Dans ce simili débat orchestré par notre cher gouvernement autour du non-thème de l’identité nationale, le rappeur Hamé ne voit rien de tel (Le Monde du 15 Novembre 2009) : « Le débat sur l’identité nationale n’en est pas un. C’est une injonction à l’affirmation ethniciste de soi. Un blanc-seing collectif à l’apartheid qui vient. »
Je ne peux m’empêcher de reprendre un bout de sa magnifique prose à charge : « Dans la prose marécageuse de l’ineffable ministre de l’identité nationale et de l’immigration patauge une créature aux élans de camarde. Tous les quinze ou vingt ans, depuis les indépendances et l’éclatement de l’empire colonial, et au gré des cycliques désastres économiques et sociaux, elle s’extirpe de la vase pour venir se rappeler au bon coeur du commun des Français. Plus que jamais la voilà, armée d’un rameau de ronces au bout d’une main sèche, flagellant « l’éparpillement identitaire » et éructant dans tout le pays des mots vieux, épris et pétris d’haleine chauvine. »
A faux-débat, un recadrage limpide et sans concessions : « Etre français, c’est avoir sa vie en France et rien de plus. Cela ne s’interroge pas, mais se constate comme un botaniste constaterait la poussée d’un bourgeon. Ce qui devrait se questionner en revanche, et de la plus forte des manières avant de le congédier, c’est l’identité de ce pouvoir qui nous mène au mur, son irrépressible cynisme, sa brutalité, sa morgue, lorsque dans les mêmes semaines, il aligne blagues racistes, rafles et expulsions d’Afghans dont il occupe le pays, relaxe pure et simple des policiers en cause dans la mort de Laramy et Moushin à Villiers-le-Bel. Deux adolescents niés et invisibles jusque dans la qualification des causes de leur mort.
C’est d’ordinaire le sacerdoce des anges et des démons que de se mêler à la vie des hommes sans être vus. C’est la honte de cette République que de nous offrir, à nous enfants d’immigrés, cette affriolante perspective donc : vivre comme des démons, mourir comme des anges. Nous ne sommes pourtant ni l’un ni l’autre. »
Au risque de sembler tout ramener à ma pauvre personne, et en tant que démon qui finira un jour ange, je ne peux que me reconnaître dans ces propos…
Et n’oubliez surtout pas ce que Claude Lévi-Strauss a pu dire : « J’ai connu une époque où l’identité nationale était le seul principe concevable des relations entre les Etats. On sait quels désastres en résultèrent. »