« Mourir pour des idées, c’est bien beau, mais lesquelles ? Et comme toutes sont entre elles ressemblantes, quand il les voit venir, avec leur gros drapeau, le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau. » (Georges Brassens)
L’année commence mal.
Le 31 décembre, plusieurs centaines de milliers de personnes étaient réunies sur l’avenue des Champs-Élysées (Paris). Sous l’impulsion de la mairie, la foule était censée lever les bras pour former une énorme vague sur plus de 2 kilomètres et battre ainsi le record de la plus grande ola du monde. La vague s’est écrasée au bout de quelques mètres dans un joli flop qui a fait le tour du monde. Pas bon du tout !
Avec les événements du 7/10 en Israël et la guerre de Gaza qui s’en est suivie, avec la « silenciation » d’un discours au profit d’un autre, unique et notoirement biaisé, avec la montée de la droite et la droitisation de la gauche, avec l’effacement de tout œil critique dans les médias et la mise à mort des avis dissidents, j’ai compris enfin ce qu’est devenue la fenêtre d’Overton dans les sociétés occidentales d’aujourd’hui. Le drame de Gaza et ses 25 000 victimes n’a fait que cristalliser des tendances qui étaient déjà en cours depuis longtemps.
Ça fait des années que je regarde cette fenêtre se déformer au gré des manœuvres politiques, des conflits sociaux, des crises nationales et internationales. D’un côté de la sphère politico-médiatique, j’ai vu les acteurs d’extrême droite travailler à rendre tolérables des idées autrefois jugées intolérables. De l’autre, j’ai vu des acteurs de gauche censurer des discours autrefois jugés normaux, voire désirables.
En France, on fait taire la chaine Sputnik mais on laisse I24 diffuser des appels à raser Gaza pour en faire un grand parking.
En France, on interdit aux Russes de faire leur propagande en direct, mais laisse Tsahal (le député Français et les 3 philosophes qui lui servent de porte-paroles) entretenir ses mensonges (réfutés depuis longtemps en Israël même) et en débiter de nouveaux sur des plateaux télé animés par des gogols ignares.
Une p’tite parenthèse s’impose. C’est plus fort que moi… Parmi ces 3 philosophes, il y en a un qu’à chaque fois que je vois en train de divaguer, j’ai juste envie de lui dire : « Chéri, je suis sûr que t’as plusieurs bites pour que t’arrives à te branler autant ! ».
Quand je les vois réunis tous les trois, là c’est à Desproges que je pense : « Si Dieu avait créé l’Homme avec de la toile émeri au creux des mains, il y aurait moins de branleurs. »
Je ferme la parenthèse.
En France, on interdit les manifestations qui appellent à un cessez-le-feu à Gaza mais on donne carte blanche à tous ceux qui soutiennent l’extrême droite Israélienne dans son délire génocidaire. Et à l’occasion, on autorise les identitaires à défiler dans Paris.
En France, on fait tout pour faire tomber un lycée privé musulman (Averroès, à Lille. Regardez l’enquête de Mediapart) pour « séparatisme » (terme bien ancré maintenant dans la fenêtre d’Overton), et on oublie de fermer un bar (La Traboule, à Lyon) servant de QG à quelques groupuscules identitaires théoriquement dissouts.
En France, on taxe le monde universitaire d’islamo-gauchisme et on l’instrumentalise dans le combat contre le prétendu danger du wokisme, mais on ne s’inquiète nullement de la menace fasciste.
En France, on instrumentalise la laïcité pour faire des musulmans des boucs émissaires et on prétend conter l’extrême droite en reprenant ses discours et en faisant passer ses lois par procuration.
En Mer Rouge, les occidentaux montrent que la perturbation de quelques lignes commerciales maritimes leur sont plus chères que la vie de 10 000 enfants tués (un tous les 10 minutes) par la barbarie d’une armée dont ils sont le support matériel, financier, technique, légal et moral. Le message tel que retenu par une bonne partie de la population mondiale (et j’en fais partie) : « Les gars bombardent l’un des pays les plus pauvres au monde parce qu’ils ont peur que les colis Amazon des Israéliens arrivent trop en retard ! »
La fenêtre d’Overton ne se porte pas beaucoup mieux chez nos amis allemands, ni anglais…
L’extrême droite allemande planifie secrètement la « remigration » de millions de citoyens. Des membres de l’AfD (partie d’extrême droite représentant quelques 23% d’intentions de vote à l’échelle nationale) et des néonazis se sont rencontrés fin novembre pour discuter d’un plan d’expulsion d’Allemagne de personnes étrangères ou d’origine étrangère. Le projet vise à envoyer vers l’Afrique du Nord jusqu’à deux millions de personnes – demandeurs d’asile, étrangers et citoyens allemands (binationaux) qui ne seraient pas « assimilés ».
Perso, je trouve qu’ils sont un peu à la traine, ces allemands… Ils nous ont habitué à mieux. Zemmour en parle déjà depuis un bon bout de temps.
En Allemagne donc, tu peux parler de déporter des millions de citoyens mal-intégrés, mais si tu verses une lame pour les Palestiniens massacrés à Gaza, t’es foutu.
En Allemagne, le Bundestag juge BDS antisémite et illégal mais défend bec et ongle un état voyou, ne veut pas le voir trainé dans la boue devant la CJI et se refuse à tout appel au cessez-le-feu. On dirait qu’ils voudraient laisser le temps à Israël de faire mieux qu’eux en Namibie (quelques 75 000 personnes exterminées par le Deuxième Reich entre 1904 et 1908). Après tout, ils ont peut-être envie de vivre un 3ème génocide par procuration…
En Allemagne, on interdit des manifestations culturelles dites « pro-palestiniennes », mais on laisse les néo-nazis parader à Berlin. Je suis impatient de voir comment ils vont accueillir la nouvelle campagne “Strike Germany” (strikegermany.org) de boycott des institutions culturelles allemandes.
En Angleterre, En Australie, on laisse des journalistes proposer la déportation « gentille » d’une population (Julia Hartley), voire justifier les massacres de civils, mais on vire un journaliste qui titille un peu trop le porte-parole d’un état génocidaire ou ose partager le rapport de HRW sur l’utilisation d’Israël de la famine comme arme de guerre (Antoinette Lattouf de ABC-Australie)
En ce moment même, la fenêtre d’Overton est en train d’être testée en temps réel. A titre d’illustration, voici un titre du Figaro du 3 janvier « Israël négocierait avec le Congo pour accueillir des Palestiniens de la bande de Gaza », et un autre de BFM du 4 janvier « L’ ‘émigration de Palestiniens’, le projet controversé de ministres Israéliens pour Gaza ». Tester la fenêtre d’Overton sur la déportation « volontaire » (Les Nazis l’ont fait déjà en 19933, avec l’accord de l’Agence juive – Accord Haavara) permettra, à un moment ou à un autre, de rendre audible une autre idée extrémiste, mais relativement moins dégueulasse…
Par ces temps troubles, la fenêtre d’Overton se déforme à vue d’œil. L’impensable devient « un peu radical », et petit à petit « acceptable ». Et, en même temps, le double-standard devient le standard.
Partout en occident, on se foutait de la gueule des Russes et de leurs chaines de télé qui ne leur montraient rien du conflit Ukrainien. On se gargarisait de l’indépendance de nos médias et de la mise sous tutelle des leurs. Je vous laisse demander aux Israéliens ce qu’ils voient de la guerre à Gaza. Je vous laisse poser un regard objectif sur nos médias traditionnels (même les plus prestigieux / crédibles).
« Il n’existe rien de plus efficace qu’une rengaine, pour obtenir la crétinisation et la docilité des masses, comme des individus. » – Francis Blanche, Artiste, Comique (1921 – 1974)
L’alignement inconditionnel derrière un Etat voyou, colonisateur, génocidaire, pervers et mythomane (gouverné par une clique de suprémacistes racistes et fascistes) a été, en quelques sortes, le point d’orgue de la mise en abime d’un occident qui s’est érigé en chantre des valeurs universelles (tant que ça l’arrangeait) et que j’ai failli croire (bordel de merde !).
Quand je parle de l’occident, je parle de sa classe dirigeante, de ses médias, de ses communicants et soi-disant philosophes de mes deux, ainsi que d’une bonne partie de sa population (après tout, on a les politiques / médias qu’on mérite). La quasi-simultanéité de ces deux guerres (Gaza et Ukraine) et la réaction diamétralement opposée de ces trois sphères à ces deux drames, ont fini de me convaincre de quelques faits géométriques : (i) la justice est à géométrie variable (ii) l’humanisme est inversement proportionnel à la distance (iii) ce qui est loin des yeux n’existe pas (iv) ce qui est loin dans le temps n’a jamais existé (v) la mémoire d’un poisson rouge est courte (vi) plus c’est gros, mieux ça passe.
De là où je suis, j’attends la suite avec un mélange de perplexité, d’inquiétude et de consternation. Vous ne sentez pas la puanteur de la « préférence fascisante » ? Vous n’entendez pas le bruit des bottes ?
Ce que j’ai vu/vécu durant ces derniers mois m’a fait penser à Alexandre Zinoviev, penseur (philosophe, logicien) soviétique qui reste, pour moi, la figure intellectuelle la plus originale (car la plus controversée, mais pas que…) de la fin du 20ème siècle.
Zinoviev est l’un de ceux qui ont le mieux expliqué le fonctionnement du système soviétique (voir « Les Hauteurs béantes » et son pays imaginaire avec son absurdité, sa grisaille et ses mesquineries) et de tout système totalitaire, en général. Mais en se réfugiant en Allemagne (en 1976), il finira par dire que le système occidental est très similaire, dans son fonctionnement.
Zinoviev a bossé, entre autres, sur les différents aspects de la démocratie dans les sociétés contemporaines et introduit un certain nombre de concepts tels que l’«homo sovieticus », la «démocratie totalitaire » ou encore la «démocratie coloniale ».
C’est notamment à lui qu’on doit le terme « d’occidentisme », colonne vertébrale de la société occidentale, combinant essentiellement (mais pas que…) le capitalisme, le libre marché, le pluralisme et la démocratie. Mais en traçant le portrait de l’Occident (durant sa période Allemande), Zinoviev met en avant le poids de l’idéologie et de la propagande dans la société occidentale : «Le système d’abrutissement occidental est incomparablement plus puissant que celui qui existait en URSS dans les années staliniennes et même brejnéviennes »
Dans l’œuvre de Zinoviev, la critique du totalitarisme soviétique cède, petit à petit, la place à la dénonciation du monde capitaliste qu’il qualifie de « post-démocratique» et de la stratégie coloniale des puissances occidentales où les valeurs de démocratie ou de droits de l’homme servent d’armes idéologiques. C’est justement là qu’il parle de «démocratie coloniale» ou de «démocratie totalitaire». Dit autrement, la démocratie occidentale, sous sa forme décrite dans les textes apologétiques, n’est qu’une astuce idéologique de l’occidentisme au même titre que le libre marché avec sa fameuse «main invisible» (intervention de l’état et des banquiers centraux)
Il y a donc 45 ans, un mec nous a mis en garde contre la glorification sans réserve de l’occidentisme :
- En faisant le parallèle entre la propagande occidentiste et celle du système communiste.
- En nous rappelant que, naguère, l’idéologie communiste proclamait que la société communiste serait le comble du progrès humain. Et qu’« aujourd’hui, l’occidentisme se met à singer les prétentions maniaques de l’adversaire disparu »
- En expliquant qu’«en réalité, le système de l’État occidentiste ne se réduit pas qu’à la démocratie. Elle n’est même pas son élément principal. Elle est en vue de tous, se fait mousser, fait beaucoup de bruit et sert de vitrine. Mais ce n’est que la façade du pouvoir réel». Dit autrement, c’est la partie non démocratique (affairiste, corporatiste, supra-étatique, lobbyiste…) qui est aux commandes du système.
Je ne sais pas si vous voyez où je veux en venir…
Un p’tit clin d’œil à mes amis Tunisiens : en faisant mes recherches autour de son essai « Les Hauteurs béantes », je suis tombé sur des extraits d’une autre œuvre de Zinoviev « L’Avenir radieux » et ses deux héros (censés être les deux faces du Soviétique moyen) : (i) l’opportuniste prêt à toutes les compromissions pour arriver coûte que coûte tout en haut et (ii) le je-m’en-foutiste qui suit son chemin pépère malgré les brimades de son entourage.
« La tragédie russe a ceci de spécifique que d’abord elle suscite le rire, ensuite l’horreur, et enfin une indifférence obtuse. (…) Pour moi cela s’explique par le fait que la tragédie russe, tout comme la façon dont on la perçoit, se situe par-delà le bien et le mal, hors de la sphère morale. C’est une réaction purement psychologique ou même physiologique devant un fait terrifiant. »
On dirait qu’il parle d’un pays qu’on connait, non ? Il nous connait, bordel !
Passons…
A mon sens, le caractère « non démocratique » prédominant du système actuel s’illustre parfaitement dans notre gestion des urgences socio-écologiques (pour ne pas dire civilisationnelles) auxquelles nous sommes confrontés. A mon sens, nos états sont intellectuellement trop corrompus, trop tiraillés entre divers intérêts divergents, trop pris par les couilles pour agir de façon radicale. Ils sont, par construction, incapables de renverser la table et d’avancer sur des sentiers structurellement différents de ceux foulés jusqu’ici.
Contre tout bon sens, nos états continueront jusqu’au bout à nous vendre la croissance verte, plutôt que la décroissance. Les chantres du découplage (et nos dirigeants en font partie) continuent à prétendre que la croissance économique peut être maintenue durablement, tout en réduisant notre impact écologique.
Il y a un an, j’ai craché mes grandes vérités sur la barbotière dans laquelle nous pataugeons depuis des années. Bien évidemment, rien n’a changé depuis. J’en résume les grandes lignes :
- Six des neuf processus considérés essentiels à l’existence et la pérennité de la vie sur terre sont déjà hors des clous. Les conditions d’habitabilité de la planète sont en passe d’être anéanties.
- Le découplage entre l’intensité économique d’un côté et la pression exercée sur le système-terre n’est qu’un leurre. La croissance verte est non seulement un mirage mais pire, un oxymore !
- Même labélisée « verte de chez verte », la croissance (au sens traditionnel du terme, soit au sens du PIB) ne peut continuer sans une alimentation continue de l’ogre en énergie et en matières premières, sans un impact direct sur le vivant. Le fait de détruire du vivant ne devient pas plus vertueux quand on le réalise à coups d’énergie verte.
- Investir aujourd’hui toutes nos ressources dans cette supercherie intellectuelle qu’est la croissance verte, c’est se condamner collectivement.
Nous sommes confrontés à un vrai effondrement multifactoriel (6 facteurs sur 9). Mais nous continuons à penser que nous sommes face à un problème technique pour lequel nous trouverons une solution technique. Avez-vous déjà manipulé un Rubik’s Cube ? Là, nous avons un Rubik’s Cube à 9 faces (Et je dirais même 10 en intégrant le facteur « Humanisme – Sensibilité au monde» dont la dislocation est une vraie menace à l’habitabilité de la terre) et on s’acharne à essayer d’en reconstituer une (celle du carbone et de la « transition énergétique » portée par cette narrative phasique infondée). Bonne chance pour le reste !
Prenez cet état de fait, triturez-le comme vous voulez et vous verrez qu’il ne nous reste qu’une solution, la grande descente énergétique et matérielle, et 2 façons d’y parvenir : Soit y aller de façon organisée, volontaire et sereine, soit on continue à serrer les fesses en attendant de la prendre en pleine gueule, dans le chao et le désarroi. Les lois de la physique sont implacables ! Dans tous les cas, notre survie dépendra de notre capacité à changer de modèle économique / sociétal pour vivre la post-croissance
Ce qui est marrant c’est que la majorité des gens n’ont pas envie de creuser cette piste que leurs propres dirigeants qualifient de suicidaire, d’insupportable (un cliché !). Le système est fait de telle sorte que, la tête dans le guidon (ou dans le cul, selon les jours), le citoyen lambda n’a pas le temps de réfléchir, ni les moyens d’analyser. C’est à se demander si ce n’est pas fait exprès, d’ailleurs.
Afin de voir un peu plus clair dans ce merdier sans nom, revenons aux fondamentaux de l’économie et de la croissance :
- Qu’est-ce que c’est que l’économie ? Une définition classique serait de dire que c’est le processus intrinsèquement collaboratif qui sert à l’organisation sociale du contentement. Dans cette définition, « le contentement recoupe le processus de satisfaction d’un ou de plusieurs besoins, via l’extraction de ressources naturelles, la mobilisation de ressources sociales, la production de biens et de services, allocation de ces derniers, consommation et élimination des déchets. » (Timothée Parrique, économiste). L’approche néo-libérale (dominante) de l’économie postule que ce processus est optimal si les intervenants du marché agissent en fonction de leurs propres intérêts, tout en étant en compétition continue. Aucune considération n’est, a priori, accordée aux ressources biophysiques / humaines exploitées.
- Qu’est-ce que c’est que la croissance ? La croissance est l’augmentation de la richesse créée par tous les agents, sur un territoire national, sur une année (Produit Intérieur Brut – PIB). Une croissance positive indique une augmentation de la valeur ajoutée d’une année sur l’autre, ce qui est perçu comme un signe de progrès. Les limites de cette vision sont nombreuses : (i) le PIB inclut toutes les sources de valeur ajoutée, y compris le trafic de drogue, la publicité (qui est plutôt néfaste dans le contexte actuel), la prostitution, (ii) le PIB n’intègre pas la valeur sociétale d’un éducateur, par exemple, au-delà de son salaire, (iii) le PIB n’intègre nullement le volontariat (ce qui revient à valoriser à zéro la valeur ajoutée d’un coach volontaire sans lequel nos enfants ne pourraient avoir d’activités sportives durant le week-end), (iv) la croissance du PIB n’est pas synonyme d’une pauvreté réduite, ni d’une meilleure répartition des richesses et encore moins de bien-être.
- Où est le problème ? Dans son fonctionnement actuel, le système est confronté à trois limites structurelles : celle des ressources et équilibres biophysiques, celle des équilibres sociaux (égalités, répartitions des richesses), et celle de la résilience des ressources humaines qui y contribuent (limites de bien-être). L’économie ne pouvant fonctionner très longtemps au-dessus de ses limites (la première est déjà très limitante), elle finira soit par se réorganiser en changeant de modèle, soit par s’effondrer.
- C’est quoi la décroissance ? Une définition, en partie chopée dans le dernier rapport du GIEC, consiste à dire que c’est la réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique, assurer la soutenabilité environnementale, la justice sociale et le bien-être. Ce changement de modèle socio-économique (de civilisation ?) doit être organisé de manière consciente, volontariste et démocratique.
Nous sommes dans un système qui produit pour produire, qui consomme pour exister. Un système qui crée des besoins là où il n’y en a pas, tel un corps qui ne connait plus la satiété. Un système qui dilapide des ressources naturelles, qui sacrifie ses équilibres internes (de justice, d’égalités, de santé physique et mentale…) pour produire des biens et des services à la con. J’ai même vu des sociétés développer des trucs inutiles pour la simple raison qu’elles pouvaient le faire, qu’elles disposaient de la technologie pour…
Beaucoup sont terrorisés à l’idée de devoir tailler dans le mammouth, si l’idée de descente énergétique et matérielle est poussée plus loin. Mais le mammouth est tellement dodu que quelques cures de liposuccion ne lui feront pas de mal, bien au contraire.
La décroissance est un projet de société, le seul, à mon sens, encore capable de nos éviter le mur et les désagréments sociétaux qui viendront avec. Par construction, elle passe par la fameuse descente énergétique et matérielle. Mais, elle induit aussi un changement structurel dans notre rapport au vivant et aux ressources « disponibles ».
Pas besoin de tortiller du cul pour chier droit. La frugalité s’imposera à nous, un jour ou l’autre. Autant donc y aller à la cool, en réduisant le rythme de notre consommation / production et en réorganisant nos troupes autour des ressources disponibles pour les gérer de façon collégiale et durable. En profiter, sans abuser…
J’apporte que dalle en disant ça (oui, oui comme d’hab…)! Ce que j’évoque comme système idéal n’est rien d’autre que ce qui a perduré dans les oasis du monde, depuis des millénaires. Un système séculaire qui a fait ses preuves. Y a pas mieux qu’une oasis pour cerner ce qu’on peut faire ou pas dans une économie fermée, aux ressources finies.
Prenons donc l’exemple d’une Oasis du sud-ouest Tunisien. Son écosystème combine trois ressources : (i) des sources d’eau, (ii) un sol sablonneux qui s’est enrichie au fil du temps grâce aux engrais naturel et (iii) des palmiers dattiers qui par leur effet couvrant abritent une faune / flore d’exception.
La pérennité de cet écosystème a tenu, durant des siècles, à la fixation d’une communauté humaine qui a choisi de collaborer autour d’une ressource selon un protocole d’usage raisonné. La mise en commun et le partage de l’eau avec un système collectif / équitable d’irrigation, c’est ce qui a permis à cette belle histoire de perdurer dans le temps.
Je ne vais pas vous faire un schéma. Le système crée de la valeur (dates et autres produits cultivés sous les palmiers + élevage vivrier) en consommant de l’eau et en recyclant les déchets en engrais naturels. C’est ce qu’on appellerait une croissance durable menée par une société harmonieuse.
Le système tient tant que la ressource principale (l’eau) n’est pas épuisée plus vite que le rythme de sa régénération naturelle (alimentation des nappes phréatiques).
Le système part en vrille quand (i) la communauté grossit trop vite et tire donc trop sur les ressources disponibles, ou (ii) le protocole d’exploitation collective de la ressource commune casse au profit de nouveaux entrants dont le seul but est le gain financier à court-terme (exploitation plus intensive pour exporter les dates, par exemple). Nouveaux entrants que j’ai presque envie d’appeler « Actionnaires »
C’est plutôt le (ii) qui s’est imposé dans le cas de notre oasis. La croissance raisonnée a laissé la place à une croissance effrénée qui a fini par épuiser l’eau et les sols, tuer la palmeraie et niquer l’humain. Au sens du PIB, la croissance s’est transformée en récession puis en dépression. MAIS…
Je pourrais pousser un peu plus loin mon délire pour montrer l’absurdité du PIB :
- L’oasis a crevé ou presque. De l’hécatombe, surgit un HEC qui se dit « Génial, je vais utiliser les troncs de palmiers morts pour faire des meubles et me faire des couilles en or ! » et il transforme tout en meubles en sous-payant les derniers gugus (beaucoup de vieillards qui n’ont pu quitter l’oasis) du coin et en épuisant le peu d’eau qui reste. En faisant cela, il crée de la croissance !
- Une fois que les meubles sont là, notre HEC pourrait continuer sur sa lancée, en ouvrant une énorme maison close (avec un club échangiste pour organiser des touzes… il y a trop de lits, et puis j’y tiens…) en sous-payant ses prostituées (recrutées sur place selon le principe louable du « circuit court ») et en épuisant le peu d’eau qui reste. Encore de la croissance !
- Un travailleur social a tenu à rester dans l’oasis pour s’occuper des vieillards abandonnés et assurer, comme il peut, un service périscolaire auprès des p’tits des prostituées quand elles sont au taf. Notre gars le fait bénévolement. Ainsi, il passe pour un raté, pour le HEC, et pour moins que ‘que dalle’, pour le PIB !
Que préférez-vous, franchement ? La croissance ou la sobriété ? Se prendre le mur ou tailler dans le mammouth les bouts de gras qui ne servent à rien ?
Un retour au système « oasien » (à son esprit, j’entends ) nous permettrait de réorganiser nos troupes autour d’une ressource disponible pour la gérer de façon collégiale et durable, selon un protocole d’usage contrôlé par la communauté. Un joli exemple d’intelligence collective, je trouve…
D’ailleurs, avec le développement d’internet, des pratiques collaboratives et des réseaux sociaux, on est en droit de s’attendre à être sur la bonne piste : une meilleure intelligence collective, aboutissant à une mobilisation effective des compétences.
Que nenni !
Notre intelligence collective semble plutôt en recul, probablement sous les coups de boutoir du conformisme, de l’absence de diversité, de l’autocensure et de la malhonnêteté intellectuelle.
Il faut dire que nos médias sont devenus de puissantes fabriques de consentement. Le phénomène n’est pas nouveau mais est devenu flagrant avec ces deux dernières guerres. Les messages martelés sont limite endoctrinants. Toute parole dissonante est considérée subversive et mérite d’être matée en direct. De leur rôle de « quatrième pouvoir » d’antan, nos médias n’ont presque plus rien. Ils sont maintenant de vraies bêtes de propagande aux mains de quelques firmes de plus en plus dominantes.
Est-ce cela le début de la dystopie qui nous guette ? Est-on encore loin du moment fatidique de Charbonneau ?
« L’on voit venir le moment où penser, écrire ou sourire pour rien deviendra une indécence, que le syndicat professionnel pourra faire condamner pour concurrence déloyale et exercice illicite de l’être. » – Bernard Charbonneau
Il faut dire que nos sociétés sont devenues de véritables fabriques à gugus prototypés. On dirait même qu’elles cherchent réduire l’humain à ses tâches quotidiennes, lui ôter toute envie de réfléchir sur sa condition et encore moins sur l’évolution du monde. Un caractère affirmé est source d’emmerdes et de rébellion !
Il faut dire aussi que nous sommes devenus un peu plus bébêtes (dociles et cons) pour se laisser faire de la sorte. Des pigeons qui ne volent pas !
« Un pigeon, c’est plus con qu’un dauphin, d’accord… mais ça vole. » – Michel Audiard
Ce qui est marrant c’est que plus on perd en intelligence collective, plus on parle d’intelligence artificielle (IA). L’IA devient la panacée. Le remède miracle à tous les maux du monde.
Sans renier l’intérêt de l’IA dans certains domaines tels que la santé (détection de malformations sur fœtus, déterminer si un foie peut être greffé, diagnostics médicaux…), la biologie (création de nouvelles structures de protéines…), la chimie (création de nouveaux alliages…), la météorologie (prévisions à plus d’une semaine), je ne pense toujours pas qu’il y ait de quoi fouetter un chat. A mon humble avis, les modèles génératifs (dont ChatGPT est la figure de proue) ne changeront pas la face du monde. Les capacités des agents conversationnels continueront à impressionner. Les agents générateurs d’images (comme ce qu’il y a dans Midjourney ou Stable Diffusion) continueront à amuser la galerie. Mais ce n’est pas demain qu’on verra l’IA qui casse la barraque, celle qui risque justement de constituer un danger pour l’humanité.
ChatGPT impressionne par sa capacité à bavarder mais, en raisonnement, il est nul à chier.
Je changerai d’avis quand je verrai une IA faire des maths, se nourrir de ses propres raisonnements sans s’effondrer sur elle-même. D’ici là, ça ne sert à rien de s’exciter. Mais, ce jour-là, on sera vraiment dans la merde !
Cela dit, on est déjà dans la mouise, vu qu’on l’utilise déjà pour détruire et massacrer.
L’Armée Israélienne (la plus morale au monde, ne l’oubliez jamais !) se vante de mener sa guerre par IA. L’un de leurs algorithmes est nommé « Evangile » (Habsora en Hébreu) et s’occupe de suggérer des cibles et des plans d’attaque automatisés, le tout à un rythme effréné (quelques 15 000 cibles sur les 35 premiers jours, selon Tsahal). D’anciens officiers du renseignement Israélien parlent d’une «usine d’assassinat de masse». Ce qui est top c’est que Mr Hasbora permet d’estimer le nombre de personnes civiles susceptibles d’être tuées en cas de frappes, et laisse les militaires décider ce qui est acceptables pour eux (100, 500, 1000… civils pour une cible) avant d’appuyer sur bouton…
On a dématérialisé la barbarie !
«Rien n’arrive par hasard, déclare une autre source aux journalistes de +972. Lorsqu’une fillette de 3 ans est tuée dans une maison à Gaza, c’est parce que quelqu’un, dans l’armée, a décidé que ce n’était pas grave qu’elle soit tuée – que c’était un prix qui valait la peine d’être payé pour frapper [une autre] cible. Nous ne sommes pas le Hamas. Ce ne sont pas des missiles aléatoires. Tout est intentionnel. Nous savons exactement combien de dommages collatéraux il y a dans chaque maison.» – (une source anonyme de l’armée ayant parlé a média israélien +972 – voir ici )
Nordahl Lelandais aurait bien aimé avoir la même IA pour mieux cibler ses victimes…
Certains ne comprennent pas pourquoi je parle autant de la guerre de Gaza.
Certains y voient ma façon de me soulager la conscience (peut-être parce je titille un peu trop la leur). Logiquement et par extrapolation, ça serait encore plus le cas quand je parle de sobriété et de décroissance (sujet que je vous ressasse depuis bientôt 20 ans). Absurde !
D’autres considèrent que focaliser le débat sur Israël est suspicieux et me sortent le mantra habituel de « pourquoi on ne parlerait pas autant des coptes d’Egypte, de la tragédie yéménite, des noirs en Mauritanie, des exactions dans le Darfour, des Ouïghours en Chine ? ».
C’est un peu comme si je parlais d’un pédophile récidiviste et qu’on me sorte « Pourquoi tu t’acharnes sur lui ? Pourquoi tu ne parles pas autant de ce pervers narcissique, ou de l’autre tueur en série, ou encore de ce connard qui tabasse sa femme tous les soirs ? ». Ca ne fait aucun sens !
Alain Finkielkraut (qui fait le plus vieux des 3 mousquetaires) semble, d’ailleurs, se poser la même question. Il y apporte la réponse qui convient le mieux à sa personnalité paranoïde : « Pourquoi les jeunes arabo-musulmans, qui considèrent les Palestiniens opprimés comme des frères, sont-ils indifférents au sort des Ouïgours et des Rohingyas ? Parce que, face aux Palestiniens, se dressent des Juifs. »
Eh Finkielkraut, déjà en face des Palestiniens, il y a des ISRAELIENS occupants, colonisateurs, racistes et génocidaires.
Et puis, je vais t’appeler Vivaldi, dorénavant…
« Motus vivaldi : Ta gueule, Vivaldi. Chut (en vieux vénitien). » – Desproges
D’autres me susurrent à l’oreille que parler / informer n’apporte rien à la cause, vu que tout le monde peut accéder à l’information s’il le juge utile (façon polie de me dire que tout le monde s’en fiche). Peut-être, mais je le ferai quand même pour, au moins, une personne : le poète (écrivain et activiste Palestinien) Refaat Alareer, tué dans un bombardement à Gaza dans la nuit du 6 au 7 décembre, en même temps que son frère, sa sœur et quatre de ses enfants. Il était professeur de littérature anglaise à l’Université islamique de Gaza et donnait des cours sur Shakespeare (eh oui, même les islamistes lisent du Shakespeare).
Refaat était l’un des fondateurs de « We Are Not Numbers », un projet qui visait à mettre en contact de jeunes écrivains palestiniens avec d’autres expérimentés dans le monde entier. Il encourageait ces auteurs à écrire en anglais. Leurs textes ont été publiés dans ‘Gaza Writes’ Back et ‘Gaza Unsilenced’.
Le 1er novembre dernier, Refaat a posté son dernier poème « If I must die », en prévision de sa mort.
Ici est sa dernière apparition publique.
Si je dois mourir
Traduit de l’anglais par @politicxt
si je dois mourir
vous devez vivre
pour raconter mon histoire
pour vendre mes choses
pour acheter un morceau de tissu
et quelques fils [pour faire un cerf-volant]
(faites qu’il soit blanc avec une longue queue)
pour qu’un enfant, quelque part à gaza,
alors qu’il regarde le paradis dans les yeux,
en attendant son père qui est parti dans les flammes —
et qui n’a pas pu dire adieu
pas même à sa chaire [sa famille/son corps]
pas même à lui-même—
voie le cerf-volant, le cerf-volant que tu as fait en mon nom, voler dans les cieux
et [qu’il] pense, pour un instant, qu’un ange est là
ramenant l’amour
si je dois mourir
[que ma mort] amène l’espoir
[que ma mort] devienne un conte
Et puis, Coluche disait : «C’est pas vraiment ma faute si y’en a qui ont faim. Mais ça le deviendrait si on n’y changeait rien. »
Maintenant, il n’y a pas que ça…
Mon histoire avec la Palestine (et Israël, par ricochet) a commencé quelque part en 1982.
J’avais à peine 13 ans quand Israël a envahi le Liban et encerclé Beyrouth. Je me rappelle des images de l’évacuation (négociée et sous protection) des derniers combattants palestiniens par mer, et avec eux, Yasser Arafat. Je me rappelle aussi de leur arrivée à Tunis.
J’avais 13 ans quand j’ai vu les premières images des massacres de Sabra et Chatila perpétrés par les milices chrétiennes, avec la complicité « passive » de l’armée israélienne qui avait pris possession de Beyrouth-Ouest et encerclé les 2 camps. Trois jours et deux nuits de tortures, de viols et de meurtres. Quelques 1000 à 5000 victimes, dont une majorité de femmes et enfants. Pendant les deux nuits, l’armée israélienne braquera de puissants projecteurs pour aider les tueurs à accomplir leur mission de « nettoyage ». On oublie souvent de dire que les forces Françaises, Italiennes et Américaines qui s’étaient engagées à protéger les populations civiles palestiniennes après le retrait de l’OLP, avaient décidé de quitter le Liban quelques jours plus tôt. Moi, je n’ai pas oublié !
A partir de 13 ans, j’ai écumé les livres d’histoire portant sur la Palestine et la naissance de l’Etat d’Israël.
A 16 ans, Israël a mené un raid aérien sur le QG de l’OLP à Hammam Chatt, à quelques 25 km de Tunis. Je m’en rappelle comme si c’était hier. Je me souviens même de là où j’étais dans la maison quand j’ai appris la nouvelle. Six bombes d’une tonne chacune (Israël n’a jamais fait dans la dentelle). 68 victimes : 50 Palestiniennes et 18 Tunisiennes.
Deux ans plus tard, j’ai débarqué à Paris et vu que tout le monde s’en foutait. Les accords d’Oslo m’ont donné quelques lueurs d’espoir qui se sont vite estompées.
Avec les exactions Israéliennes (des crimes de guerre, des cas d’école pour néophytes) durant la première guerre de Gaza (2008-2009) et l’impunité totale dont a bénéficié Tsahal, j’ai fini par tirer un trait sur toute notion de droit international (une vaste tartuferie), et à douter sérieusement des contours de l’universalisme dont l’Occident se gargarise depuis des lustres.
Pour moi, Israël avait déjà réussi à anesthésier les consciences par cette routine de mort qui a commencé en 1948 et s’est poursuivie depuis avec la bénédiction de l’Europe et des Etats-Unis. Il ne fallait pas être une sommité en géopolitique pour s’en rendre compte…
Depuis 2008, je n’en ai plus parlé à quiconque. J’ai ruminé, lu, débattu avec moi-même. Il a fallu ces nouveaux massacres d’une intensité inouïe (Chut, Israël se défend !) pour que j’en reparle.
Je ne suis pas Palestinien. Je considère, néanmoins, que l’injustice faite au peuple Palestinien a niqué mes ambitions et bouleversé ma vie, en tant que citoyen arabe. L’absence d’un règlement juste à cette aberration d’un autre temps (la colonisation de la Palestine) a fait qu’on a trainé (et qu’on traine encore) ces régimes despotiques, corrompus, maintenus par quelques puissances (dont les valeurs sont à géométrie variable). Notre liberté (toute relative) reste incomplète sans celle des Palestiniens.
On aurait trouvé une solution pour que les Palestiniens puissent vivre en liberté, le monde arabe aurait été différent. L’état du monde aurait été meilleur. J’en reste convaincu.
Il y a bien longtemps que la Palestine est devenue la caisse de résonnance du monde. Ce qui se passe actuellement dans les territoires occupés, comme dans les rues du monde entier, ne fait que conforter ce point.
Aujourd’hui, la Palestine nous parle du monde tel qu’il va mal.
« On l’observe. On la scrute. On l’encourage, ou on lui fait la leçon. Mais c’est elle qui nous regarde depuis l’avenir de notre humanité. La Palestine vit déjà à l’heure d’un monde aliéné, surveillé, encagé, ensauvagé, néolibéralisé. Les Palestiniens savent ce que c’est d’être un exilé sur sa propre terre. Apprenons d’eux ! » — Extrait de l’introduction de Christophe Ayad, « Ce que la Palestine apporte au monde » / Araborama
Aujourd’hui, la Palestine nous parle de notre humanité ou de ce qu’il en reste. C’est pour ça que j’en parlerai encore et encore, n’en déplaise à certains.
Mahmoud Darwich (poète Palestinien 1940-2008) | Pense aux autres
Quand tu prépares ton petit-déjeuner,
pense aux autres.
(N’oublie pas le grain aux colombes.)
Quand tu mènes tes guerres, pense aux autres.
(N’oublie pas ceux qui réclament la paix.)
Quand tu règles la facture d’eau, pense aux autres.
(Qui tètent les nuages.)
Quand tu rentres à la maison, ta maison,
pense aux autres.
(N’oublie pas le peuple des tentes.)
Quand tu comptes les étoiles pour dormir,
pense aux autres.
(Certains n’ont pas le loisir de rêver.)
Quand tu te libères par la métonymie,
pense aux autres.
(Qui ont perdu le droit à la parole.)
Quand tu penses aux autres lointains,
pense à toi.
(Dis-toi : Que ne suis-je une bougie dans le noir ?)
A 25-30 mille victimes, nombreux sont ceux que j’entends encore (parmi les officiels, les journaleux, les soi-disant intellectuels de plateaux télé) bavarder tranquillement des « intentions génocidaires » d’Israël, pour finalement, les réfuter (quelle surprise !). Mais mon inquiétude porte moins sur leur diagnostic plus ou moins juridique, que sur leur stupéfiante froideur morale devant tant de dévastation. Je me demande combien il leur faudrait de morts pour que leur indifférence s’estompe, pour que leur boussole morale se décoince.
Je les écoute parler et j’entends l’universalisme des valeurs partir en miettes. On navigue en plein relativisme moral.
Tout se passe comme si reconnaitre les horreurs que subissent les Palestiniens diminuerait leur engagement moral envers les vies Israéliennes victimes de la terreur.
Tout se passe comme si certains humains sont plus dignes de compassion et d’empathie que d’autres.
« Tous les hommes naissent libres et égaux en droit » : Qu’on me pardonne, mais c’est une phrase que j’ai beaucoup de mal à dire sans rire. » – Desproges
Je ne dirai pas « Bonne Année » à un monde foncièrement malade, à la boussole morale complètement désaxée. Je ne dirai pas « Mes meilleurs vœux de trucmuche » à un monde en plein engourdissement éthique, pour qui certaines victimes sont plus dignes que d’autres. Un monde qui laisse des enfants se faire amputer sans anesthésie mérite à peine un « Bon rétablissement ! »
Je ne ferai pas dans ce « politiquement correct » qui me les brise menu…
Ne le prenez pas perso !