui auront les moyens de s’en protéger, pour un temps, et ceux qui les subiront. Elles ébranleront les équilibres géopolitiques et seront sources de conflits.

L’ampleur des catastrophes sociales qu’elles risquent d’engendrer a, par le passé, conduit à la disparition de sociétés entières. C’est, hélas, une réalité historique objective. A cela s’ajoutera le fait que des nouvelles technologies de plus en plus facilement accessibles fourniront des armes de destruction massive à la portée de toutes les bourses et des esprits les plus tourmentés.

Lorsque l’effondrement de l’espèce apparaîtra comme une possibilité envisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus, lents et complexes, de délibération. Pris de panique, l’Occident transgressera ses valeurs de liberté et de justice. Pour s’être heurtées aux limites physiques, les sociétés seront livrées à la violence des hommes. Nul ne peut contester a priori le risque que les démocraties cèdent sous de telles menaces.
Le stade ultime sera l’autodestruction de l’existence humaine, soit physiquement, soit par l’altération biologique. Le processus de convergence des nouvelles technologies donnera à l’individu un pouvoir monstrueux capable de faire naître des sous-espèces. C’est l’unité du genre humain qui sera atteinte. Il ne s’agit guère de l’avenir, il s’agit du présent. Le cyborg n’est déjà plus une figure de style cinématographique, mais une réalité de laboratoire, puisqu’il est devenu possible, grâce à des fonds publics, d’associer des cellules neuronales humaines à des dispositifs artificiels.

L’idéologie du progrès a mal tourné. Les inégalités planétaires actuelles auraient fait rougir de honte les concepteurs du projet moderne, Bacon, Descartes ou Hegel. A l’époque des Lumières, il n’existait aucune région du monde, en dehors des peuples vernaculaires, où la richesse moyenne par habitant aurait été le double d’une autre. Aujourd’hui, le ratio atteint 1 à 428 (entre le Zimbabwe et le Qatar).
Les échecs répétés des conférences de l’ONU montrent bien que nous sommes loin d’unir les nations contre la menace et de dépasser les intérêts immédiats et égoïstes des Etats comme des individus. Les enjeux, tant pour la gouvernance internationale et nationale que pour l’avenir macroéconomique, sont de nous libérer du culte de la compétitivité, de la croissance qui nous ronge et de la civilisation de la pauvreté dans le gaspillage.

Le nouveau paradigme doit émerger. Les outils conceptuels sont présents, que ce soit dans les précieux travaux du Britannique Tim Jackson ou dans ceux de la Prix Nobel d’économie 2009, l’Américaine Elinor Ostrom, ainsi que dans diverses initiatives de la société civile.
Nos démocraties doivent se restructurer, démocratiser la culture scientifique et maîtriser l’immédiateté qui contredit la prise en compte du temps long. Nous pouvons encore transformer la menace en promesse désirable et crédible. Mais si nous n’agissons pas promptement, c’est à la barbarie que nous sommes certains de nous exposer.

Pour cette raison, répondre à la crise écologique est un devoir moral absolu. Les ennemis de la démocratie sont ceux qui remettent à plus tard les réponses aux enjeux et défis de l’écologie.

(Michel Rocard, Dominique Bourg, Floran Augagneur)

 

La tyrannie de l’individu
Article paru dans l’édition du 27.03.11 Le Monde

Pour qu’un pouvoir soit légitime, il ne suffit pas de savoir comment il a été conquis (par exemple par des élections libres ou par un coup d’Etat), encore faut-il voir de quelle manière il est exercé. Il y a bientôt trois cents ans, Montesquieu avait formulé une règle pour guider notre jugement : « Tout pouvoir sans bornes ne saurait être légitime », écrivait-il.

Les expériences totalitaires du XXe siècle nous ont rendus particulièrement sensibles aux méfaits d’un pouvoir illimité de l’Etat, capable de contrôler chaque acte de chaque citoyen. En Europe, ces régimes appartiennent au passé, mais, dans les pays démocratiques, nous restons sensibles aux interférences du gouvernement dans les affaires judiciaires ou la vie des médias, car cela a pour effet de supprimer toute limite posée à son pouvoir. Les attaques répétées menées par le président français ou par le premier ministre italien contre les magistrats et les journalistes sont une illustration de ce danger.

Cependant, l’Etat n’est pas le seul détenteur de pouvoirs au sein d’une société. En ce début du XXIe siècle, en Occident, l’Etat a perdu une bonne partie de son prestige, alors que le pouvoir étendu que détiennent certains individus, ou groupes d’individus, est devenu à son tour une menace. Elle passe pourtant inaperçue, car ce pouvoir se pare d’un beau nom, dont tout un chacun se réclame : celui de liberté. La liberté individuelle est une valeur qui monte, les défenseurs du bien commun paraissent aujourd’hui archaïques.

On voit facilement comment s’est produit ce renversement dans les pays ex-communistes d’Europe de l’Est. L’intérêt collectif y est aujourd’hui frappé de suspicion : pour cacher ses turpitudes, le régime précédent l’avait invoqué si souvent que plus personne ne le prend au sérieux, on n’y voit qu’un masque hypocrite. Si le seul moteur du comportement est de toute façon la recherche de profit et la soif de pouvoir, si le combat impitoyable et la survie du plus apte sont les dures lois de l’existence, autant cesser de faire semblant et assumer ouvertement la loi de la jungle. Cette résignation explique pourquoi les anciens apparatchiks communistes ont su revêtir, avec une facilité déconcertante, les habits neufs de l’ultralibéralisme.

A des milliers de kilomètres de là, aux Etats-Unis, dans un contexte historique entièrement différent, s’est développé depuis peu le mouvement du Tea Party, dont le programme loue à son tour la liberté illimitée des individus et rejette tout contrôle gouvernemental ; il exige de réduire drastiquement les impôts et toute autre forme de redistribution des richesses. Les seules dépenses communes qui trouvent grâce aux yeux de ses partisans concernent l’armée et la police, c’est-à-dire encore la sécurité des individus. Quiconque s’oppose à cette vision du monde est traité de cryptocommuniste ! Ce qui est paradoxal, c’est qu’elle se réclame de la religion chrétienne, alors que celle-ci, en accord avec les autres grandes traditions spirituelles, recommande le souci pour les faibles et les miséreux.

On passe, dans ces cas, d’un extrême à l’autre, du tout-Etat totalitaire au tout-individu ultralibéral, d’un régime liberticide à un autre, d’esprit « sociocide », si l’on peut dire. Or le principe démocratique veut que tous les pouvoirs soient limités : non seulement ceux des Etats, mais aussi ceux des individus, y compris lorsqu’ils revêtent les oripeaux de la liberté.

La liberté qu’ont les poules d’attaquer le renard est une plaisanterie, car elles n’en ont pas la capacité ; la liberté du renard est dangereuse parce qu’il est le plus fort. A travers les lois et les normes qu’il établit, le peuple souverain a bien le droit de restreindre la liberté de tous. Cette limitation n’affecte pas toute la population de la même manière : idéalement, elle restreint ceux qui ont déjà beaucoup de pouvoir et protège ceux qui en ont très peu.

Le pouvoir économique est le premier des pouvoirs qui reposent entre les mains des individus. L’entreprise a pour but de générer des profits pour ses détenteurs, sans quoi elle est condamnée à disparaître. Mais en dehors de leurs intérêts particuliers, les habitants du pays ont aussi des intérêts communs, auxquels les entreprises ne contribuent pas spontanément. C’est à l’Etat qu’il incombe de dégager les ressources nécessaires pour prendre soin de l’armée et de la police, mais aussi de l’éducation et de la santé, de l’appareil judiciaire et des infrastructures. Ou encore de la protection de la nature : la fameuse main invisible attribuée à Adam Smith ne sert pas à grand-chose dans ce cas. On l’a vu au cours de la marée noire dans le golfe du Mexique, au printemps 2010 : laissées sans contrôle, les compagnies pétrolières choisissent les matériaux de construction peu chers et donc peu fiables.

Face au pouvoir économique démesuré que détiennent les individus ou les groupes d’individus, le pouvoir politique se révèle souvent trop faible. Aux Etats-Unis, au nom de la liberté d’expression illimitée, la Cour suprême a autorisé le financement par les entreprises des candidats aux élections ; concrètement, cela signifie que ceux qui disposent de plus d’argent peuvent imposer les candidats de leur choix.
Le président du pays, assurément l’un des hommes les plus puissants de la planète, a dû renoncer à promouvoir une réforme juste de l’assurance médicale, à réglementer l’activité des banques, à diminuer les dégâts écologiques causés par le mode de vie de ses concitoyens.

Dans les pays européens, il arrive fréquemment que les gouvernements se mettent au service des puissances d’argent, donnant lieu à une nouvelle oligarchie politico-économique qui gère les affaires communes dans l’intérêt de quelques particuliers. Ou encore que les ministres en exercice se comportent en individus intéressés, en acceptant que des tiers paient leurs vacances…

La liberté d’expression est présentée parfois comme le fondement de la démocratie, qui pour cette raison ne doit connaître aucun frein. Mais peut-on dire qu’elle est indépendante du pouvoir dont on dispose ? Il ne suffit pas d’avoir le droit de s’exprimer, encore faut-il en avoir la possibilité ; en son absence, cette « liberté » n’est qu’un mot creux. Toutes les informations, toutes les opinions ne sont pas acceptées avec la même facilité dans les grands médias du pays. Or la libre expression des puissants peut avoir des conséquences funestes pour les sans-voix : nous vivons dans un monde commun. Si l’on a la liberté de dire que tous les Arabes sont des islamistes inassimilables, ils n’ont plus celle de trouver du travail ni même de marcher dans la rue sans être contrôlés.

La parole publique, un pouvoir parmi d’autres, doit parfois être limitée. Où trouver le critère permettant de distinguer les bonnes limitations des mauvaises ? Entre autres, dans le rapport de pouvoir entre celui qui parle et celui dont on parle. On n’a pas le même mérite selon qu’on s’attaque aux puissants du jour ou que l’on désigne au ressentiment populaire un bouc émissaire. Un organe de presse est infiniment plus faible que l’Etat, il n’y a donc aucune raison de limiter sa liberté d’expression lorsqu’il le critique, pourvu qu’il la mette au service de la vérité.

Quand le site Mediapart révèle une collusion entre puissances d’argent et responsables politiques, son geste n’a rien de « fasciste », quoi qu’en disent ceux qui se sentent visés. Les « fuites » de WikiLeaks notamment publié par Le Monde n’ont rien de totalitaire : les régimes communistes rendaient transparente la vie de faibles individus, pas celle de l’Etat. En revanche, un organe de presse est plus puissant qu’un individu, et le « lynchage médiatique » est un abus de pouvoir.

Les défenseurs de la liberté d’expression illimitée ignorent la distinction entre puissants et impuissants, ce qui leur permet de se couvrir eux-mêmes de lauriers. Le rédacteur du journal danois Jyllands-Posten, qui avait publié en 2005 l’ensemble des caricatures de Mahomet, revient sur l’affaire cinq ans plus tard et se compare modestement aux hérétiques du Moyen Age brûlés sur le bûcher, à Voltaire pourfendeur de l’Eglise toute-puissante ou aux dissidents réprimés par la police soviétique. Décidément, la figure de la victime exerce aujourd’hui une attraction irrésistible ! Le journaliste oublie, ce faisant, que les courageux praticiens de la liberté d’expression se battaient contre les détenteurs du pouvoir spirituel et temporel de leur temps, non contre une minorité discriminée.

Poser des bornes à la liberté d’expression signifie non plaider pour l’instauration de la censure, mais faire appel à la responsabilité des maîtres des médias. La tyrannie des individus est certainement moins sanglante que celle des Etats ; elle est pourtant, elle aussi, un obstacle à une vie commune satisfaisante. Rien ne nous oblige à nous enfermer dans le choix entre « tout-Etat » et « tout-individu » : nous avons besoin de défendre les deux, chacun limitant les abus de l’autre.

(Tzvetan Todorov)

Une énorme caisse de résonnance

La révolte populaire semble se propager comme un feu de paille, consumant les potentats arabes à la queu leu leu. Le vent de contestation s’amplifie un peu partout. On me parle de contagion, je parle plutôt de résonnance… celle évoquée par J.M. Gleize : « un mouvement révolutionnaire ne se répand pas par contamination. Mais par résonance. Quelque chose qui se constitue ici résonne avec l’onde de choc émise par quelque chose qui s’est constitué là-bas ». Le souci est que la caisse de résonnance est énorme, encore plus qu’elle n’y paraît à première vue…

A entendre les médias occidentaux faire l’apologie de l’insurrection et des émeutes, je doute de leur capacité à imaginer le même phénomène frapper leurs rivages. Les poussées de fièvre révolutionnaire sont admirables tant qu’elles restent cantonnées de l’autre côté de la méditerranée, tant que son lot de réfugiés, d’immigrés clandestins ne vienne troubler notre quiétude et tant qu’elles ne touchent pas les zones sensibles (par leur pétrole) du Moyen-Orient. Le révolté mis sur un piédestal là-bas serait un anarchiste, un saboteur, un anachronique  méritant toutes les démences sécuritaires.

Tout le monde aurait préféré des revendications sans révolte. Tout le monde espère une transition ordonnée. Tout le monde rêve d’une « soft revolution » qui renverse l’ordre des préséances sans faire de remous. Tout le monde s’obstine à oublier que le processus révolutionnaire, bien que générateur d’espoir, n’est pas maitrisable, qu’il n’y a aucune garantie quant à ses résultats, ni contre ses dérives. Il ne faut pas, pour autant, le condamner car ça serait condamner l’espoir en chacun de nous…  Et puis, n’oublions pas que « quand il s’agit de liberté, d’égalité, d’émancipation, nous devons tout aux émeutes populaires » (attribuée à Marat par Alain Badiou dans « Tunisie, Egypte : quand un vent d’est balaie l’arrogance de l’Occident », Le Monde du 18/2/2011)

La révolution est en marche… Je vous l’avais dit !

Que l’espérance est violente !

« Ce n’est pas toujours en allant de mal en pis que l’on tombe en révolution. Il arrive le plus souvent qu’un peuple qui avait supporté sans se plaindre, et comme s’il ne les sentait pas, les lois les plus accablantes, les rejette violemment dès que le poids s’en allège. Le régime qu’une révolution détruit vaut presque toujours mieux que celui qui l’avait immédiatement précédé, et l’expérience apprend que le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer. Il n’y a qu’un grand génie qui puisse sauver un prince qui entreprend de soulager ses sujets après une oppression longue.Le Mal qu’on souffrait patiemment comme inévitable semble insupportable dès qu’on conçoit l’idée de s’y soustraire. » (Alexis de Tocqueville. L’ancien régime et la révolution, 1856)

C’est un peu se qui semble se dérouler sous nos yeux. L’étincelle tunisienne a enflammé la plaine. La mèche de la révolte arabe se consume. Les gouvernants sont pris dans un vent de panique et tentent, par tous les moyens, de désamorcer la crise qui risque de leur être fatale. Le carcan autoritaire qu’ils ont su imposer durant des décennies s’effrite à vue d’œil. La trouille les pousse à se réformer, devenant ainsi un peu plus vulnérables aux mouvements d’une foule qui puise son énergie dans sa perception de cette vulnérabilité.
« Que l’espérance est violente ! » disait Apollinaire.

Ce qui semblait impossible hier, paraît inéluctable aujourd’hui…

Ce qui semble aujourd’hui bien cantonné au monde arabe, ne peut-il pas, demain, se propager comme une traînée de poudre, un peu partout ?

Ce vent de contestation ne serait-il pas le premier souffle de la tornade qui guette ce putain de Système, dans son ensemble ?
Car, ici comme là-bas, nous croulons sous les despotismes les plus divers, politiques mais surtout socio-économiques.

Ici comme là-bas, nous sommes broyés par une machine fantastique, inhumaine alliant uniformisation marchande, financiarisation étouffante, conformisme intellectuel, matraquage démagogique, et encerclement systématique de toute tendance rebelle.

Ici comme là-bas, les disparités grossissent à vue d’œil. Les injustices et l’arbitraire aussi. Le tout avec la bénédiction d’une classe dirigeante au ras des pâquerettes, intellectuellement corrompue, nombriliste et populiste à merveille, trempant dans le clientélisme et l’incompétence, et qui semble planer au-dessus des lois, de la déonthologie et des sanctions.

La jeunesse arabe est sortie de sa torpeur. A quand le tour de nos sociétés occidentales relativement nanties et bien pensantes ?

Confucius disait « Quand le sage montre la lune, le sot voit le doigt. ». Tachons donc de regarder la lune et non le doigt !

Ras le bol de la sérénade du miracle tunisien…

Fin 2009, je n’ai pu m’empêcher de réagir (sous un nom d’emprunt, bien évidemment…) à un article du Monde, traitant de la Tunisie et qui m’a semblé mal documenté et peu objectif. Un article qui puait l’eau de rose… Compte tenu des événements récents, il m’a semblé marrant de ressortir ce courrier de mes cartons… Je profite bien évidemment de ce vent de libertés retrouvées qui souffle sur notre pays. Pourvu qu’il dure… Dans le cas contraire, et faux-cul comme je suis, je nierai toute implication dans l’échange qui suit.

Moi :

Je reviens sur votre article intitulé « En Tunisie, une réussite économique mal partagée »,paru dans votre édition du Samedi 24 octobre 2009. Je ne peux que m’indigner devant son caractère simpliste qui frôle la niaiserie.

L’article ne fait preuve d’aucune analyse, d’aucune remise en cause, d’aucun recul vis-à-vis de la façade officielle que le pouvoir tunisien a toujours tenu à mettre en avant. Jusqu’au dernier petit paragraphe (où l’unique note discordante est apparue), j’ai cru y reconnaitre un article publicitaire commandé par le Ministère Tunisien des Affaires Etrangères, à la gloire de « l’artisan du changement » (le président Ben Ali). Dans son article, votre envoyée spéciale se contente de nous donner la sérénade officielle : un taux de chômage de 15%, un smic de 130 euros et un pays « soigneusement géré alors qu’il ne dispose pas de la manne fabuleuse en hydrocarbures de ses voisins ».  Au risque de vous paraître dur et intransigeant, son article n’aurait jamais dû nécessiter sont déplacement sur place.

Pourtant, votre envoyée spéciale aurait pu « rentabiliser » son empreinte écologique pour :

  • Se rendre compte que l’ampleur effective du chômage dépasse de loin ce qui est véhiculé par les chiffres officiels. Il lui suffisait de se balader en ville (de préférence, dans les zones touristiques telles que Sousse ou Djerba où le travail saisonnier est plus la règle que l’exception) et d’observer les hordes humaines désœuvrées sur les terrasses des cafés, à toutes heures de la journée (voire de la nuit). Car, en marge de ce chômage «officiel» existe un problème de sous-emploi chronique difficile à estimer. Les autorités tunisiennes se targuent d’avoir réussi à baisser le chômage de 17% à 14% en quelques années, en contradiction flagrante avec l’analyse de la Banque Mondiale qui estime que le nombre d’emplois créés chaque année reste insuffisant au regard de l’augmentation de la population active (85 000 personnes arrivent sur le marché du travail pour seulement 60 000 à 65 000 postes supplémentaires). En fait, le secret du « miracle tunisien » réside dans la caractérisation de la population active occupée telle que pratiquée par l’Institut National des Statistiques (INS). Il vous suffit d’aller sur leur site internet pour vous en convaincre. En 2004, l’INS a modifié sa méthodologie de calcul par souci de « conformité avec les recommandations du Bureau International de Travail (BIT) en matière de concepts et de définitions des indicateurs d’emploi et de chômage ». Selon l’INS, est considérée comme chômeur toute personne âgée de 15 ans et plus n’ayant pas travaillé au cours de la semaine de référence, qui cherche activement un emploi et qui est disponible pour commencer à travailler dans les deux semaines. Cette définition est plutôt cohérente avec celle adoptée par le BIT. Cependant, selon l’INS, est considéré comme actif occupé toute personne âgée de 15 ans et plus ayant travaillé au moins un jour (ne fut-ce qu’une heure) au cours de la semaine de référence. C’est là que le bât blesse. Une personne ayant travaillé une heure durant la semaine de l’enquête est considérée comme active ! Quand on sait que le taux de chômage correspond au nombre de chômeurs en pourcentage de la population active (regroupant l’ensemble des personnes occupées et des chômeurs), on comprend mieux la magie des chiffres officiels tunisiens.
  • Sentir le caractère destructeur du chômage tunisien qui touche essentiellement les jeunes et, de plus en plus, les jeunes diplômés. Selon l’enquête nationale sur la population et l’emploi de 2008, la composition des sans-emploi a profondément changé, ces dernières années, aux dépens des diplômés du supérieur. Parmi ces derniers, le taux de chômage dépasse les 20% (voire les 30% pour les femmes). Les chômeurs titulaires d’un diplôme universitaire (116 000 en 2008) représentent environ 20% de la population active inoccupée. En outre, les jeunes sont ceux qui paient le plus lourd tribut au chômage. Plus de 70 % des chômeurs sont âgés de moins de 30 ans.
  • Voir que le smic tunisien est souvent une vision de l’esprit, un seuil abstrait que beaucoup d’employeurs ne respectent pas, sans qu’ils soient inquiétés par quiconque. Il suffisait, pour ceci, de pousser la porte d’un magasin ou deux et de discuter avec les vendeuses qui croupissent derrière pour la moitié d’un smic. Il est de notoriété publique que ces employeurs indélicats préfèrent embaucher des femmes, car plus faciles à canaliser, à satisfaire, à exploiter…
  • Constater que le pays est géré comme un conglomérat géant dont le seul actionnaire-gérant effectif est la famille régnante (les Ben Ali, Trabelsi, Chiboub et autres El-Materi…). Cette famille étendue s’est accaparé toutes les richesses du pays. Vous pourriez me dire que gérer un pays comme une entreprise n’est pas forcément une mauvaise idée (au sommet de l’état français, certains y ont déjà adhéré !)… Certes, mais le souci majeur est que la famille régnante semble agir dans une seule optique : s’approprier les actifs valables (mais pas les dettes qui vont avec) et en disposer à volonté, assurer petit à petit leur sortie du territoire (sous forme de devises sonnantes et trébuchantes placées dans les banques occidentales), plomber au passage le bilan des banques publiques, et enfin être prête à laisser, le moment venu, le bout qui reste aller vers la faillite.
  • Se poser de vraies questions sur l’état lamentable du système bancaire. Le taux de créances douteuses atteint 22% (environ 6% en France) et elles ne sont que faiblement provisionnées, autour de 40% (au lieu des 80 à 90% habituels en Europe). Est-ce signe d’une bonne gouvernance ?
  • Se rendre compte du climat d’incertitude/insécurité juridique (pour ne pas dire de non-droit) qui règne dans les milieux des affaires. Un rapport de la Banque mondiale daté de juin 2004 avait épinglé les « interventions discrétionnaires du gouvernement » et le « pouvoir des initiés » qui gangrènent le tissu économique.

Il est grand temps d’arrêter de fredonner la chansonnette (quelque peu lassante) du miracle tunisien…
Devrons-nous attendre un cataclysme pour s’y résoudre ?

Le Monde :

La réponse de la rédaction du Monde ne s’est pas faite attendre. L’auteur de l’article (Florence B.) m’a fait une réponse peu convaincante :

« Des lecteurs tels que vous sont décidemment décourageants…. Ainsi, je serais quasiment là pour faire la propagande de Ben Ali ???? Je ne sais même pas si cela vaut le coup de vous répondre….
Lisez donc les deux reportages qui précèdent et accompagnent ce papier économique (au total il y en avait trois). Le 23 octobre : En Tunisie, il y a ceux qui profitent du système et ceux qui enragent d’en être exclus ». Et le 26 octobre, « Le parcours fulgurant de Sakhr El Materi, le gendre tu président tunisien ».  »

Moi :

Or je n’aime guère que la balle reste dans mon camp. Ma réponse est partie toute seule et restée, cette fois-ci, lettre morte :

Chère Florence,

Je me suis posé exactement la même question : Serait-il utile que je vous réponde ?

En fait, j’ai lu tous vos articles, absolument tous. Et je n’ai réagit qu’à un seul pour la simple raison qu’il me paraissait niait et simpliste au point de sembler (je dis bien sembler) complaisant. Je ne remets nullement en doute votre intégrité intellectuelle. Mais, permettez moi de trouver votre analyse économique (et c’est peut-être là, le problème) de la situation tunisienne un peu trop « bateau » ! Il faut dire qu’elle ne se distingue en rien (d’où peut-être ma réaction épidermique) de l’essentiel des commentaires qu’on voit par ci par là sur le miracle tunisien, sur le dragon de l’Afrique, sur la pertinence des choix économiques de ce p’tit pays (et surtout de son président dictateur)…

Le pouvoir tunisien a su, durant toutes ces années, se montrer sous son meilleur profil, se vanter de ses réussites économiques (alors que tout tourne à crédit et que les créances douteuses auront bientôt raison de l’ensemble) et de ses choix en terme de mixité et d’enseignement (alors qu’il ne fait que dilapider l’héritage Bourguibien).

Un poker menteur qui s’achèvera dans un bain de sang… [ce n’était pas sorcier de le voir, justement !]

Un autre point pourrait expliquer ma rogne (en tant que fidèle lecteur du Monde) : Vous ne parlez de la Tunisie que tous les cinq ans à l’occasion des élections… Et ce n’est sûrement pas avec cette approche épisodique qu’on arrivera à mettre la pression sur ce régime.

Voilivoilou, je me suis expliqué… Si vous passez en Tunisie, faites-moi signe et je vous montrerai que mes attaques n’ont rien de personnel…

Au plaisir de vous (re)lire.

Sur le bord de la rivière Complaisance, je me suis assis et j’ai pleuré…

Dehors, c’est l’état d’urgence et le couvre-feu.
Des coups de feu retentissent au loin…

La révolte du petit peuple a enfin eu raison de la dictature la plus brutale, de l’état policier le plus sombre et le plus arbitraire. Les balles, les tabassages, les exactions de tous genres n’ont guère réussi à l’arrêter. Jusqu’au bout il a cru à l’accessibilité de la liberté. Et il a eu raison… Notre autocratie kleptomane donnée pour éternelle est enfin tombée. Le kleptomane en chef a choisi la fuite. Petit, il a été. Petit, il restera à jamais.

L’Histoire ne retiendra qu’un seul nom : Mohamed Bouazizi, le jeune diplômé, vendeur ambulant de fruits et légumes malgré lui, qui s’est immolé par le feu pour protester contre la confiscation de sa marchandise, et l’humiliation qui s’en est suivie. En quelques sorte, c’est notre Jan Palach Tunisien, qui par son geste désespéré a mis le feu au poudre. Sa mort a été le catalyseur tant attendu.Devant Bouazizi, Ben Ali paraitra encore plus petit.

L’Histoire mentionnera Sidi Bouzid comme le berceau de la révolte populaire (certains l’appelle déjà la révolution de jasmin, comme si tous les Tunisiens ont déjà connu la douceur de vivre au pays du jasmin…), initiée par des gens insoumis, fiers et intègres, qu’il ne fallait surtout pas pousser à bout.

Durant cette révolution, rares sont les voix qui se sont élevées en Occident (en Europe, encore moins qu’aux Etats-Unis) pour condamner la brutalité du régime et soutenir ce petit peuple dans ses aspirations de liberté. Un silence assourdissant qui m’a débarrassé de mes dernières illusions. Une frilosité hallucinante (mais coupable) à condamner la répression. Au-delà des discours étincelants (mais vides… un pipeau intégral qui me fait bien marrer) sur les libertés fondamentales et les droits de l’homme, l’Occident en général, et la France en particulier, ne se mouilleront jamais pour que la démocratie devienne la norme dans les pays du Sud. Pire. Au nom d’une real-politik de merde (qui leur pètera à la gueule d’ici peu, croyez-moi), ils multiplieront les complaisances envers les régimes les plus sanguinaires. Derrière des raisons d’Etat d’un autre âge, hypocrisie planétaire qui tue, ils se cacheront indéfiniment…

Durant ces quelques semaines de révolte, des dizaines de pauvres gars ont payé de leur vie le silence des démocraties environnantes. Celles-ci ne pouvaient apparemment hausser le ton contre celui qui s’est vendu comme leur dernier rempart contre l’islamisme. Et c’est bien connu : on ne fait guère d’omelette sans casser des œufs (et les oeufs, ce sont nous !).

En France, le silence de la classe politique a été ponctué par des déclarations stupéfiantes (que j’ai collectionnées au fil du temps, sans vraiment penser pouvoir les ressortir de si tôt) :

Celle de Frédéric Mitterrand « Dire que la Tunisie est une dictature univoque, comme on le fait si souvent, me semble tout à fait exagéré ». J’adore la notion de « dictature univoque »… il faudrait juste qu’il l’explique à M Abbou, avocat critique du régime, emprisonné pour un article sur internet, et qui a choisi de se coudre les lèvres avec des agrafes pour attirer l’attention du monde sur l’état des libertés en Tunisie. Ceci a eu lieu, en 2005, à la veille du Sommet mondial sur la société de l’information, organisé par l’ONU en Tunisie… oui oui, vous avez bien entendu, en Tunisie, terre de toutes les libertés !

Celle de Bruno Le Maire estimant que « Ben Ali est souvent mal jugé », ou encore celle de François Baroin avec sa démagogie à deux sous : « Déplorer les violences, appeler à l’apaisement, faire part de ses préoccupations, c’est une position équilibrée que défend aujourd’hui la France au regard de la situation tunisienne ».

La déclaration de MAM mérite, à elle seule, la palme d’or du laconisme. Devant l’Assemblée, elle a osé sortir « Plutôt que de lancer des anathèmes, notre devoir est de faire une analyse sereine et objective de la situation », « la priorité doit aller à l’apaisement après des affrontements qui ont fait des morts » (ah bon ?!), « le savoir-faire reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité permet de régler des situations sécuritaires de ce type. […] C’est la raison pour laquelle nous proposons effectivement aux deux pays (elle veut dire la Tunisie et l’Algérie) de permettre, dans le cadre de nos coopérations, d’agir pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l’assurance de la sécurité ». Vous l’avez bien compris : Devant les revendications sociales et politiques d’un peuple dont les libertés ont été purement et simplement confisquées durant 55 ans, MAM propose d’exporter ses CRS. Heureusement que le ridicule ne tue plus !

Je me rappelle parfaitement du voyage de Sarkozy en Tunisie (avril 2008), accompagné de sa chouchoute (là, je ne peux m’empêcher de penser à Cabu qui, parlant de Carla, dit que c’est un personnage super facile à dessiner : « Tu dessines une saucisse et pour les cheveux tu rajoutes de la choucroute. Et tu obtiens la 8e merguez du monde. », Le Monde du 12/1/2011), de MAM, de Brice et de Rama (je parie que depuis, cette dernière a complètement zappé ce trip de son subconscient). Que du beau peuple… Et que de belles paroles : A l’époque, Sarkozy nous a paru bien indulgent en expliquant que « Certains sont bien sévères avec la Tunisie, qui développe sur bien des points l’ouverture et la tolérance » et que « l’espace des libertés progresse ».Mon cul, oui ! Il aurait dû tenter de se connecter à internet avant de l’ouvrir…

Avant lui (en 1995), Chirac a fait encore mieux en rendant hommage à Ben Ali qui a, apparemment, su engager son pays « sur la  voie de la modernisation, de la démocratie et de la paix sociale » et ouvrir le Parlement aux « représentants de divers courants d’opinion ». Il faut être soit débile, soit faux-cul (soit les deux, car il ne faut jamais sous-estimer nos politiques) pour ne pas reconnaitre l’onction démocratique de façade qu’il a su monter de toutes pièces.

Je n’oublierai jamais ce même Chirac affirmant, lors de sa visite à Tunis en 2003, que « le premier des droits de l’homme, c’est de manger […] De ce point de vue, la Tunisie est très en avance sur beaucoup de pays ». Il l’a fait, alors que l’avocate contestatrice R. Nasraoui entamait son 50ème jour de grève de la faim. Le message était clair : « Bouffez et bouclez-la ! ».

L’heure de vérité a sonné. Du moins, j’ose l’espérer. Je donnerai cher pour connaître tous ceux qui, en France, ont bénéficié des largesses du régime déchu. Nombreux sont les lobbyistes (Degallaix, Lanxade, entre autres… tous deux d’anciens ambassadeurs de France en Tunisie), les communicants (Anne Méaux, Jacques Séguéla… ), les conseillers de tous genres et les hommes d’affaires, qui y auraient goûté, d’une façon ou d’une autre. Et comment auraient-ils pu faire autrement sachant que les deux familles régnantes se sont accaparées l’ensemble du tissu économique du pays (banque, distribution, téléphonie, médias, immobilier, transport aérien, tourisme… même la contrebande passait par eux) ? Comment tous ces intervenants étrangers auraient-ils pu résister aux sirènes du profit facile dans une république bananière gangrénée par « la familia » ? Se fermer à la familia, c’était se priver d’un business des plus juteux !

Je donnerai cher pour identifier l’ambassadeur Français, que mentionnent les mémos de l’ambassade américaine en Tunisie (révélés par WikiLeaks), et qui aurait reçu en cadeau une superbe villa (enregistrée apparemment au nom de sa fille) dans un quartier huppé de la capitale tunisienne.

Remettrons-nous un jour la main sur l’énorme magot que les Ben Ali (la fortune de Ben Ali, à lui seul, était estimée à 5 milliards de dollars en 2008, par le magazine Forbes… autrement dit le huitième du PIB tunisien !) et les Trabelsi (outre tout ce qu’elle a pu mettre de côté durant toutes ces années, la régente de Carthage est soupçonnée de s’être enfuie avec 1.5 tonne d’or de la Banque Centrale… question d’avoir un peu de liquidités sur elle) ont usurpé à ce pays, pour le placer en Europe, aux Amériques et au Moyen-Orient ? L’Europe fera-t-elle le nécessaire pour bloquer leurs avoirs, leurs propriétés ?
Permettez-moi d’en douter…

J’ai toujours défini, et je ne suis guère le seul, le Tunisien (monsieur tout-le-monde) comme un « khobziste » (du mot « khobz » qui veut dire pain en arabe), autrement dit quelqu’un qui ne se bougera jamais le cul tant qu’on ne touche pas à ses besoins les plus matériels. Ce n’est guère un rebelle, ni un téméraire. Confisquez-lui ses libertés, il fera le mort. Immergez-le dans l’arbitraire le plus absolu et il y verra une fatalité. Plongez-le dans la corruption, le clientélisme, l’humiliation quotidienne, l’injustice et les inégalités flagrantes, et il s’adaptera comme un poisson dans l’eau. Capable de vivre sous une chape de plomb et une justice instrumentalisée, recroquevillé sur ses p’tits conforts et ses p’tits privilèges, il ne mouftera que si ces derniers sont sérieusement menacés (révolution du pain dans les années 80), ou que si ses conditions de (sur)vie deviennent trop exigües (le soulèvement, fin 2008, du bassin minier de Gafsa, fin 2008, une autre région mutine. A l’époque déjà, les syndicalistes appelaient à une répartition plus équitable des richesses du pays). Sa carapace consumériste le rend souvent insensible au passe-droit, au racket des fonctionnaires corrompus, et le pousse même à y prendre part (en payant des pots-de-vin, en faisant appel à des pistons, en graissant les pattes de policiers ripoux…).

La seule chose à laquelle le tunisien semble relativement vulnérable est l’insécurité.
Durant les 23 ans de règne de Ben Ali (et je fais volontairement abstraction des 32 ans de Bourguibisme qui les ont précédé), notre obsession sécuritaire nous a tenu par les couilles. Nous avons opté (à quelques exceptions près… des hommes et des femmes qui ont su braver le pouvoir au risque d’y laisser leur intégrité physique : M. Abbou, S. ben Sedrine, K. Chammari, R. Nasraoui) pour la sécurité, plutôt que la liberté. Le maillage policier nous rassurait. Le verrouillage des libertés fondamentales ne nous dérangeait pas outre mesure. On aimait bien manger et se la boucler.

A chaque fois que j’ai parlé politique à la maison, ma mère me sortait son fameux dicton super-imagé « Garde ta merde… au moins sa puanteur t’est familière ».
Moi, je préférais plutôt tester d’autres effluves, à mes risques et périls…

Dehors, la révolution est en marche, ici et ailleurs… Ne l’oubliez pas…

Nous vivrons, d’une façon ou d’une autre, des temps mémorables…

Vive la révolution. Et à bas les cons (là, je reprends le mot d’ordre de Cabu).

PS: une p’tite bande sono qui m’a fait marrer…

Et le vieux con parla…

« Le problème avec notre époque est que le futur n’est plus ce qu’il était ! » — Paul Valéry

En cette fin d’année, et comme d’habitude, j’ai cherché à dénicher, dans l’évolution de ce monde, tout ce qui pouvait me foutre la trouille (je suis comme ça… j’adore me faire peur), et par ricochet (car je suis du genre partageur) plomber l’ambiance générale. Mon objectif ultime étant, vous vous en doutez sans doute, est de vous servir l’antidote de cet excès d’optimisme qui vous submerge à chaque début d’année (et qui me fait franchement chier), vous faire partager mes inquiétudes et mes doutes (vous déprimer, quoi !).
Là, la fin de l’année s’approche à grand pas et mon désarroi grandit à vue d’oeil. Car, j’ai comme un souci… Mon constat est plutôt frustrant : Rien ne cloche plus dans ce bas monde. Tout semble aller à merveille, dans les meilleurs des mondes.

Le calendrier chinois met l’année 2011 sous le signe du lapin de métal blanc (si si) ! Selon le zodiac chinois, le lapin est sociable, discret, raffiné, sensible….Une année qui ne pourra être que calme, quiétude, répit et apaisement. La révolution, c’est du passé. Place aux préoccupations mondaines et aux orgies artistiques… Je sens que je vais me goinfrer dans les vernissages…

Je me rappelle d’une étude vieille de 10 ans des Nations Unies estimant à 800 milliards (déboursables sur 10 ans, justement) le coût nécessaire pour que tout être humain ait accès à l’éducation de base, à la santé, à la nourriture et à l’eau potable. De toute évidence, l’objectif du millénium est atteint. Les émeutes de la faim sont maintenant de l’histoire ancienne. L’humanité toute entière mange à sa faim, a accès à l’eau potable, et dispose des soins primaires. Ceux qui ne mangent pas suffisamment sont ceux qui font attention à leur ligne, tout simplement.

Le monde va bien…
Selon une enquête réalisée par le site de rencontres en ligne OkCupid, les utilisateurs de l’iPhone d’Apple, hommes et femmes confondus, ont plus de partenaires sexuels (Avez-vous déjà contemplé l’un d’eux en train de tripoter l’écran tactile, faire défiler les pages, les pétrir, les retourner, les zoomer, le tout avec un ou deux doigts ? Quelle dextérité !). Mes pauvres Blackberristes, il est grand temps de troquer vos BBs (et votre acharnement professionnel) contre un peu plus d’habilité manuelle…

Le monde va bien… Nos gouvernants savent rester zen
Alors que des milliers d’automobilistes dormaient sur les autoroutes de France, M. Brice a osé affirmer que ce n’était guère la pagaille. C’était juste un énorme foutoir, un bordel monstre… Ceci dit, il a en quelque sorte raison : sur des centaines de kilomètres, les voitures bloquées étaient parfaitement rangées en file indienne dans la neige. Elle est où la pagaille, là dedans ?

Le monde va bien…
Contre la réforme prévoyant le triplement des frais (à 9000 livres) de scolarité au sein des universités de GB pour compenser le désengagement de l’Etat de l’enseignement supérieur, les étudiants britanniques ont manifesté leur colère, se sont opposés à la police, et s’en sont même pris à la voiture du Prince Charles et sa dulcinée, l’aspergeant de peintures. Je vous rassure… Le couple princier a finalement pu assister comme prévu au spectacle auquel il se rendait. S’ils l’ont fait, c’est que le monde se porte à merveille.

Le monde va bien… Les inféodés sont rapidement rappelés à l’ordre
Après MasterCard, PayPal et Visa, c’est au tour de Bank of America de fermer le robinet à Wikileaks, en suspendant toutes les transactions destinées à ce site. Son porte-parole évoque une décision qui «  se fonde sur le fait que Wikileaks semble être engagé dans des activités contraires à la politique interne de paiements » de la banque… Il va sans dire (dans un monde qui va bien) que cette décision n’a absolument rien à avoir avec les « 5 gigaoctets de données provenant du disque dur d’un des dirigeants de la banque » que le fondateur de Wikileaks promet de rendre publique dans un p’tit mois. Quant à Médiapart, ils continuent à nous faire chier avec leurs enquêtes et leurs révélations… Ils n’ont toujours pas compris qu’on n’aspire qu’à une vie pépère, loin des tumultes des interrogations existentielles et des questionnements métaphysiques, que nous vivons en parfaite harmonie avec nous gouvernants (dont la rigueur, la transparence, l’honnêteté intellectuelle et l’honnêteté tout court, sont proverbiales)

Le monde va bien… Les flots d’argent sont bien canalisés
Les bonus des traders sont maintenant encadrés, payés de façon différée, sur un minimum de trois ans… Ouf, nous voilà rassurés sur la pérennité du système. Dans le même registre, les jeux d’argent sont enfin légalisés sur internet. Les français pourront enfin s’alléger de leurs quelques 20 milliards d’euros (de pertes, par an) à d’autres que la Française des Jeux et le PMU. Addiction pour addiction, on devrait légaliser la marijuana. Ca fera rentrer un peu de fric dans les caisses de l’Etat, et nous fera tous planer un bon coup…

Le monde va bien… Et le père Noël y est pour quelque chose.
Les foyers français continuent à débourser 230 Euros (en moyenne) pour entasser quelques jouets de plus (Ils devraient, cependant, savoir qu’une entreprise française a eu la lumineuse idée de proposer des jouets à la location).  Dehors, 4 personnes en situation précaire sont mortes dans le froid glacial. C’est un peu leur faute : ils tenaient absolument à voir passer le père Noël sans tenir compte de leurs fragilités physiques.
Pour ceux qui n’ont pas d’amis, il est enfin possible d’en louer, du moins en Ukraine. La société Kind Fairy propose aux personnes solitaires malgré elles (et moyennant une quinzaine d’euros) d’aller trinquer en compagnie  d’un ami d’un soir, capable de parler de tout (politique, art, cul, je suppose…)

Le monde va bien… Nous débordons de créativité.
La médaille de la créativité (qui a osé parler de cupidité ?) revient à l’Espagnole Angeles Duran qui s’est auto-déclarée propriétaire du soleil. Comme quoi, ce n’est pas parce qu’on se l’est coulé douce durant quelques 4 milliards d’années, loin de toute entrave, que la cupidité humaine ne peut nous atteindre… Il faut dire qu’un Américain l’a déjà précédé en passant un acte notarié pour s’approprier la lune et presque toutes les planètes.

Le monde va bien… Nous sommes plus humains que jamais.
L’Etat de Californie a pris la décision radicale de libérer une partie de ses prisonniers (­6500, soit 4% de la population carcérale). Les mauvaises langues n’y verront que des raisons bassement matérielles, le signe que l’Etat n’a plus les moyens d’entretenir ses prisonniers… Ca reste un acte fort venant d’un Etat qui alloue plus au système carcéral qu’à l’enseignement supérieur. Bravo la Californie !

Le monde va bien… Nos ressources sont inépuisables.
En commentaire d’un article sur la raréfaction de l’eau douce, l’excellent Champardenne affirmé « Placez vous sur la rive de n’importe quel grand fleuve […] et regardez un moment toute cette énorme quantité d’eau douce qui file se perdre en mer ». Suite à cette observation qui brille par sa rigueur scientifique (et je ne suis guère du genre moqueur !), il conclut qu’ »on a toute l’eau douce voulue ». Nous voilà rassurés…

Le monde va bien… Notre sécurité est assurée à chaque instant.
Sur un large panel d’applications populaires pour téléphone mobile étudiées par le Wall Street Journal, nombreuses se sont révélées coupables de violation de la vie privée (je préfèrerais parler de protection rapprochée), et ce par transmission, à des régies publicitaires (pour l’instant), de données personnelles à l’insu de l’utilisateur. Sur 101 applications étudiées (fifty-fifty iPhone & Android), 56 transmettent l’identifiant unique du téléphone, 47 donnent la localisation de l’utilisateur, et 5 livrent son âge et son sexe. Qui a osé dire qu’on est tracé ??

Le monde va bien… La révolution n’est plus que littérature.
Le manifeste de la gauche radical « L’insurrection qui vient » se vend comme des petits pains en Allemagne, phénomène qui inquiète plus d’un. Pas moi… C’est la preuve que nos révolutionnaires apprennent à lire.

Nous vivons dans un monde merveilleux.
Nous vivons des temps mémorables…

Vieux je suis devenu, mais con je suis resté… con au point de ne plus voir que les mauvais côtés de ce monde.
Là, vous allez être sympa et me laisser me lâcher un bon coup. Il en va de ma santé mentale. Faites juste semblant de m’écouter… Et, surtout, soyez indulgents…

Et le vieux con parla…

Nous vivons sur les plaques tectoniques du chômage endémique, de la dette galopante, des déficits abyssaux, des disparités sociales qui se creusent… et on adore ça.
Des pays dits développés se sont révélés au bord du gouffre financier… à deux doigts du dépôt de bilan. Au lieu d’avaler notre amour propre et de restructurer nos dettes (et celles de nos banques), nous avons préféré jouer les prolongations en maintenant le malade sous perfusion. Avez-vous déjà essayé de planquer un tas de poussière sous un tapis ? Avez-vous remarqué  le champignon atomique que notre connerie génère dès qu’on effleure (par mégarde) le tapis ?

On s’est embarqué dans un « anti-Robinwoodisme » à toutes épreuves: On prend aux pauvres pour donner aux riches. C’est tellement gros que 45 millionnaires américains (oui oui, je vous l’assure) ont choisi de lancer une pétition pour payer plus d’impôts. Ils exigent l’abandon des allègements fiscaux de l’époque Bush, comme un premier pas vers l’assainissement des finances publiques. En même temps, près d’un quart de la population européenne est menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale, et 42 millions d’américains dépendent des coupons alimentaires.
Et, un peu partout, les journées d’actions contre l’austérité tournent à la guérilla urbaine…

On adore vivre à crédit (avez-vous remarqué, dans la queue devant vous au Printemps / BHV / Galeries Lafayette, le nombre de clients qui règlent leurs achats avec la carte de paiement du dit grand magasin ?). Devant un parterre d’étudiants, l’amiral Michael Glenn considère que « la pire menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis est le poids de leurs dettes ». Quand le plus haut gradé de l’Amérique commence à parler de la dette US, je ne peux réprimer un haut-le-cœur (je suis du genre à vomir quand je suis terrorisé).
On dépense trop et sans discernement. Analyser les courses de Noël est un cours de macro-économie en soi. Les chinoiseries que vous avez achetées (autrement dit, la quasi-totalité de vos cadeaux) sont responsables des déséquilibres mondiaux, des déficits commerciaux et des dettes qui enflent…

Même la nature s’en mêle… L’année nous a gâtés avec 2 séismes respectables (Haïti avec ses 200 000 morts, et le Chili, ce dernier étant le plus fort jamais enregistré), un volcan (au nom barbare d’Eyjafjöll) déchainé au point d’obscurcir les cieux européens, une magnifique marée noire au large des Etats-Unis, quelques inondations dévastatrices dans des coins reculés du globe (dont on s’en fout royalement)…

Et comme pour parfaire ce panorama magnifique, la Belgique n’a jamais été aussi proche de la scission. Mais c’est peut-être une histoire belge de plus…

La troisième révolte est en marche. Il est grand temps d’entrer dans l’ère de la désobéissance éclairée. La sobriété volontaire ne suffira bientôt plus…

Et, dans ce bordel globalisé, je ne peux que m’aligner sur Jean Yann qui disait « Pour moi, la grande question n’a jamais été : Qui suis-je ? Où vais-je ? Comme l’a formulé si adroitement notre ami Pascal, mais plutôt : Comment vais-je m’en tirer ? . »

Bonnes fêtes et meilleurs vœux (c’est bien la formule consacrée, non?)
Viva la revolucion (celle là l’est un peu moins !).

Le jour se leva. Et le vieux con se tut… (et c’est peut-être mieux comme ça)

PS : Contrairement au zodiac chinois, je suggère de placer 2011 sous le signe du Scarabaeus Laticollis, plus vulgairement connu sous le nom de scarabée bousier (vous savez, celui qui fait des boules de caca et qui les roule jusqu’à son garde-manger… ummmm !).

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Sans lui, nous serions dans une merde noire jusqu’au cou…  Il faudrait juste qu’il s’adapte un peu, en arrêtant de faire des boules avec les excréments des autres, pour se consacrer à l’ingestion de nos déchets les plus divers… Je me verrais bien dans un monde où chacun se baladerait avec son bousier (de la taille d’une chèvre) en laisse…

PS 2 : A ce stade, et au risque de passer pour le ringard de service, je vais finir par vous chanter  « Les anarchitectures », ou encore « J’accuse » de Saez (très bon calmant pour cette période plus ou moins festive. Je vous invite vivement à les écouter sur Deezer :http://www.deezer.com/fr/#music/result/all/saez . Et puis, c’est gratis).

PS 3 : Je suis sûr que parmi vous, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les 2 révoltes qui ont précédé la future troisième ! J’en dirai plus en 2012 (si internet marche encore).

PS 4 : La eCard_Tingitingi_2011 est là pour rattraper mes conneries… du moins, je l’espère.