Voeux 2014 – Le Père Noël s’met à l’arabe…

Mon délire annuel ne fera pas dans la dentelle (ça rime, c’est top mais c’est un peu con). Je vous préviens tout de suite : il est encore plus soûlant que les précédents.

Pour vous en faciliter la lecture et m’éviter de me faire des ennemis par ces temps de crise, je vous propose cette grille de lecture :

  1. Si les mots du type merde, chier, con, religion, sexe, cul, nénés, cunnilingus, révolution, bifle, décroissance, vous incommodent, je vous suggère d’aller à la balise intitulée « Balise – Prudes n’aimant pas la vulgarité, ni les prises de tête »92733903
  2. Si les mots du type merde, chier, con, religion, sexe, cul, nénés, bifle, cunnilingus, révolution, décroissance, musulman, arabe, noir, vous font souffrir, je vous suggère d’aller directement à la balise intitulée « Balise – Prudes n’aimant rien, même pas les arabes et les noirs »,vers la dernière ligne du message, on y ajoutant « Bonne année ! » de ma part (et je tairai mes origines)
  3. Si vous n’avez rien contre un peu de vulgarité constructive (ne m’en demandez pas la définition) mais n’aimez pas vous prendre la tête,  je vous suggère de vous arrêter à la balise « Balise – Les prises de tête, on n’en veut pas » et de reprendre votre lecture à « Balise – Prudes n’aimant pas la vulgarité, ni les prises de tête »
  4. Enfin, si vous êtes vraiment dingues, vous ne reculez devant rien et que vous n’avez rien d’autre à foutre, allez-y… lisez tout (et ne me parlez pas de mes fautes d’orthographe car je n’ai pas tout lu, MOI !).

 

Le bal des vœux s’est ouvert quelques heures avant l’heure fatidique. J’ai coupé mon téléphone et attendu la fin des hostilités. Le silence aidant, j’ai revu le film de l’année en super accéléré. Deux minutes m’ont suffi pour tirer deux conclusions :

  1. la première est quantitative. En se basant sur les tables de mortalité de l’INSEE, j’ai déjà cramé 56% de mon espérance de vie… à m’agiter (d’où ma fatigue). Le constat est encore plus alarmant quand je contemple ma bedaine (car ma bedaine, on ne la regarde pas. On la contemple, de préférence de profil) et quand je tiens compte de ma propension à bouger mon cul.
  2. La seconde est plutôt qualitative. Je suis un gros con.  Cette année, je me suis fait balader comme un bleu. Je préfère positiver en me disant que mon cas n’est pas complètement plié… puisque je suis encore capable de faire confiance à des gens qui ne le méritent pas, des gens tellement bien cernés par Desproges quand il disait « Il se dessine de façon tangible, dans votre génération qui monte, mon camarade, une espèce d’ambition glacée d’arriver par le fric et un mépris cynique de tous les idéaux assez peu compatible avec l’idée qu’on se fait de la jeunesse éternelle génératrice de fougues irréfléchies et de colères gratuites». Les p’tits requins se reconnaitront.

Au fil de l’année,  d’autres p’tites choses ont heureusement égaillé ce parcours chahuté. Je vous les livre en vrac :

  • Le cancer de Michael Douglas ne serait pas lié à la pratique du cunnilingus. Ouf, j’ai eu chaud…
  • L’avocat kényan D. Indidis a décidé de trainer l’Italie, Israël, mais aussi Ponce Pilate et l’empereur Tibère devant la Cour pénale internationale de La Haye pour le procès inique de Jésus, et bien évidemment sa crucifixion illégale. Que les méchants passent à la caisse…
  • La liste de ceux et celles qui posent nus pour faire parler d’une cause quelconque ne cesse de s’allonger : étudiantes anglaises d’un club d’aviron visant à sensibiliser à la recherche contre le cancer, leurs camarades rameurs cherchant à sensibiliser à l’homophobie et au harcèlement, Gillian Anderson, parée d’une murène (et c’est tout), pour lutter contre le chalutage profond, Les Femen s’accroupissant en public et urinant sur la photo du président ukrainien. N’y aurait-il plus d’autres moyens de sensibilisation que de montrer son cul, ses nénés  et ses fesses pommelées (potelées, ou flasques… au choix) ? Adepte de la contre-tendance, l’équipe Tingitingi / Oxala House / Dar Gaïa projette de sortir son calendrier « voile intégral » en 2018 (le temps de coudre tout ça)
  • Nelson Mandela est mort après avoir balayé les élucubrations de notre chère Margaret Thatcher (un des plus farouches opposants aux sanctions contre le régime de l’apartheid) qui désignait l’ANC comme  «une organisation terroriste type» et disait à qui voulait l’entendre «quiconque croit qu’elle va gouverner l’Afrique du Sud est dérangé». Nos politiques n’ont jamais été des visionnaires. Ceci dit, il a fallu attendre 2008 pour que l’ancien président sud-africain et son parti soient retirés de la liste noire américaine du terrorisme. Mandela s’est quand même démerdé pour laisser partir Mme Thatcher en premier.
  • Avec toutes les métadonnées (information sous-jacente à nos communications du genre qui nous appelons, à quelle fréquence, où, pendant combien de temps…) qu’on accumule sur nous et à notre insu (sinon ce n’est pas marrant), changer de trajet tous les jours pourrait être perçu comme un comportement suspect et déclencher une attaque de drone (Grégoire Chamayou et son livre « Théorie du drone » ). Moi, je ne bouge plus. Mais je reste connecté car les non-connectés sont aussi suspects aux yeux de l’autorité (et rebelote « attaque de drone »).
  • La moitié des femmes (anglaises interrogées dans le cadre de l’enquête nationale sur la sexualité des Anglais (Natsal-3) et dont les résultats ont été dévoilés en novembre 2013) pensent que sexe et sentiments ne sont pas forcément liés, quand 44 % d’entre elles se disent stimulées par la pornographie (chiffres inimaginables, il y a quelques années). Vous allez me prendre pour un dingue, mais je ne rate jamais une enquête sur la sexualité. Ma femme dirait que je suis (juste) un théoricien du sexe… Dans le sexe, je vois la société.
  • Une appli iPhone « observer la loi » vous permet de dénoncer les méchants qui vous entourent (fumeurs dans un lieu non autorisé, automobilistes adeptes du parking sauvage, nuisances sonores de voisins, et bien sûr le voile intégral), de les géolocaliser, et de partager tout ça avec vos contacts facebook et abonnés Twitter. Si vous le faites, ne m’incluez pas…
  • Nabila est une bimbo pragmatique. Elle a déposé sa sortie devenue culte « non mais allô quoi » à l’INPI, faisant d’elle une marque à part entière. C’est elle qui disait, lucide sur son succès«Mon visage, tout est naturel, merci papa merci maman! Quant à ma poitrine, c’est un petit cadeau, à l’âge de 18 ans. » ou encore « je suis spontanée, j’ai vingt ans, je le dis… J’ai le cerveau relié à la bouche »… On vit dans un monde merveilleux.
  • « Google a pour règle d’aller jusqu’au bord de ce qui pourrait vous donner la chair de poule et de ne pas aller plus loin. Je dirais qu’implanter des choses dans votre cerveau franchit cette ligne rouge. Du moins pour l’instant, jusqu’à ce que la technologie s’améliore. » : C’est ce que dit Eric Schmidt, président du conseil d’administration et ancien PDG de Google. Me voilà rassuré. Ce qui arrête Google, à ce stade, n’est pas l’éthique, mais juste la fiabilité technique. E. Schmidt récidive dans le Wall Street Journal : « Une idée serait que de plus en plus de recherches soient effectuées en votre nom, sans que vous ayez à les taper. Je pense véritablement que la plupart des gens ne souhaitent pas que Google réponde à leurs questions. Ils veulent que Google leur dise quelle est la prochaine action qu’ils devraient faire. » et parlant du futur « C’est un futur où vous n’oubliez rien. Dans ce futur nouveau, vous n’êtes jamais perdu. Nous connaîtrons votre position au mètre près et bientôt au centimètre près. Vous n’êtes jamais seul, vous ne vous ennuyez jamais, les idées ne viennent jamais à vous manquer. ». Je vais commencer par fermer mon compte Google+.
  • De nouvelles pratiques sexuelles continuent à voir le jour : La bifle, « Contraction des mots “ bite ” et “ gifle ”, ce terme poétique et fleuri désigne une pratique qui consiste à gifler son (ou sa) partenaire avec sa bite, ou du moins à imprimer un mouvement de tamponnage sur la joue avec le gland. » – Source : Dictionnaire « Sexe Libris » – Ed. Don quichotte, 2012) et a même son site internet la-biffle.com (car le ridicule ne tue jamais). Pour ne pas mourir idiots et ne pas être pris au dépourvu, sachez que selon un sondage récent d’Ifop, 36% des jeunes de 15-24 ans auraient déjà pratiqué la bifle. J’ai du mal à savoir quelles conclusions en tirer…
  • L’exhumation du rapport sur l’intégration a fait couler beaucoup d’encre et a suscité de vives réactions. Il faut dire qu’il a été pondu par « des gens qui croient encore à Pierre Bourdieu et qui ne commenceraient pas leur journée subventionnée sans Libé » (dixit Le Point). D’ailleurs, je vous conseille vivement d’éviter Libé et de lire Le Point (journal92733616connu pour son objectivité et son impartialité, surtout quand il s’agit des minorités basanées et/ou négroïdes) qui ne voit dans ce rapport qu’une énumération de bêtises et une tentative de nier ce qu’est la France. Mais que dit ce putain de rapport ? Le rapport insiste sur la nécessité de (oh sacrilège) «reconnaître toutes les migrations comme constitutives de la nation». Pire, il considère qu’un travail «de (re)mise à plat de l’histoire de la France est nécessaire» et suggère d’inscrire dans les programmes scolaires «l’histoire des mouvements de population».  Dit de façon plus terre à terre, il voudrait que notre marmaille apprenne (au risque de les traumatiser, de les culpabiliser dès leur jeune âge) plus de choses sur l’esclavage et la traite négrière, les colonisations et décolonisations, les immigrations, les réfugiés, les migrations liées aux «printemps arabes» et celles des Roms. Le rapport ne s’arrête pas là dans l’ignominie : il encourage l’introduction de l’enseignement de nouvelles langues parlées en France (il s’agit bien évidemment de l’arabe, mais aussi des langues qui ne sont parlées que par des noirs dont on s’en fout royalement) à l’école. Ils sont dingues ses gauchistes subventionnés… Imaginez ! Même le Père Noël va devoir se mettre à l’arabe ! Malgré tout ce bordel, je reste optimiste. Et Copé Suite à ce rapport, j’ai tenté de trouver un professeur d’arabe pour mes filles. Et je peux vous dire qu’il n’y en avait pas l’ombre d’un seul à 100 km à la ronde. La France peut donc dormir tranquille.

Trêve de plaisanterie. Tous ces arabes et ces noirs nous font grave chier. On a juste un peu de mal à le dire tout en restant politiquement corrects mais les temps changent… « Les racistes sont des gens qui se trompent de colère », disait avec mansuétude le président Senghor.

Putain que le temps passe vite. Nous revoilà à la veille d’une nouvelle année…

« Les nouveaux cons tuent la dinde. Les nouvelles dindes se zibelinent. Les nouveaux pauvres ont faim. Les charitables épisodiques, entre deux bâfrées de confit d’oie, vont pouvoir épancher leurs élans diabétiques. Le plus célèbre des employés de Paul Lederman ouvre les « restaurants du coeur ». Des tripiers doux, des épiciers émus, de tendres charcutiers, le cœur bouffi de charité chrétienne et la goutte hyperglycémique au ras des yeux rouges, montrent leur bonté à tous les passants sur les trois chaînes. », disait Desproges… J’espère que vous n’avez pas tué de dindes.

Une nouvelle année. Un nouveau saut dans le vide.

Je n’ai rien trouvé de mieux pour vous le faire gober, ce saut, que ces quelques articles (satiriques, dois-je le préciser) dénichés sur www.lenavet.ca, un journal qui se définit comme un navet à l’image du monde médiatique qu’il parodie.

  1. Le premier des articles du navet, intitulé « Une famille plie aux demandes des enfants et reporte l’atteinte du déficit zéro à 2054 » résume à lui seul les excès consuméristes qui nous consument. Toute coïncidence ou ressemblance avec des personnages réels n’est ni fortuite ni involontaire. Mais n’y voyez surtout pas le moindre processus d’identification de ma part, car la dernière fois que j’ai fait un cadeau à mes enfants remonte à leur naissance avec l’achat des timbres fiscaux nécessaires à l’établissement de leurs passeports. Un cadeau on ne peut plus engagé car participant directement au renflouement des caisses d’un Etat qui en a grand besoin. Quant à moi, mes délires consuméristes ont été étouffés dans l’œuf avec l’achat de mon dernier caleçon, et ce dès la fin des années 80.
    « Une famille québécoise de quatre personnes vivant au-dessus de ses moyens depuis dix ans a convoqué les journalistes ce matin pour confirmer qu’elle cédait à la pression du syndicat des enfants et reportait l’atteinte du déficit zéro à 2054.
    ‘‘L’administration familiale précédente a causé un déficit inattendu qu’il est impossible de résorber sans mettre en péril la croissance des enfants’’, pouvait-on lire dans le communiqué envoyé ce matin aux proches et amis de la famille.
    ‘’Après mûre réflexion et plusieurs rondes de négociations, nous en sommes venus à la conclusion que la faible hausse du salaire de notre ménage ne justifiait pas de sabrer dans les cadeaux et les voyages en Floride’’, a indiqué un porte-parole de la famille.
    Celle-ci a néanmoins pris des mesures exceptionnelles pour atteindre ses objectifs de stabilisation des dépenses : ‘’acheter une seule nouvelle console de jeu vidéo par année, repousser les investissements d’infrastructure dans le béton de notre piscine creusée et adhérer au programme de fidélité de notre épicerie.’’ »
  2. Le second, intitulé « Changements climatiques: les pays réunis à Varsovie acceptent de ne pas détruire la vie sur Terre d’ici 2015 » rend compte à merveille de l’hypocrisie du monde quand il s’agit de s’attaquer aux défis écologiques. Seules des claques monumentales à répétition sauraient nous sortir de notre torpeur et arriver à bout de ce climato-scepticisme stérile. Comparativement, l’ouragan Sandy et le cyclone Haiyan avec ses quelques dix mille morts apparaitront comme de p’tites mises en bouche… En attendant, le coût des catastrophes naturelles pour les assureurs grimpe à vue d’œil. A ce rythme, nos négationnistes du climat crieront au complot maçonnique…                                      « Réunis à Varsovie pour discuter de la lutte aux changements climatiques, les 190 pays les plus populeux du monde ont réussi à s’entendre de peine et de misère hier en s’engageant formellement à ne pas détruire toute forme de vie sur Terre d’ici 2015, un consensus qualifié de «grande avancée» par les experts.
    « Après avoir pesé le pour et le contre pendant de longues journées, nous avons conclu qu’il était préférable, pour le moment, de ne pas annihiler tous les organismes vivants de la planète en faisant chauffer l’atmosphère jusqu’au point d’ébullition’’, a expliqué un négociateur.
    Les gains enregistrés dans cet accord sont considérables, selon plusieurs écologistes. Le texte final prévoit notamment qu’il sera «interdit d’anéantir tous les écosystèmes de la lithosphère dans les 24 prochains mois» et que «toute tentative d’effacer 3 milliards d’années d’évolution biologique en brûlant des fossiles de dinosaures liquéfiés» sera sévèrement réprimandée.
    […] Malgré cette grande victoire, tout n’est pas rose: selon plusieurs sources, les représentants du Canada ont milité en coulisses pour que l’humanité se réserve le droit de s’autodétruire d’ici les deux prochaines années tout en exterminant l’entièreté des organismes pluricellulaires de la surface terrestre. «La protection de la vie sur Terre est une lubie de gauchistes qui est néfaste pour l’économie», aurait-on affirmé du côté canadien.
    Au moment de mettre en ligne, tous les parlements des pays du G20 refusaient de ratifier l’accord. »
  3. Le troisième,  « Absorbé par l’écran de son iPhone, il marche sans interruption de Montréal à Chibougamau », n’est qu’une tentative désespérée de nous sensibiliser à l’état d’abrutissement profond qui nous guette.  Bien qu’encore relativement rudimentaire, la technologie est en train de façonner nos vie, de s’approprier nos sens et de bouffer les derniers neurones qui nous restent… Après l’obsolescence programmée, nous voilà en train de basculer dans la dégénérescence programmée…
    « Un Montréalais parti acheter du lait au dépanneur a marché sans s’arrêter pendant 17 jours jusqu’à atteindre la petite municipalité de Chibougamau, au nord du 49e parallèle, parce qu’il était trop absorbé par l’écran de son iPhone, a appris Le Navet.
    Ce qui ne devait être qu’une commission de cinq minutes s’est transformée en épopée digne du coureur des bois le plus courageux quand l’homme a sorti son cellulaire pour consulter son fil Twitter, selon différentes sources.
    Sans jamais relever les yeux de son écran, l’homme a dépassé le dépanneur, a traversé quatre intersections et s’est engagé sur l’accotement de la 117 Nord. Toujours obnubilé par son appareil mobile, il a emprunté le pont de la Rivières-des-Prairies au moment où il rafraichissait Facebook.’’ Le plus incroyable, c’est qu’il ne s’est même pas arrêté pour dormir ou manger’’, a relaté un témoin. ‘’Il continuait à marcher en reloadant ses applications de médias encore et encore, comme un robot.’’
    La tête toujours plongée dans son téléphone intelligent, l’individu a poursuivi sa marche jusqu’à Val-d’Or sans jamais remarquer que des voitures filaient à 100 kilomètres/heures à ses côtés. Empruntant ensuite la route 113 tandis qu’il regardait une image comique publiée sur TwitPic, l’homme a continué sa marche jusqu’à la rue principale de Chibougamau, où il a enfin levé les yeux de son appareil.
    Au moment de mettre en ligne, l’homme se rendait compte qu’il avait oublié d’acheter du lait. »
  4. Enfin, un dernier article (est-il vraiment fictif ?) relatant la vente, par un opérateur télécom, des renseignements personnels de ses clients sur Kijiji. Un petit clin d’œil à l’ensemble de ce système de surveillance, de contrôle et de marchandisation qui se déploie autour de nous et de nos données privées. Ce qui faisait le beurre des films de science-fiction des années 70-80 est devenu notre lot quotidien. Des modèles sont conçus et, à partir de ces modèles, on identifie les individus au comportement suspect. En juin dernier, on a appris que l’opérateur téléphonique américain Verizon collectait des métadonnées téléphoniques. Grâce à Edward Snowden (Chapeau bas à l’artiste de mettre ainsi sa vie en jeu pour que ces informations soient connues de tous) on sait que la NSA interceptait et stockait des métadonnées de millions de téléphones portables dans le monde entier. Et pour que vous dormiez tranquilles, l’article 13 du projet de loi militaire, voté récemment, élargit considérablement pour l’Etat français la possibilité de collecter (et bien évidemment exploiter) nos métadonnées téléphoniques. Parano comme je suis, je ne vais plus pisser sans avoir vérifié que la géolocalisation de mon smartphone est bien désactivée. On ne saura jamais combien de temps je suis capable de rester sur mon trône…
    « Précisant qu’il s’agissait de «la suite logique» dans la marchandisation de la vie privée de ses clients, Bell a annoncé ce matin que l’ensemble des renseignements personnels et des habitudes de consommation de ses abonnés sera vendu au plus offrant par le biais du site de petites annonces Kijiji.
    Les données seront regroupées et vendues par thématique, comme «Clients ayant regardé Occupation Double mercredi dernier», «Visite de sites érotiques par ménage dans la région de Laval» ou encore «Nombre d’appels entre le téléphone d’un homme marié et celui d’une concubine par heure et par fréquence», a expliqué un porte-parole.
    «N’importe quelle entreprise responsable a le devoir moral de faire du bel argent en vendant les données les plus intimes de ceux qui lui ont fait confiance, a-t-il dit. Leur mise aux enchères sur Kijiji sera une façon simple et respectueuse d’engranger des millions tout en perpétuant l’excellente réputation sociale de notre marque.»
    Le prix des données variera selon leur intérêt et leur degré d’intimité. Par exemple, les historiques de navigation internet seront offerts à 100$ pour le lot de 10 000 clients, tandis que les enregistrements audio des conversations téléphoniques tourneront autour de 3,99$ la minute. «Plus c’est privé, plus ça vaut cher», s’est réjouie l’entreprise.
    Au moment de mettre en ligne, Bell répondait aux critiques de la Commissaire à la vie privée en annonçant qu’elle brouillerait numériquement une lettre du code postal de chaque client dont les informations auront été vendues. «Ça démontre notre bonne foi», a assuré le porte-parole »

Nous dire que cette invasion massive de notre sphère privée contribuerait à notre sécurité, c’est nous prendre pour des « mongoloïdes, grabataires du cortex ».
En 1975, le sénateur Frank Church parlait déjà de la NSA en ces termes : « Je sais qu’il y a là tout ce qu’il faut pour faire de l’Amérique une tyrannie accomplie, et nous devons veiller à ce que cette agence et toutes les agences qui disposent de cette technologie opèrent dans le cadre de la loi, et sous une supervision appropriée, de sorte que nous ne sombrions jamais dans ces ténèbres. Ce sont des ténèbres d’où l’on ne revient pas. » Au risque de me contredire, voilà enfin un politique visionnaire.

 

Balise – Les prises de tête, on n’en veut pas

La période des fêtes est la période de mystification par excellence. On peut tout faire gober à quelqu’un quand ça tête est dans le foie gras et ses pieds noyés dans un marécage de cadeaux inutiles. C’est pourtant cette même période qui me semble la plus propice pour démanteler un certain nombre de contrevérités. C’est sûrement parce que tout le monde se fiche de la vérité quand le père Noël est dans les parages, qu’on s’apprête à déballer son cadeau de Noël pour découvrir sont 18ème pyjama à motifs enfantins.

Englués dans les résidus de votre festin du réveillon, je doute que quiconque parmi vous ait eu le courage de me lire jusqu’ici. Je me lâche donc… au risque de heurter les sensibilités des uns et les convictions des autres.

J’en ai marre qu’on me trimbale (intellectuellement parlant)…

J’en ai marre qu’on me bassine avec toutes ces valeurs « has been » de morale, de transparence, de vérité, d’intégrité, d’éthique. On se gargarise à longueur de journée avec ces valeurs mais on n’hésite guère à les piétiner quand il s’agit de faire passer ses intérêts personnels. André Suarès disait « La morale facile est la mort de la morale ». Et on y est… Au fond, nous ne sommes pas plus avancés qu’à l’époque où la morale religieuse faisait la pluie et le beau temps. On demande encore au droit de nous dire ce qu’il faut faire. On voudrait que le droit remplace la morale et on s’acharne à légiférer sur tout et n’importe quoi. Mais de l’autre côté, schizophrènes comme nous sommes, on s’indigne quand un Cahuzac (ex-ministre délégué au budget) ou un Bernheim (grand rabbin de France) nous mentent effrontément. Il est d’ailleurs fascinant de voir que le mensonge de Cahuzac a suscité plus de condamnation que la fraude elle-même. Quant à la tentation de plagiat et d’imposture  (avec diplômes fictifs à l’appui) à laquelle monsieur Bernheim n’a pu résister, je n’y vois qu’une nouvelle tendance qui se généralisera le jour où les dernières sentinelles s’éteindront. Nous sommes tous des imposteurs en puissance. C’est en tout cas la thèse développé par le psychanalyste Roland Gori dans son dernier livre « La fabrique des imposteurs » qui tend à montrer que notre époque, dominée par la performance, l’évaluation continue,  et la compétition à gogo, nous pousse peu ou prou à prétendre ce que nous ne sommes pas, à raconter ce qu’on pense être attendu. Quand on doit être le meilleur au boulot, avec son conjoint et ses enfants, à la cuisine et aux lits (car il peut y en avoir plusieurs), quand le succès (social et forcément financier) devient la norme à atteindre, quand on doit se conformer à des modèles de plus en plus exigeants, des attentes sociales de plus en plus fortes, quand on doit s’aligner sur des idées, des pratiques, des normes et des idéaux dominants pour être reconnu et aimé, on se trouve « contraint de mettre des talons ou des échasses pour faire semblant d’être à la hauteur ». Et on finit tricheur, puis imposteur… L’épanouissement de nos enfants passe par bien d’autres choses que le travail et le succès. Pour eux, je reste un défenseur acharné de la glande, de la rébellion, de la rêvasserie et même de l’ennui.  Car, quelque part, j’adore l’ennui au point de vouloir le transmettre comme un legs à mes filles. « Je recèle en moi des réserves d’ennui pratiquement inépuisables. Je suis capable de m’ennuyer pendant des heures sans me faire chier ».

Cette maladie de l’imposture n’est pas le propre de l’individu. Elle atteint les entreprises aussi, surtout quand il s’agit de thèmes porteurs (entendez rémunérateurs) comme le développement durable et les engagements écologiques. Les Prix Pinocchio 2013, qui ont pour but de repérer et de dénoncer les entreprises qui surfent allégrement sur la vague écolo (http://prix-pinocchio.org/nomines.php pour voir les neuf entreprises nominées) ont ainsi été discernés à :

  • Veolia dans la catégorie « Une pour tous, tout pour moi » pour sa magnifique implication dans les projets de privatisation de l’eau en Inde,  en particulier à Nagpur, et sa maitrise des contrats de partenariat public-privé les plus opaques au monde. Veolia, j’adore… Un jour, je l’espère, on parlera de son contrat de ramassage des ordures à la mairie de Midoun (Djerba – Tunisie), des pots de vins associés, ainsi que de la qualité de son exécution (j’ai gardé quelques photos / documents sous le coude). Et si jamais je viens à clampser, ne croyez surtout pas à la thèse du suicide : «  Veolia m’a tuer »
  • Areva dans la catégorie «Plus vert que vert » grâce à son implication dans la vie culturelle du Limousin. Ce prix est décerné à l’entreprise ayant mené  » la campagne de communication la plus abusive et trompeuse au regard de ses activités réelles « . Outre son implication directe dans l’extraction d’Uranium un peu partout dans le monde et ses visées sur le Pôle Nord, Areva a lancé « Urêka » (avec le slogan « Entrez dans l’aventure de l’uranium »), un musée à la gloire des mines d’Uranium dans le Limousin, passant sous silence les graves impacts environnementaux et sanitaires.
  • Et Auchan dans la catégorie « Mains sales, poches pleines » (volant ainsi la vedette à Apple, autre nominé pour cette catégorie) pour son refus de toute responsabilité dans l’effondrement des usines textiles du Rana Plaza au Bangladesh, alors que des étiquettes de ses vêtements ont été retrouvées dans les décombres. Ce prix récompense les entreprises ayant eu « la politique la plus opaque au niveau financier (corruption, évasion fiscale, etc.), en termes de lobbying, ou dans sa chaîne d’approvisionnement ».

J’en ai marre qu’on me bassine avec l’aide au développement. Quelques malheureux 130 milliards de dollars octroyés, chaque année, par les pays riches aux pays pauvres, qui nous donnent l’impression que les pays du Nord se saignent aux quatre veines pour ceux du Sud. Une aide qui devrait, en toute logique, aller dans le sens d’une répartition plus équilibrée des richesses au niveau du globe. Avec la mondialisation et l’ouverture des marchés de capitaux, on aurait aussi cru que les disparités Nord-Sud allaient s’estomper progressivement. La réalité est autre. Le fossé (au niveau global, comme local d’ailleurs) n’a fait que se creuser un peu plus. Un chiffre me fout la trouille : Les 80% les moins riches de la population mondiale ne détiennent que 6% de la richesse globale, quand le pourcent le plus riche en détient presque la moitié. Mis de façon un peu plus horrible encore, les 300 individus les plus riches détiennent à eux seuls la même richesse que les 3 000 000 000 les plus démunis. Au niveau des blocs Nord –Sud, l’image n’est guère plus reluisante. Deux cent ans en arrière, le bloc Nord était 3 fois plus riche que le bloc Sud. A la fin de la période coloniale (autour des années 60), le bloc Nord devenait 35 fois plus riche que le bloc Sud (il faudrait qu’on parle un peu plus des bienfaits de la colonisation !). Aujourd’hui, le rapport est plutôt de 80 fois… La raison de ce déséquilibre grandissant est simple : les pays en développement restent des  exportateurs nets de capitaux. Les chiffres sont éloquents : Face aux 130 Mld$ d’aide annuelle, les pays en développement déboursent quelques 600 Mld$ pour le service d’une dette qu’ils ont payée plusieurs fois et les multinationales extraient 900 Mld$ sous diverses formes (avantages fiscaux, manipulation de prix de transfert…), sans compter les pertes liées aux biais imposés par les pays riches dans les règles du commerce mondial. L’argent est comme le saumon, nage à contre-courant et remonte les rivières…

Dans un autre registre, ça me soule qu’on me regarde de travers parce que je suis musulman (doublé d’un arabe, mais ça c’est un  autre débat), qu’on brandisse la laïcité comme un étendard pour l’anti-religion, qu’on fasse l’amalgame entre l’esprit de la religion et ce que certains en font, qu’on ressasse les mêmes arguments fallacieux  pour souhaiter la mort du religieux… La méconnaissance de l’histoire des religions (je dis bien l’histoire et non le dogme) est, à mon sens, source de beaucoup de conneries, de préjugés.  Dans un monde où tous les projecteurs peuvent être braqués, instantanément et durant quelques heures à quelques jours, sur une singularité aberrante, il devient difficile d’avoir le recul nécessaire à l’analyse sereine. On se précipite alors, la tête la première, dans de grandes conclusions mélangeant  ignorance, étroitesse d’esprit et fondamentalisme (et pas que religieux !). On perd toute capacité à relativiser. Notre pensée devient absolue. La singularité apparaît alors comme la règle à combattre et sur laquelle on doit légiférer dans la semaine.

Ca fait des années maintenant que le fondamentalisme musulman fait la une des journaux télévisés. Dans la foulée, l’Islam (avec ses adeptes à la con) est devenu l’ennemi à abattre. Les langues se sont déliées.  Ses lieux de culte sont régulièrement tagués (et les responsables jamais appréhendés). On se lâche allégrement, brandissant 2 versets sortis de leur contexte et 3 mots savants prononcés avec un accent de merde (oui, mais il le faut pour impressionner les foules). D’ici peu, la chasse aux musulmans, vermines des vermines,  sera déclarée « acte de salubrité publique ».

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Depuis le 11 septembre 2001, tout le monde est devenu fin connaisseur de l’Islam, de son pédigrée violent et conquérant, de sa déviance misogyne,  de son prophète pédophile et de ses adeptes lobotomisés du cerveau (excusez les fautes d’orthographe car j’écris avec un lobe pariétal partiellement touché). « Coiffant les aspirations les plus viles, flattant les pulsions les plus archaïques, encourageant la paresse intellectuelle, l’intolérance, l’hypocrisie, la violence, prêchant un virilisme pathologique, justifiant les pires ignominies antiféministes, l’islam n’est ni une sagesse, ni une civilisation, c’est un fléau » : Merci G. Zwang de m’ouvrir les yeux sur ma vie de merde. Ceci dit, confidence pour confidence, je n’aime pas ta gueule et je pense que tu n’aurais jamais dû parler d’autres choses que de pipi et de quéquettes. Estime-toi heureux que je n’aie pas la verve d’un Desproges : « Il y a longtemps, mesdames et messieurs les jurés, que je guettais une bonne occasion pour cesser de parler de sexe dans mes réquisitoires. Eh bien cette occasion est venue : la seule présence en ces lieux d’un trouducologue patenté, pas tentant non plus, a relégué en moi toute velléité d’exhiber ici mes moindres pulsions zigounettophiles ou piloupileuses.  Le sexologue, mesdames et messieurs les jurés, est à l’amour ce que le péage est aux autoroutes. Supprimons le péage, ça ne nous empêche pas de rouler. Supprimons le sexologue, ça ne nous empêchera pas de baiser » (Desproges – Réquisitoire contre Gérard Zwang… le même !)

Il faut dire qu’avec le coup des tours jumelles, le fondamentalisme musulman n’a pas raté son entrée en scène, et a volé la vedette aux autres fondamentalismes. Personne ne pense plus à l’attentat du cinéma Saint-Michel (attribué à un groupe intégriste catholique), à l’attentat d’Oslo et la tuerie de l’île Utoeya (dont l’auteur est déclaré proche de l’extrême droite et un tenant du fondamentalisme chrétien), au massacre du caveau des Patriarches (perpétré par Baruch Goldstein, un fondamentaliste juif orthodoxe), aux attentats commis par des fondamentalistes chrétiens contre des médecins (le dernier étant le Dr George Tiller qui a été tué en 2009) et cliniques qui pratiquent des avortements.

Y a-t-il une religion qui sort du lot ? La réponse est souvent unanime : « C’est le bouddhisme, Ignorant ! Le bouddhisme est une religion de paix qui, en tant que telle, n’a jamais eu ses guerres saintes ».

Encore une idée reçue qui ne résistera nullement  à un examen approfondi des textes bouddhiques (comme la Tantra de Kalachakra, texte auquel se réfère souvent le dalaï-lama, et dans lequel les infidèles à combattre sont des musulmans – oui oui, c’est encore eux ! – qui menacent l’existence du royaume mythique de Shambhala) et de l’histoire du Bouddhisme. «Zen at War » (Le zen en guerre) est un essai de Brian Victoria, un moine occidental zen sôtô qui enseigne à l’Université d’Auckland. Ce livre revient sur l’histoire de la collusion des institutions du zen japonais (une école du bouddhisme introduite au Japon au 12ème siècle) et de la machine de guerre impériale (fin du 19ème siècle, début du 20ème) et montre comment d’éminents maîtres zen ont pu s’engager en faveur de la guerre au nom du bouddhisme, pervertissant ainsi les enseignements de ce dernier.  Des paroles telles que « Je souhaitais inspirer à nos vaillants soldats les nobles pensées du Bouddha, afin qu’ils soient capables de mourir sur le champ de bataille avec la certitude que la tâche dans laquelle ils étaient engagés était grande et noble. Je voulais les convaincre […] que cette guerre n’était pas un simple massacre de leurs frères humains, mais qu’ils combattaient contre un mal. » n’ont pas été prononcées par un quelconque lieutenant de guerre mais par Shaku Sôen (1859-1919), un des maîtres zen les plus emblématiques, et ce lors de la guerre du Japon contre la Russie (1904). Il ajoute « Dans ces hostilités dans lesquelles le Japon n’est entré qu’avec une grande réticence, il ne poursuit aucun but égoïste, mais cherche à soumettre des maux opposés à la civilisation, à la paix et à l’éveil. » La guerre devenait ainsi une étape naturelle et incontournable vers la réalisation finale de l’éveil. Et Maitre Sôen n’était pas une exception, ni dans le temps, ni dans l’espace. Durant la Seconde Guerre mondiale, les bouddhistes japonais ont soutenu l’effort de guerre, mettant leur rhétorique au service de la mystique impériale et de la diabolisation de l’ennemi. Plus récemment, c’est au Sri Lanka qu’on a assisté à une apologie bouddhique de la guerre sainte contre la minorité tamoule.

Soyons clairs. Je ne suis guère en train de justifier les conneries des uns par celles des autres. Par cette longue liste, je voudrais montrer que toute vision manichéenne du monde (avec un gros méchant d’un côté et plein de gentils de l’autre) est forcément trop limitée pour en cerner la complexité. Notre propension à adopter une vision manichéenne de la réalité favorise le développement d’une attitude ethnocentrique, et parfois violente, envers tous ceux qui ne partagent pas notre point de vue…

Mon point de vue est simple : Il faut cultiver le doute. Rien ne m’est plus insupportable que ceux qui moulinent des certitudes… Et ils sont partout. « Que la vie serait belle si tout le monde doutait de tout, si personne n’était sûr de rien. On pourrait supprimer du dictionnaire les trois quarts des mots en « iste », fasciste et communiste, monarchiste et gauchiste, khomeyniste et papiste. » : Desproges aurait pu ajouter « fondamentaliste » dans sa liste.

Il est grand temps de s’intéresser à l’histoire des religions, toutes les religions, pour recentrer le débat, contrer les extrêmes et apaiser les esprits. Comme tout paradigme, la religion n’est rien d’autre que ce qu’on en fait… Comme toute idéologie (l’athéisme en est une), elle peut être exploitée à des fins qui lui sont étrangères.  Ses enseignements, son langage et les symboles sous-jacents peuvent être pervertis et défigurés afin de promouvoir le nationalisme et la violence. Bref, comme toute idéologie, la religion a sa part de lumière et sa part de ténèbres.

Ceci étant dit, se plonger dans l’histoire des religions me semble un chouïa anachronique  quand un enfant sur trois ne connaît ni poireau, ni courgette, ni artichaut et quand 87 % de nos minus ne savent pas ce qu’est une betterave (enquête de l’Association santé environnement France, 23/05/2013). A ce stade je préfère qu’ils commencent par faire connaissance avec monsieur poireau plutôt que  de s’attaquer à la manne de Moïse et sa traversée du désert.
Après dix pages noircies à la va-vite, je me rends comptes que je n’ai pas parlé de mes sujets de prédilection : la décroissance incontournable, la révolution qui couve, le suicide de la finance, la dette qui enfle et la monnaie qu’on crée pour vivre au-dessus de nos moyens…

J’écoute les gens parler (j’adore ça. Il fut une époque où je passais des heures dans les bus parisiens à bouquiner et à écouter les gens raconter leur vie…) et me dis qu’on se berce d’illusions : l’illusion que le progrès technique et la croissance économique arriveront à bout de tous nos maux, de tous nos problèmes (pauvreté, inégalités, déséquilibres, finitude des ressources, dégâts infligés à la nature…). Nous continuons à occulter nos problèmes en espérant le remède miracle qui surgira de nulle part. C’est l’abondance d’énergie fossile qui a permis l’énorme évolution qu’on a connue sur les deux derniers siècles. Moins d’énergie veut dire moins de confort et plus de travail ingrat. Il faut juste s’y faire et s’y préparer gentiment, sans pour autant abandonner notre recherche de la cassure technologique qui fera de nous les rois de l’univers. Mon point de vue est qu’il faut vraiment avoir le cul bordé de nouilles pour que le scénario optimiste se réalise dans un avenir proche. « La décroissance est donc un impératif de survie. Mais elle suppose une autre économie, un autre style de vie, une autre civilisation, d’autres rapports sociaux. En leur absence, l’effondrement ne pourrait être évité qu’à force de restrictions, rationnements, allocations autoritaires de ressources caractéristiques d’une économie de guerre. La sortie du capitalisme aura donc lieu d’une façon ou d’une autre, civilisée ou barbare », disait André Gorz.

Quant à la révolution, beaucoup voient dans l’enlisement des printemps arabes la fin de l’histoire. J’en doute fortement. L’environnement dans lequel on évolue (croissance structurellement faible, chômage endémique, disparités hallucinantes) reste des plus porteurs pour les embrasements sociétaux qui couvent. Dans “Toward a theory of revolution” (American Sociological Review, 1962), James C. Davies théorise les moments opportuns pour toute révolution : “Revolutions are most likely to occur when a prolonged period of objective economic and social development is followed by a short period of sharp reversal. The all-important effect on the minds of people in a particular society is to produce, during the former period, as expectation of continued ability to satisfy needs – which continue to rise – and, during the latter, a mental state of anxiety and frustration when manifest reality breaks away from anticipated reality. The actual state of socio-economic development is less significant than the expectation that past progress, now blocked, can and must continue in the future”. Les révolutions seraient donc dues à l’anxiété et la frustration qui découlent d’une divergence entre les attentes et la réalité… Nous y sommes. Sans cassure technologique majeure (découverte d’une technologie à usage généralisé), la croissance de la productivité ne pourra que décélérer et les revenus disponibles réels par tête de pipe stagneront  (sauf pour quelques privilégiés).  Le mécontentement  grondera.  La résurgence de l’inflation (due à nos politiques monétaires expansionnistes) finira par assombrir le tableau.

Le calme relatif qu’on constate un peu partout (en Europe comme au Maghreb. Au Moyen-Orient, le soulèvement a déjà dégénéré en guerres civiles dont tout le monde s’en fout, mais qu’on finira par payer) depuis quelques mois n’est qu’un moment de trêve dans un processus en marche. Ca nous laisse un peu de temps pour penser les modalités de l’insurrection.  Se projeter au-delà me parait impossible. Et puis chaque chose en son temps. Là, j’ai tendance à suivre Eric Hazan qui disait dans une interview datant de septembre 2009 (soit avant tous les printemps) : « Camille Desmoulins disait « Le 14 juillet 1789, nous n’étions pas dix républicains.’’ L’idée de République n’était même pas dans les têtes. Chaque chose en son temps. Il faut penser les modalités de l’insurrection et surtout ne pas tomber dans le travers répétitif de la phase intermédiaire : gouvernement provisoire, élection d’une constituante. ». C’est marrant comme il a vu juste pour ces travers répétitifs de la phase intermédiaire.

J’arrive enfin à la finance. Votre délivrance est maintenant proche…

La finance, un temps calmée par la crise de 2007, est repartie de plus belle dans ses dérives d’antan. Elle met tout en œuvre pour s’immuniser contre les efforts visant à la soumettre à de nouvelles réglementations dont le but ultime, après tout, est d’empêcher la reproduction d’événements susceptibles d’entraîner son effondrement total. Les calculs court-termistes de la Finance (en tant qu’entité biologique) sont la signature de son suicide programmé. Sur ce point, je reprends l’analyse de Paul Jorion qui compare ce qui se passe dans la finance au processus qui a régi l’effondrement des  civilisations anciennes. Parmi les catalyseurs d’un tel effondrement, le biologiste Jared Diamond (« Effondrement » – Gallimard 2005) cite l’incapacité de leurs élites à percevoir le processus d’effondrement en cours et / ou leur incapacité à le contrer, quand elles ont réussi à en prendre conscience, en raison « d’une attitude de défense court-termiste de leurs privilèges ». Il faut dire que la finance est confortée dans ses manœuvres d’obstruction par  son accès facile à l’argent, injecté à gogo par les banques centrales (elles-mêmes enlisées, sans aucune stratégie de sortie, dans un processus expérimental dont elles ne connaissent RIEN, absolument rien), qui financent par la pure création monétaire les budgets des gouvernements (et on me parle de séparation entre politique monétaire et politique fiscale… mon cul, oui !). On peut tout me raconter mais je ne goberai jamais cette histoire de l’argent gratuit. L’argent gratuit n’existe pas et quelqu’un, quelque part, finira par mettre la main à la poche. On sera a priori plusieurs à le faire (états comme individus), avec le bruit des bottes dans les rues. Bienvenues dans le monde de l’hyperinflation…

Balise – Prudes n’aimant pas la vulgarité, ni les prises de tête

Bon, ce n’est pas vraiment rose tout ça. Et ce n’est clairement pas par des coups de rafistolage qu’on s’en sortira. Les bases du Système sont pourries et nécessitent une refonte totale. Parmi vous, ils y en a même ceux qui pensent que ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne guerre… Mais même la guerre, ça se mérite :

« Ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne guerre ! Nombreux sont autour de nous les gens qui lâchent cette petite phrase en soupirant. Mais l’instant d’après, ils retournent vaquer à leur petite vie mesquine et n’y pensent plus. Or, si nous voulons vraiment la guerre il ne suffit pas de l’appeler de nos vœux en levant les yeux au ciel d’un air impuissant. Ne rêvons pas : la Troisième guerre mondiale n’aura pas lieu ces jours-ci. Alors, pourquoi n’organiserions-nous pas une guerre FRANCAISE, dans laquelle les forces en présence seraient toutes françaises? Et puisque la haine est le moteur de la guerre, apprenons à nous haïr entre nous. Ah ! certes, il est plus facile de haïr les Arabes ou les Anglais dont les mœurs incroyablement primitives ont de quoi révulser.Mais chaque région de notre pays a ses rites et coutumes qui ne sont pas les mêmes que ceux de la région d’à côté. Ainsi, pour bien, nous haïr entre Français, nous devons tenter d’oublier ce qui nous unit, et mettre l’accent sur ce qui nous sépare. » (Desproges)

Grosses bises  toutes et à tous. Que notre décroissance soit conviviale (car pour l’instant je me sens un peu seul).
Zouheir

PS I : Vous remarquerez qu’avec la carte de vœux ci-jointe (avec son ARABE à gogo et le charabia d’un rappeur NOIR), vous êtes fin prêts à affronter les préconisations du rapport pour l’intégration…

Balise – Prudes n’aimant rien, même pas les arabes et les noirs

PS II : Pour suivre nos conneries sur Twitter : https://twitter.com/#!/Tingitingi

Oxala House est pour l’instant (car un nouveau site sera prêt d’ici quelques jours) visible ici :www.tingitingi.com

Dar Gaïa est visible ici : http://dargaia.tingitingi.com/

Des photos de l’ensemble sont disponibles ici :https://plus.google.com/photos/102256080938955294973/albums?banner=pwa

 

FinLight Research est née…

Convaincu de l’obsolescence programmée de la finance telle que pratiquée depuis la fin des années 90, j’ai commencé à tracer ma sortie de ce monde en 1999, et ce après un long voyage en Afrique de l’Est qui a fini par m’ouvrir les yeux sur les choses importantes de la vie… Ce voyage, les projets qui en ont découlé ainsi que ma conviction profonde que l’ensemble du système était en train de cavaler vers sa perte, m’ont redonné envie de trimer avec un objectif qui sortait, pour une fois, du cadre alimentaire à la noix.

Avec mon temps de latence habituel, j’ai mis dix ans pour me libérer définitivement du carcan de cette machine infernale, broyant du fric pour en sortir encore plus de fric, le tout dans une atmosphère saturée de fric. A des moments, la tentation était forte, voire insupportable, de céder à la facilité et de continuer à se blottir dans les bras de ce mastodonte oh combien généreux avec ses sbires. Durant ces moments, le suicide intellectuel semble tellement agréable, tellement enivrant, qu’on passe à l’acte sans sourciller…

En 2009, je me suis mis au vert. J’ai tiré ma révérence et pris enfin le temps de repenser ma vie. Dehors, la crise grondait… Dans la pluie diluvienne qui s’en est suivie, la plupart des gens ont cru voir le déluge. Et dans l’intervention de la Fed, le mont Ararat. A mon sens, cette pluie, quelle que soit sa brutalité, n’était (et reste) que le signe avant-coureur du cataclysme à venir. C’était le moment pour moi d’abdiquer et de se préparer à la fin du Système et à l’éclosion d’un nouveau paradigme.

Je pensais avoir tiré un trait sur la finance. C’était sans compter avec la force de la curiosité intellectuelle qui vous taraude quand on vous propose un projet de société de gestion de portefeuille qui s’insère magnifiquement dans votre scénario catastrophe et qui se donne comme ligne d’action de répondre aux différents défis (écologique, démographique, socioéconomiques, de ressources…) du siècle à venir. La Firme (pour ne pas la nommer) était née sous de bons auspices… Du moins, je le croyais !

Une année après, les choses ont commencé à partir en vrille grâce à l’égo surdimensionné et l’ambition maladive de certains de mes chers associés. Le cap n’a pas été respecté. Les corsaires ont pris les commandes. Ravi j’étais de quitter le navire… Il pourrait atteindre les Amériques et remplir ses cales d’or et de pierres précieuses, je n’aurais pas un gramme d’envie de regret de l’avoir quitté… Car, à son bord, les corsaires ne sont même pas marrants…

Et me voilà héritant d’une filiale qui ne doit plus faire la moindre allusion à sa maison mère. Je la reprends pour la simple raison qu’on y avait déjà embauché un jeune matelot plein de bonne volonté et qu’il est hors de question pour moi de le jeter par-dessus bord. Eh oui, mes principes finiront par me couler…

Un nouveau navire, mais toujours le même cap : aborder la finance autrement et la ramener à sa finalité première. FinLight Research est née sous de mauvais auspices. J’adore les causes perdues, et encore plus quand elles ne le sont plus…

FinLight Research est une société de R&D dédiant son savoir-faire quantitatif et sa technologie à une revue en profondeur du paradigme de l’investissement dans un monde en plein bouleversement.

Le nouveau paradigme issu des défis du 21ème siècle (réchauffement, épuisement des ressources, démographie…) est un point central de notre processus de recherche. Notre ambition est de devenir un acteur reconnu dans la modélisation des différents scénarios énergétiques, et de leurs impacts potentiels sur les marchés financiers, les matières premières et autres actifs réels.

Avec FinLight Research, les actifs réels et l’économie réelle seront de nouveau à l’honneur, plus accessibles, plus compréhensibles et dix mille fois plus sexy que ce qu’on a bien voulu vous faire croire.

FinLight Research est là : http://www.finlightresearch.com/

Chroniques de la Fin d’un Monde – Acte II

« Le cochon offre de nombreux points de comparaison avec un autre mammifère sans poils passé expert dans l’art de semer la merde et de se vautrer dedans. » (Desproges)

Cette année, j’ai décidé d’être un peu plus optimiste que d’habitude… Si, si, j’ai enfin réussi à canaliser mes tendances suicidaires.  Il faut dire que le flot de mauvaises nouvelles semble se tarir. Il n’y en plus que des bonnes.

Il y a, au moins, treize raisons de baigner dans l’optimisme :

  • Nicolas Sarkozy, notre serial-sauver national, nous a sauvés de la faillite. Et comme dirait Stéphane Guillon « Sans lui la France serait la Grèce, on mangerait de la feta, on écouterait du Demis Roussos et Nikos Aliagas serait Premier Ministre ».
  • Les ventes de caleçons flottants se porteraient très mal. Cette information tombe à pic. Je viens d’en jeter le dernier. Ses trous sont devenus trop nombreux pour qu’il puisse continuer à assurer sa mission naturelle. Sa tendance fâcheuse à se mettre en boule sous le pantalon le rendait irritant, et les bourrelets qui en découlaient disgracieux. Il est devenu tellement avachi que je ne pouvais plus me balader avec à la maison sans me faire flinguer par le regard dédaigneux de ma fille, me traitant implicitement, du haut de ses 7 ans, de « has been ». Grâce à une étude du magazine M (Le Monde), j’ai appris qu’en portant un caleçon moulant, je suis devenu « trendy » sans vraiment le vouloir. Il faut dire qu’il est spécialement mis en valeur par mon ventre musclé et mes pectoraux harmonieux (Et que ceux qui savent, se taisent à jamais…). Après le slip, le string (imaginez-moi en string) et le caleçon, et afin de rester dans le « move », je me prépare psychologiquement à me mettre au « megging », comme ce bon vieux Louis XIV. Ma photo sera bientôt surhttp://fuckyeahmeggings.tumblr.com/… Qui m’aime me suive !
  • Les riches exigent de payer plus d’impôts (pas tous… Certains se font la malle). J’ai adoré Stephen King (le maître de l’horreur) dans sa tribune poétiquement intitulée « Taxez-moi, merde ! » :  “I’ve known rich people, and why not, since I’m one of them? The majority would rather douse their dicks with lighter fluid, strike a match, and dance around singing ‘Disco Inferno’ than pay one more cent in taxes to Uncle Sugar.” Traduction approximative : « J’ai connu des gens riches, et pour cause, je suis l’un deux… La plupart préféreraient tremper leurs bites (excusez la traduction brute de coffrage) dans de l’essence, craquer une allumette et danser autour en chantant ‘Disco inferno’ plutôt que de payer un centime de plus à l’Oncle ‘Sucre’. »
  • Georges Friedmann, Hannah Arendt, et plus récemment Jeremy Rifkin (et même Michel Rocard), ont abordé le thème de la fin du travail dans le contexte d’une productivité en croissance constante et d’une croissance (quand elle n’est pas en berne) sans emploi. Youpi, on y est ! Nous sommes partis pour des années de croissance molle. Le travail de masse s’achève. Le plein-emploi est une relique du passé. J’entends le poète grec Antipatros entonne son hymne à l’oisiveté « Épargnez le bras qui fait tourner la meule, ô meunières, et dormez paisiblement! Que le coq vous avertisse en vain qu’il fait jour! ». Et que les inconditionnels défenseurs de la transcendante centralité du travail tremblent de rage!
  • D’après une étude de la revue Nature (« Approaching a state-shift in Earth’s biosphere »), mettant en avant l’accélération des changements climatiques et des pertes en termes de biodiversité, l’environnement terrestre pourrait franchir un point de non-retour avant la fin du siècle. Les écosystèmes de la planète pourraient connaître un effondrement total et irréversible d’ici 2100. Selon l’étude, 12 % à 39 % de la surface du globe connaitrait, sous la pression humaine, des conditions qui n’ont jamais été connues auparavant par les organismes vivants. La fulgurance de ce changement (à l’échelle du temps planétaire) empêcherait les écosystèmes de s’y adapter. Un des auteurs de l’étude résume la situation ainsi : « La planète ne possède pas la mémoire de son état précédent. Nous prenons un énorme risque à modifier le bilan radiatif de la Terre : faire basculer brutalement le système climatique vers un nouvel état d’équilibre auquel les écosystèmes et nos sociétés seront incapables de s’adapter. ». La bonne nouvelle est qu’en 2100, je ne serai plus là… L’autre bonne nouvelle (je vous ai dit qu’il y en a plein) est qu’avec un peu de chance, nous serons sauvés par l’empathie qui nous habite. J. Rifkin (le même qui nous parlait de la fin du travail) suggère dans son dernier livre que notre empathie naturelle pourrait rétablir l’équilibre menacé par l’entropie générée par notre espèce. « Si la nature humaine est matérialiste jusqu’à la moelle – égoïste, utilitariste, hédoniste -, on ne peut guère espérer résoudre la contradiction empathie-entropie. Mais si au plus profond, elle nous prédispose à (…) l’élan empathique, il reste au moins possible d’échapper au dilemme, de trouver un ajustement qui nous permette de rétablir un équilibre durable avec la biosphère  ». Me voilà rassuré…
  • Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. La crise n’est plus qu’un mauvais souvenir. La preuve : Gangnam Style, le clip déjanté du rappeur sud-coréen Psy (dans lequel il mime une danse du cheval) a franchi la barre symbolique du milliard de connexions Youtube. « Y’a des aristocrates et des parvenus, dans la connerie comme dans le reste. » (Audiard, Comment réussir quand on est con et pleurnichard – 1974). Dans tous les cas, la connerie humaine semble au top de son audience…
  • Une nouvelle étude menée, entre 1989 et 2005 en France, et portant sur plus de 26 000 hommes, montre un déclin spectaculaire (32%) de la concentration en spermatozoïdes du sperme, ainsi que de sa qualité (réduction 33%, de la proportion des spermatozoïdes de forme normale). Autrement dit, nos spermatozoïdes ne collent plus au canon de beauté du moment (imaginez les avec des boutons d’acné et des piercings sur la langue, les tétons et la queue) et se font plus rares là où on les attend normalement. C’est sûrement une crise d’adolescence doublée de tendances gothiques prononcées…  La bonne nouvelle c’est que j’ai déjà réussi, contre vents et marées, à procréer.  La seconde bonne nouvelle est qu’enfin, nous ferons l’amour sans aucune arrière-pensée primitive (de celles héritées de dizaines de milliers d’années d’évolution). Le tout, en épargnant à la Sécurité Sociale le coût superflu des moyens de contraception de tous genres (ce qui tombe plutôt pas mal compte tenu des soucis qu’on connait avec les pilules de 3ème et 4ème générations).
  • En attendant de pouvoir s’envoyer en l’air sans arrières-pensées procréatrices, sachez que les voyages en apesanteur se démocratisent : Dernièrement, l’agence spatiale française a fixé mars 2013 pour le démarrage de ses vols commerciaux de 2 h 30, comprenant cinq minutes d’apesanteur cumulées, pour 6 000 euros par personne. Pour ceux qui voudraient monter un peu plus haut et quitter l’atmosphère terrestre, Virgin Galactic fera leur bonheur : Un vol allant à 110 km au-dessus du sol, 6 minutes d’apesanteur, pour à peine 200 000 euros. Bonne nouvelle : la connerie humaine ne se refuse rien… Et « le jour où la connerie se vendra en tubes, il y en a qui seront les premiers à s’offrir une brosse à dents. » (Audiard)
  • Il n’y a pas que l’apesanteur qui se démocratise. La pauvreté aussi. Tout va bien quand on est tous dans la mouise… « Il paraît (même) que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit, c’est comme ça » (Coluche). La pauvreté concerne désormais des groupes sociaux préservés jusqu’ici par des mécanismes de solidarité familiale qui vacillent. Des millions de foyers sont rattrapés par le chômage de masse (on ne peut le dire autrement quand le quart de la population active est sans taf), le surendettement,  l’austérité implacable et les coupes drastiques dans les dépenses publiques d’éducation et de santé.  Les pays les riches couvent les ingrédients d’une crise sociale majeure, couplée à un traumatisme collectif. Et« quand les riches maigrissent, les pauvres meurent » (Proverbe chinois).
  • La polygamie sera bientôt proclamée « action d’utilité publique ». On discernera la légion d’honneur aux activistes polygames (car il faut être un révolutionnaire de la première heure pour tremper dans la polygamie). En Grèce, le taux de suicide a doublé au cours des trois dernières années, les trois-quarts des suicides étant commis par des hommes. Rien d’étonnant puisque que les hommes continuent à fonder leur identité, leur valeur, leur virilité, sur le travail. Bientôt, il y aura trop peu de mecs sur terre. C’est une bonne nouvelle en soi (il y aura moins de pipi sur les lunettes des chiottes).
  • Le transfert de technologie s’inverse et devient Sud-Nord. Par ce temps de crise, la Tunisie a réussi à exporter son savoir-faire en techniques suicidaires.  Giuseppe Campaniello, un maçon au chômage de Bologne, poursuivi pour ne pas avoir payé ses impôts, a opté pour l’immolation par le feu.
  • Sur l’île des Lotophages, le tourisme sexuel se porte à merveille. Les cougars sont en terrain conquis. La prostitution masculine est un métier d’avenir à condition de ne pas faire la fine bouche. Ce matin même, j’ai pu contempler ce business en plein essor : Une magnifique blonde d’un certain âge (mais d’un âge certain), aussi fripée qu’un Shar Pei, stand ambulant de la chirurgie esthétique ratée, au bras d’un jeunot (j’aurais pu dire un éphèbe, mais vous auriez pu le croire beau),  ayant le tiers de son âge, aux cheveux gominés et à la dentition jaune fluo. A Djerba, les films d’horreur se déroulent en pleine rue… Je me dis qu’il faut se prostituer un coup pour voir ce que le dévouement professionnel peut nous faire gober.
  • Etre un homme battu n’est plus un tabou. Les hommes violentés psychologiquement, physiquement et même parfois sexuellement par leurs femmes peuvent enfin s’adresser à SOS Hommes battus, association créée en 2009 par (paradoxalement ?) une femme : Sylvianne Spitzer, psychologue et experte en criminologie.  J’ai démarré mes recherches sur le sujet il y a quelques mois, suite à des discussions enflammées avec ma femme sur (devinez quoi !) les hommes violés. J’ai été ahuri par les chiffres disponibles aux Etats-Unis, au Canada, en Suisse et depuis peu en France. Près de 10 % des hommes seraient victimes de violences conjugales (et je n’en fais pas partie…). Outre le blog de l’association et le rapport de l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales, je vous invite à consulter les ouvrages de Sophie Torrent (L’Homme battu, un tabou au cœur du tabou) et de la psycho-criminologue Michèle Agrapart-Delmas (Femmes Fatales) où l’on apprend « qu’à la maison d’arrêt de Rennes, qui est exclusivement pour femmes, il y aurait 25% de femmes agresseurs sexuels impliquées dans des actes de pédophilie, d’inceste, mais aussi de viol sur d’autres femmes ou sur des hommes adultes. »

Desproges disait : « Il faut rire de tout. C’est extrêmement important. C’est la seule humaine façon de friser la lucidité sans tomber dedans ».

Mais n’oubliez pas : « le rire n’est jamais gratuit, l’homme donne à pleurer, mais il prête à rire ».

En 2012, l’apocalypse n’a pas eu lieu mais nous avons changé de monde. Nous avons fait un pas supplémentaire vers l’abîme salvateur, la culbute finale. Les banquiers centraux ont opté pour la politique de « l’open bar » en termes de stimulations, d’injections monétaires et d’accès aux liquidités, en espérant revoir le consommateur au bar, buvant  au goulot comme s’il n’y avait pas de demain. Or, se soûler n’a jamais été la solution. Et nos banquiers à la noix l’apprendront à leurs dépens. Nous vivons en ce moment la plus grosse bulle de dette (publique et privée) jamais connue par l’humanité. Son implosion fera de la crise de 2008 une sinécure (« a Sunday picnic », comme disent nos amis anglais). Les stimulations de tous genres ne font que tenir la bulle à bout de bras, à repousser l’échéance fatidique mais ne pourront en aucun cas apporter une solution durable. Ludwig von Mises le disait tellement bien : « There is no means of avoiding the final collapse of a boom brought about by credit expansion. The alternative is only whether the crisis should come sooner as a result of the voluntary abandonment of further credit expansion, or later as a final and total catastrophe of the currency system involved. »

Ca fait des années que je vous tanne avec le désencombrement, la sobriété heureuse, la décroissance volontaire. Durant ces années, je me suis enrichit de ce dont je me suis allégé. J’ai irrité (et le mot est gentil) ma femme avec mes tendances monomaniaques à scruter nos habitudes, à évaluer chaque besoin et à raisonner chaque envie. Les cinq R de « Refuse – Reduce – Reuse – Recycle – Rot » (refuser, réduire, réutiliser, recycler, composter) deviennent soulantes, à la longue. Mais stoïque a été ma femme…

En combattant le superflu, en le réduisant à sa plus simple expression (car, même quand il n’y en a plus, il y en a encore un peu), les traits de la vie deviennent plus discernables. La vie elle-même devient plus éclatante, une fois débarrassée de ce brouillard consumériste qui l’enveloppe. Nombreux sont ceux qui se cachent encore derrière les nouvelles tendances de recyclage et d’écoconception, acquérant  ainsi un « permis à consommer », voire à surconsommer. Le recyclage ne sera jamais la panacée. La sobriété volontaire si.

Contrairement au fameux « Il faut que tout change pour que rien ne change » de l’écrivain Giuseppe Tomasi (prince de Lampedusa), on navigue à vue en chantonnant  « Il faut que rien ne change pour que rien ne change ». C’est beaucoup plus simple, plus rassurant mais infiniment plus déprimant.

Le National Intelligence Council (NIC), la branche analytique et prospective des services de renseignement américains vient de pondre son rapport « Global Trends 2030 », projetant le monde de 2030 en termes de limitation des ressources, de pression démographique (avec son lot de défis environnementaux, climatiques et alimentaires et de tensions sur les ressources en eau et en matières premières) et de facteurs potentiels d’instabilité. Le rapport dessine une planète physiquement limitée, vieillissante et soumise à une urbanisation tous azimuts.  Il met en évidence des similitudes entre le monde d’aujourd’hui et celui des grandes transitions de l’Histoire : la fin de l’empire napoléonien en 1815, les lendemains des grandes guerres (1919 et 1945) et la chute du mur de Berlin en 1989 (J’aurais bien volontiers rajouté la chute de l’empire romain d’Occident en 476). A chaque fois, le monde a été à la croisée des chemins. A chaque fois, l’option retenue a façonné le monde sur des décennies.  De ce rapport, j’ai retenu deux points pour vous :

  1. l’urbanisation croissante « a conduit à des réductions drastiques des forêts, des changements négatifs dans le contenu nutritif et la composition microbienne des sols, des altérations dans la diversité des plantes et animaux supérieurs (incluant des extinctions locales) ainsi que des changements dans la disponibilité et la qualité de l’eau douce. »
  2. Les rendements agricoles s’améliorent certes mais à un rythme qui ne compense guère l’augmentation des besoins alimentaires de la population mondiale. « Au cours de sept des huit dernières années, le monde a consommé plus de nourriture qu’il n’en a produit. Une grande étude internationale estime qu’en 2030, les besoins annuels en eau atteindront 6 900 milliards de mètres cubes, soit 40 % de plus que les ressources durables actuelles. »

Bon… je pense que vous avez reçu le message 5/5. Tout va bien dans le meilleur des mondes.

Entre temps, nos p’tits lutins (voir mon billet de l’année dernière :http://tingitingi.canalblog.com/archives/2012/01/03/23145266.html ) ont survécu tant bien que mal à la crise. Les lutins banquiers ont fait passer leurs soucis de solvabilité pour de simples problèmes de liquidité. Ils ont eu alors accès à l’open bar du lutin super-banquier, qui s’est contenté de faire tourner la planche à billets à donf, le tout avec la bénédiction des lutins tchatcheurs-politicards. Et vu qu’ils maitrisent l’art du larmoiement, ils se sont aussi faits renflouer par les mêmes lutins tchatcheurs-politicards. Des milliers de milliards (oui oui des billions… mais « milliers de milliards », ça en jette plus !) de kilos de champignons y sont passés. Les lutins banquiers ont repris sereinement leur business lucratif d’avant, en évitant scrupuleusement tout ce qui fait partie de l’économie « réelle » (peu sexy et très risquée). Quant aux lutins tchatcheurs-politicards, ils se sont finalement retrouvés dans la mouise (qui ne fait que se déplacer):

  • Avec un endettement hallucinant dépassant de loin la production nationale de champignons. Cette dernière étant en chute libre compte tenu de la défection des lutins consommateurs à gogo, dont une bonne partie a été mise au chômage technique et l’autre partie ne rêve que de se faire oublier.
  • Avec un déficit de fonctionnement qui montre à l’évidence qu’ils pètent plus haut que leurs culs.
  • Avec une méfiance de plus en plus palpable de la part des lutins trimeurs (surtout ceux aux yeux bridés, qui épargnent et qui prêtent) qui doutent de leur capacité à rembourser. Les 2 partis se tiennent par la barbichette, mais l’un des deux finira par craquer.

Conscients du fait qu’ils ont tiré leurs dernières cartouches, nos lutins tchatcheurs-politicards  sont actuellement en train de se faire tout petits, tout discrets (en attendant que la tempête passe et qu’on les oublie), de réduire la voilure sur tout ce qui est accessoire et superflu (éducation, santé, retraites, aides sociales…) et d’augmenter les ponctions sur les lutins-trimeurs qui font partie de leur circonscription. Un double effet kiss-cool qui fait descendre les lutins-trimeurs dans la rue… Les lutins-indignés sont nés. Dans peu de temps, les lutins casseurs-révolutionnaires et les lutins flics-mateurs entreront dans la danse.

L’ensemble du système sera alors au pied du mur. Ce système a été dessiné pour un monde en perpétuelle croissance.  Ce n’est donc pas étonnant qu’il soit devenu en perpétuelle surcapacité. Seule la reprise de la consommation à gogo et à crédit (ou une surprenante rupture technologique) lui donnera une porte de sortie honorable. En l’absence d’une telle reprise, il ne pourra que végéter ou imploser. Une histoire à suivre de près, car on est tous des lutins dans le pétrin. Et si le Titanic coule, même les passagers de première classe y resteront (image poétique que je dois au ministre des affaires étrangères espagnol).

On a juste vécu une p’tite crise du Système. On a ensuite subi une p’tite réplique insignifiante. Et on vivra sous peu l’ivresse de la troisième phase, telle que décrite par Baudelaire dans « Du vin et du hachisch » : « La troisième phase, séparée de la seconde par un redoublement de crise, une ivresse vertigineuse suivie d’un nouveau malaise, est quelque chose d’indescriptible. C’est ce que les Orientaux appellent le kief; c’est le bonheur absolu. » Le kief est pour bientôt…

A la même époque de l’année dernière, je vous suggérais de mettre vos ceintures de sécurité car ça allait secouer.  Les secousses ont failli laisser deux-trois pays sur le bitume. Cette année, le masque et les palmes s’imposent. Gonflez bien vos poumons, car c’est parti pour cinq années d’apnée, d’ivresse…

Et puis, n’oubliez pas : La révolution est en marche. Notre p’tite carte est là pour vous en apporter la preuve…

Sachant que « sur cent personnes à qui l’on souhaite bonne année, bonne santé le premier janvier, deux meurent d’atroces souffrances avant le pont de la Pentecôte » (Desproges),j’ai décidé de ravaler mes vœux.

Bises à toutes et à tous.

Zouheir

 

PS I : Pour suivre nos conneries sur Twitter : https://twitter.com/#!/Tingitingi

Quant aux insultes éventuelles, continuez à les envoyer sur notre adresse réservée :nicolas@sarkozy.fr

PS II : En cadeau de Noël, je vous ai déniché une p’tite adaptation (de Jérôme Leroy, visible sur le site bakchich.info) des ‘Tontons flingueurs’ à la crise des subprimes et au plan Paulson.

La grande classe internationale… Ames sensibles s’abstenir.

 

F-    Alors qu’est-ce qui vous amène encore, les Volfoni ?

V-   Fernand, t’as plus d’esgourdes ou quoi, t’entends plus rien, t’es aussi sourdingue que le Mexicain sur son déclin. C’est la crise financière, Fernand, la catastrophe pour l’actionnaire, l’Armageddon de la thune, l’apocalypse du crédit. Y vont nous l’enfiler jusqu’au trognon, Fernand, les amerloques. Ca va être le plan Marshall à l’envers, mon petit camarade, l’Europe ruinée, le populo sur les routes, le retour à la barbarie. On est à la limite du nervous brèquedonne géopolitique, Fernand. Ca va se finir avec des émeutes devant les épicemards, à se peigner comme des sauvages autour d’un paquet de spaghettis. J’te dis qu’ça, mon Fernand, on va être éparpillé façon puzzle, nous et nos PME d’honnêtes artisans, élevés dans le souci du travail bien fait et de la prestation de qualité chez l’arpenteuse de trottoir.

F-    Arrêtez les Volfoni, vous z’allez finir par me foutre le traczir. On n’a rien à craindre, nous, on est l’économie réelle. Personne va nous les prendre, nos kilomètres de bitume avec nos gagneuses. Même que j’aurais tendance à penser que vu le climat est pas franchement à la sérénité, le goldène boïlle, y va venir plus souvent qu’à son tour se faire shampouiner le chauve, histoire d’oublier ses tracas monétaires.

V-   Et avec quoi, il va la payer la gonzesse. Des tickets de PMU ? Il a plus rien, le goldènen boïlle, qu’est-ce que tu crois, Fernand ? Ses portefeuilles ont été atomisés, ses actions sont hachées menues et ses sicav glissent sur la pente fatale, il est raide comme un passe-lacet, il a autant de pouvoir d’achat qu’un clandestin anorexique, ton traideure. Même une gâterie moldave genre « pimpon vl’a pompier qui passe », il aura pu les moyens, ton cave.

F-    Et ce Paulson, là, son plan pour arrêter le carnage, ça a l’air sérieux. Un secrétaire au Trésor, c’est quand même pas le premier branque venu. C’est pas des comiques, les protestants en général, non ? Le luthérien, c’est pas son genre à échafauder du baroque, à sombrer dans le somptuaire, à jeter le pognon par les lucarnes. Ca a le souci du grisbi, ces hommes-là, quand même, les gouverneurs de banque centrale et tout le toutim, ils ont les arpions sur le plancher des vaches, quoi, enfin…

V-   Parce que les subprimes, ça te semble une idée rationnelle, Fernand ? Tu stratosphérises de la chéchia ou quoi ? Un coup de chaleur de parpaillots illuminés, voilà c’qui s’est passé et voilà pourquoi on est dans une telle mouscaille. Tu fais confiance à un pays qui pourrait avoir comme vice-présidente une grande bringue à lunettes avec un fusil, une Jeanne d’Arc des Icebergs qui te fait des chiées de mômes en se faisant ramoner le frifri sur des dépouilles encore fumantes d’un ours blanc dégommé à l’obusier de campagne. Je vais te dire ce que c’est, moi, le plan Paulson, c’est un piège à caves, un truc de bandits de grand chemin, de Robin des bois qu’aurait pris trop de schnouffe et qui piquerait le pognon des pauvres pour le donner aux riches qui risqueraient de devenir pauvres. Même le Bernard Tapie, qu’est pourtant pas un enfant de Marie, il aurait pas osé dans ces proportions-là. Et son coup du Lyonnais, là, ses dommages et intérêts, permets nous de t’affranchir : c’est du grand art, on irait même jusqu’à apprécier l’esthétique de la chose, le sublime dans l’empapaoutage du citoyen. Mais t’auras beau dire, le Nanard, ça reste un amateur, un joueur de deuxième division si tu compares avec le Paulson et son plan pour glandus. Paulson, c’est du grand art, de la haute couture pour rhabiller les banquiers qui se sont retrouvés à loilpé à force de jouer avec le crédit des pue-la-sueur qu’avait même pas le moyens de se payer un petit home où qui zauraient bu du ouisquie en regardant les télé-évangélistes.

F-    Qu’est-ce qu’on va faire, alors, les mecs, parce que moi le discours de Toulon du cavillon à Rollex, il m’a comme qui dirait moyennement rassuré. Un jour, il taille des plumes au Capital et l’autre, il se prend pour Lénine en pleine NEP. Et pis en face, l’illuminée du Poitou, j’la sens pas franchement. J’ai jamais eu la mentalité scoute, pour tout vous dire.

V-     C’qu’on va faire, Fernand, c’est comme d’habitude. On va planquer de la joncaille en loucedé et puis on va boire un canon. Entre hommes..

Des Voeux qui vous gaveront…

« Il faudrait (…) s’arrêter un peu, s’asseoir, faire silence, réfléchir, et pas seulement sur les conséquences de l’aveuglement qui a cours aujourd’hui, mais sur ses causes » 
José Saramago (Nobel de littérature)

Préambule : A ce message, j’ai attaché une p’tite carte de vœux (torchée en 3 minutes), en espérant me faire pardonner les atrocités qui suivent…

Le Père Noël est en faillite…

A l’approche des fêtes de fin d’année, la fable du vieux bonhomme rouge et blanc, squatteur de cheminées, revient en force, avec son cortège de bobards, d’illusions et de déceptions.

Quand les enfants meurent dans la Corne de l’Afrique, quand le monde semble partir en vrille, nous nous offrons le luxe d’un débat métaphysique sur la pertinence de laisser nos enfants croire au père Noël. Un vrai débat de spécialistes, psychanalystes et psychologues (je l’ai vu passer dans un article du Monde). Pour les uns, ceci n’est ni plus ni moins qu’un mensonge qui ne peut être compatible avec une éducation bannissant catégoriquement le mensonge. Pour les autres, perpétuer ce personnage magique est une façon d’exciter l’imagination de l’enfant, et de matérialiser l’amour des parents, de le rendre plus concret, plus palpable (il faut dire que l’abstraction n’a plus le vent en poupe).

Par ces temps de crise, le Père Noël, lui, aimerait vraiment croire au Père Noël. Sa situation financière est critique. Son budget « cadeaux » est réduit (d’où la petite note de courtoisie que certains ont  pu trouver, sous le sapin : « Rapiécer vos chaussettes. J’y glisserai un cadeau, l’année prochaine ». Je parle en connaissance de cause. Les chaussettes trouées, je connais et je revendique). A ce rythme, il va lui falloir rationnaliser ses tournées, revoir sa consommation énergétique (peut-être même son bilan carbone… Les rennes ont droit de péter !), et lourder une bonne partie de ses effectifs. Un dégraissage incontournable qui risque de lui couter cher en frais de prud’hommes. Les lutins peuvent se révéler revendicatifs. Aussi, a-t-il déjà préparé sa fuite là où personne ne viendra le faire chier… Un paradis fiscal oublié des listes noires de l’OCDE, loin des prises de tête des économies régulées. J’ai toujours dit que le Père Noël est une ordure.

Des années durant, je vous ai rabâché les oreilles avec la Révolution qui couve… En 2011, les prémices du Grand Chaos ont éclos. Et contrairement aux apparences, il y a un fil conducteur dans tout ce que je raconte comme conneries, depuis des années. Une grande vérité que je dois  à Michel Audiard « Les conneries c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer »

L’année écoulée rentrera dans les annales comme étant celle de la rébellion (de tous ces peuples qui se sont soulevés contre la dictature, la tyrannie et les injustices de toutes sortes), de la dignité (de ces mêmes peuples comme celle des Japonais à Fukushima et autour. Je dis bien « dignité » quand d’autres parlent de fatalisme) et du vacillement des Banques-Etats rattrapés par leurs dettes faramineuses.

A cette année mémorable, j’associerai, à jamais, trois symboles : Le masque à l’effigie de Guy Fawkes (citoyen anglais du XVIe siècle qui avait tenté de brûler le parlement britannique pour protester contre la politique intolérante du roi Jacques Ier en matière de religion) arboré par les Indignés, le « Ben Ali Dégage » et « A bas le Régime » brandis par les premiers manifestants du printemps arabe, et enfin les larmes d’Elsa Fornero, la nouvelle ministre italienne du travail et des affaires sociales, annonçant  le nouveau plan de rigueur frappant les retraites (c’est bien connu… Après le bunga-bunga, viennent les larmes).

Elle est bizarre cette atmosphère d’apocalypse lente. Une pente douce (avec des à-coups, certes)  mais indéniablement descendante. On vole d’un sommet crucial à un autre, d’un accord historique à un autre. Et Sarkozy qui sauve l’Europe et l’Euro une fois par mois… Comme dit le Canard Enchainé, nous sommes gouvernés par un serial-sauveur.

Devant les explosions d’anarchie (celle qu’on a vues en Grande-Bretagne cet été, comme dans les banlieues françaises, il y a quelques années), on opte pour la criminalisation en masse et la riposte sécuritaire. On s’obstine à n’y voir que des émeutes relevant de la délinquance ordinaire, de la mauvaise éducation et, en quelque sorte, du déclin moral. Dans nos sociétés moralisatrices (il faudrait peut-être préciser que le moral est réservé au p’tit peuple… Le p’tit peuple doit être irréprochable quand son élite, ses grands manitous, dirigeants politiques et magnats des affaires, peuvent abuser, forniquer, subtiliser, arroser en toute impunité), il est difficile d’entrapercevoir la moindre revendication politique dans ces hordes d’émeutiers pillant magasins de chaussures de sport et de matériel audiovisuel. Pourtant, il y en a bien une : le refus de la pauvreté et  de l’injustice sociale, et la colère contre l’establishment, l’Etat et ses représentants. Le jour où on acceptera enfin cette idée (subversive, je vous l’accorde), ça sera peut-être trop tard pour colmater les brèches sociales.

De l’année écoulée, je ne retiendrai surement pas la mort de Ben Laden (inspirateur du conglomérat djihadiste) , ni celle de Steve Jobs (instigateur de la « tyrannie du cool »), mais plutôt celle de Socrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira, dit simplement Socrates, le célèbre milieu de terrain brésilien (diplômé en médecine), aux pieds enchanteurs et  au nom de philosophe. Un barbu nonchalant au look de Che et au poing levé. Un engagé de la première heure contre la junte militaire brésilienne et l’injustice sociale. Je n’oublierai jamais le bandeau qu’il portait dans les cheveux, lors de la Coupe du Monde de 1986 (Guadalajara, Mexique. La seule que j’ai jamais regardée), avec l’inscription  « People need justice ».  Adeus l’artiste !

A la question « Pourquoi pas Steeve Jobs ? » qui vous taraude, je répondrais que la tendance ambiante à en faire un bienfaiteur de l’humanité me gave. Cette dévotion planétaire m’irrite. J’ai toujours eu un petit blocage face à la marque à la pomme qui a vu le jour dans les odeurs d’herbe et autres drogues psychédéliques (des « révélateurs de l’âme » qui favorisent la créativité, bien évidemment), et qui, tout en ringardisant le pouvoir, tout en se proclamant de la vague « anti-culture » des années  60,  a merveilleusement servi le « Système » en favorisant la consommation à gogo.  Pour comprendre mon malaise, regardez plutôt le film-documentaire de Dimitri Kourtchine et Sylvain Bergère (« Apple, la tyrannie du cool », diffusé sur Arte il y a quelques semaines), un voyage dans la vie d’un « Apple-addict », tantôt ridicule, tantôt attachant, qui finit par se faire plaquer par sa copine qui n’en pouvait plus de ces trucs en pad et pod, ni de cette douce tyrannie.  Le documentaire illustre à merveille comment cette boîte a su capter les aspirations de l’individu contemporain, à les transformer en oseilles sonnantes et trébuchantes tout en surfant sur la vague du « cool », de la contestation et de l’émancipation de « l’être ». Apple est devenue une religion. Steeve Jobs son gourou. Le consumérisme son temple.

La marque à la pomme nous offre aujourd’hui (comme son fameux concurrent, d’ailleurs) un voyage inégalé dans les profondeurs de l’individualisme, du manque de décernement et de sens critique. Une belle machine à fric (qui ferait, à mon sens, une belle position « short » en 2012 pour les connaisseurs de ce jargon barbare) qui semble, au-delà du bla-bla officiel, peu regardant sur les conditions de travail dans ses usines chinoises, comme sur l’impact écologique de ses fournisseurs.
J’ai entendu quelqu’un dire que « l’humanité préfère  la facilité et le confort à la liberté ».Apple en est l’illustration vivante (mais pour combien de temps ?).

Maintenant que j’ai commencé avec Apple, je vais continuer sur ma lancée avec ces trucs qu’on appelle LinkedIn (réseau professionnel sur lequel vous me verrez en short, savourant un narguilé et rejetant la fumée de mes narines) et Facebook (sur ce dernier, je me suis découvert un point commun avec ce bon vieux Georges Clooney, outre sa capacité à emballer les filles. C’est son aversion au réseau social. Comme lui,  « je préférerais me faire examiner la prostate en direct à la télé qu’avoir une page sur Facebook »)

Ca fait des années qu’on me soule avec l’économie immatérielle, celle des services, des mots, des rêves (le salaire de 800 000 Euros mensuels de Beckham  fait rêver. Le nombre de tee-shirts qu’il va devoir vendre aussi), de la tchatche, du baratin et de l’embobinage en tout genre. Les échanges physiques n’ont certes pas disparus, mais paraissent moins sexy, moins « smart ». Ils sont relégués au second plan, ringardisés par la dématérialisation ambiante. Je vous donne un chiffre qui vous servira dans vos discussions de salon. Aux Etats-Unis, la part de l’industrie dans la masse salariale globale est passée de 40% à, à peine, 15% entre 1950 et aujourd’hui.

Cette fuite en avant vers l’immatériel, au détriment du matériel, nous perdra…

Un jour, on vivra d’air pur (c’est déjà pas mal, me diriez-vous), d’eau fraîche et de tchatche sur la toile.
« C’est la révolution cognitive, Idiot ! »

En fait, ce qui nous sera fatal  c’est l’impossibilité, au sein de nos sociétés capitalistes, d’atteindre un état d’équilibre (stable, je sous-entends). Quelles que soient les inepties qu’on entend sur les vertus du système dominant, sa capacité à équilibrer l’offre et la demande, à garantir l’allocation la plus efficiente des ressources, et à assurer la distribution la plus équitable des richesses (du pipeau !), je ne reconnais dans ce système qu’un unique point fixe : son instabilité chronique. Libéré de toutes entraves, il favorise naturellement toutes les divergences : entre échanges physiques et immatériels, entre production et consommation, entre épargne et endettement, entre déficits et surplus, entre bulles et anti-bulles. Le tout étant amplifié par l’incapacité de nos sociétés à s’autolimiter, et à éviter les excès de tout genre.

Le culte obsessionnel que nous vouons à la croissance (telle que mesurée par le PIB) ne fait qu’assombrir le tableau un peu plus. On s’y accroche comme un naufragé à sa bouée. Or c’est cette même « perma-croissance » érigée en dogme absolu qui nous traine actuellement vers les abîmes.  Depuis les années 80, la croissance est devenue intrinsèquement liée à la dette. L’une est devenue la justification de l’autre. Un entrainement mutuel dans lequel nous avons cru découvrir le mouvement perpétuel. Or la dette (qui est, en quelque sorte, un gage sur la croissance future) ne peut croitre indéfiniment. Du moins, dans un monde aux ressources limitées.

Nous sommes, malheureusement,  incapables de cerner nos limites (tous seuls comme des grands). Nous faisons tout dans l’excès, basculant perpétuellement de l’euphorie à la panique et vice-versa. Nous refusons de vivre dans la limite de nos moyens. Nous n’apprenons que dans la douleur et quand on est dos au mur. Tel est notre malheur. Mais, je n’ai nullement envie d’y voir notre destin.

On me blablate sur la révolution cognitive… La portée de cette révolution mérite illustration.

Imaginons des lutins, mangeurs de champignons, vivant sur une planète dont la seule richesse (apparente) réside dans les champignons qui poussent à sa surface. Les lutins assureront ensemble la cueillette, mangeront à leur faim et seront tous heureux. Plus ils en mangeront, plus leur PIB (Produit Intérieur Brut, somme de la consommation et de l’investissement) augmentera (c’est ce qu’on appelle la croissance). Leur caca servant d’engrais naturel, ils seront, à première vue,  dans un cycle vertueux de croissance durable, tant que le rythme de la cueillette n’excède pas celui du renouvellement des ressources. Leur croissance (remarquez que nos lutins n’ont fait que trimer, manger et chier, un peu plus chaque année… c’est ça la croissance) se fera dans la limite des ressources renouvelables disponibles et ils seront éternellement heureux.

Cette limite peut être  atteinte (pour raisons démographiques ou par la cupidité de certains lutins entrepreneurs qui ont décidé de puiser plus que leurs besoins et de planquer l’excédent de production dans les neiges de la Toundra en attendant de le monnayer plus tard). Deux choix se présenteront alors à l’assemblée des lutins. Soit qu’ils s’alignent sur cette limite tout en se répartissant les champignons de façon à préserver la paix sociale. Dans ce cas, leur PIB arrêtera de croitre (c’est la stagnation) mais ils ne seront pas malheureux pour autant. Soit qu’ils optent, en fidèles adeptes de l’économie de marché, pour la dérégulation totale. On verra alors apparaître différentes corporations : des lutins cueilleurs-trimeurs, des lutins glandeurs, des lutins entrepreneurs créateurs d’entreprises, des lutins blagueurs-amuseurs de la galerie, des lutins tchatcheurs-politicards, des lutins prêteurs-banquiers (et occasionnellement  voleurs), des lutins prostitués (physiquement, et le plus souvent intellectuellement)… Un peu plus tard dans le processus de décantation sociétale, apparaitront des lutins flics-mateurs, des lutins légitimistes et d’autres plutôt casseurs-anarchistes… On retrouvera alors tous les ingrédients de notre bonne vieille société capitaliste.

Grâce aux progrès technologiques, les lutins gagnent en productivité et réduisent leur temps de travail tout en développant la production de champignons. Les lutins cueilleurs continuent à trimer comme des malades mais disposent d’un peu plus de temps libre qu’ils consacrent à écouter les blagues (parfois salaces) des lutins blagueurs-amuseurs de la galerie (rétribués en champignons) et à surfer sur Facebook que lutin Super-Génial a pu concevoir (car il a bien vu le tournant immatériel que prenait l’économie). Sur Facebook, les lutins trimeurs (comme les autres d’ailleurs) disposent d’un espace de liberté leur permettant de se faire des amis, d’emballer des filles / garçons (en vue de coucheries sauvages, comme d’amours moins éphémères), d’échanger des idées (allant du plan cul à 2 sous jusqu’à la remise en cause du Système et la refonte du Monde), de pester les uns contre les autres, de se révolter (le plus souvent « sur-papier ») contre les injustices, les dictatures et le patronat… Surtout que les lutins entrepreneurs pressent de plus en plus leurs forces travailleuses. La réduction du coût du travail et l‘augmentation de la productivité deviennent leurs seuls leitmotivs. Ils sont de plus en plus nombreux à délaisser le secteur de la cueillette (trop coûteux en termes d’investissement, de main d’œuvre) pour se tourner vers celui du service (plus léger, purement intellectuel) ou du conditionnement à forte valeur ajoutée (apparaissent alors sur le marché des champignons au goût de fraise, au goût de truffes ou à la couleur rose fluo) .

Il faut dire que de plus en plus de lutins rechignent à trimer aux champs et préfèrent amuser la galerie de derrière leurs bureaux. Et puis, Facebook offre une merveilleuse plateforme de publicité permettant aux lutins entrepreneurs de bien cibler leurs clients, de les tenter à mort et en direct sur la toile.  Bon nombre de lutins succombent à la tentation, se goinfrent de champignons roses fluo, s’endettent (car ils n’avaient pas les moyens de bouffer autant) et deviennent obèses. Heureusement que les lutins banquiers sont là pour leur prêter main forte, et les aider à vivre au-dessus de leurs moyens. Les lutins glandeurs-frimeurs empruntent aux lutins trimeurs-amasseurs  (d’épargne). Les lutins banquiers se goinfrent au passage.

Le packaging stimule la croissance. Facebook aussi. Les lutins triment moins, mangent plus, s’amusent plus et chient toujours.  A ce stade, la croissance n’est plus possible sans dette. Pire. Au fil de l’eau, chaque point de croissance supplémentaire nécessite un peu plus d’endettement que le précédent. Mais la tentation est grande (mettez-vous un instant à la place d’un lutin qui lorgne sur un champignon rose fluo), et l’accès au crédit est tellement facile (sans ça, la consommation ne pourrait se maintenir). Les lutins trimeurs mordent à l’hameçon. Les flémards s’engouffrent dans la brèche. Tous s’endettent en engageant leurs revenus futurs.

Un apport supplémentaire en engrais (le caca des lutins ne suffit plus à enrichir les sols) se révèle nécessaire pour maintenir la cadence de production-consommation. Les sols s’épuisent. Heureusement que la Terre des lutins est une énorme boule de phosphate. Les lutins mineurs se mettent au travail sous l’impulsion d’autres entrepreneurs clairvoyants, commencent à puiser dans la croute terrestre  et à alimenter les cultures intensives (car il faut bien que la croissance continue). La magie du PIB fait que le fait même de creuser un énorme trou dans la terre, de la vider de son contenu pour le stocker / consommer à sa surface crée de la croissance ! Et ce, même si la Terre est maintenant un trou béant et que l’ensemble Terre-Lutins n’a pas progressé d’un iota.

La cadence augmente. La fuite en avant (vers plus de consommation) continue. Les trimeurs  se rassemblent dans des syndicats et se font défendre par des professionnels de la tchatche (qui ponctionnent, en contrepartie,  leur production de champignons). La politique est née.

Pour certains lutins, la charge de la dette devient trop lourde. Ils sont acculés au défaut de paiement. L’épargne tant vantée des lutins trimeurs- amasseurs  se révèle alors une illusion. Le financement de la consommation débridée par les prêts à la consommation se transforme ainsi subitement en subvention ouverte à la consommation. Les créanciers tombent à la queue leu leu. Les plus gros (présentant un risque systémique pour la pérennité du Système) sont épargnés grâce à l’intervention des méga-gros, qui deviennent, à leur tour, moins solvables, plus vulnérables. Le jeu de dominos ne s’arrête pas. Il est juste suspendu pour un temps.

Et vous pensez que nos lutins banquiers ont compris le message ? Mais vous vous méprenez, mes chers. « Un financier, ça n’a jamais de remords. Même pas de regrets. Tout simplement la pétoche » (Audiard). J’adore !

Dans cette atmosphère apocalyptique, Lutin Super-Génial organise ses flux immatériels, flique les débats et les censure si besoin, canalise ou sanctionne les débordements, ferme les comptes des lutins aux idées subversives (car il y en a toujours), et se frotte les mains. Chaque jour, des tonnes de champignons rentrent dans ses caisses.  Vu l’engouement des investisseurs (publicitaires, entrepreneurs, chasseurs de têtes, vendeurs de vent…) pour sa boîte, il a même prévu de l’introduire en bourse (où elle sera valorisée à des milliards de tonnes de champignons et verra son cours exploser de 100% durant les premières heures de cotation). Conscient de l’aspect virtuel de cette valorisation, l’apôtre de la dématérialisation de l’économie se délestera d’une partie de ses actions contre quelques millions de tonnes de champignons sonnants et trébuchants qu’il s’empressera d’investir dans des actifs tangibles. Il s’accaparera de l’outil de production (la terre agricole, les ressources naturelles) de ceux qui ont pété plus haut que leurs culs, en se disant que c’est le prochain virage stratégique à ne rater à aucun prix. Lutin Super-Génial a maintenant un pied dans le « tangible » et un autre dans « l’éphémère ».

Nous voilà enfin avec tous les ingrédients de la Crise qui gronde : 
– Une économie qui ne puise sa croissance que dans la consommation (voire la surconsommation), l’investissement, l’augmentation des stocks et l’épuisement des ressources.
– Des déséquilibres structurels entre cigales (aux comptes courants déficitaires) et fourmis (aux comptes courants excédentaires): Une partie de la société qui vit au-dessus de ces moyens, versant dans le consumérisme et empruntant à gogo à des trimeurs qui se contentent d’épargner
– Des déséquilibres structurels entre les détenteurs du capital et les trimeurs d’en bas.
– Des déséquilibres structurels entre l’économie matérielle (qui ne fait plus rêver) et l’économie des services, du baratin et du vent.
– Une répartition des richesses qui devient de plus en plus biaisée (devinez dans quel sens !), des gens dans la dèche et qui osent l’ouvrir. D’où le vent de révolte qui ne sera jamais stoppé par la criminalisation à outrance.
– Une croissance qui ne peut se maintenir sans surconsommation et sans endettement farfelu
– Une peur bleue de la stagnation, et encore plus de la décroissance et de la déflation
– Une obstination suicidaire à subventionner la croissance et à arrêter coûte que coûte la dynamique du désendettement. C’est ridicule car on n’arrête jamais un couteau qui tombe.

Il va sans dire que l’ensemble du système ira droit dans le mur si les ressources s’épuisent sans que les lutins arrivent à adapter leur mode de vie. L’intelligence exigerait qu’ils n’attendent pas des rappels à l’ordre brutaux avant d’opter pour une gestion rationnelle et durables de leurs ressources. S’ils s’obstinent dans la connerie, nos lutins n’auront plus qu’une seule porte de sortie (temporaire) : celle de l’innovation technologique qui les transformera en êtres de lumière, qui ne mangent pas, ne chient pas, veillent au bien-être de leurs prochains et vivent en symbiose totale avec leur environnement.

Revenons sur terre. Nous ne sommes pas des êtres de lumière.

La dynamique actuelle nous mène lentement mais surement  vers  un point fixe. Tous les rameurs à contre-courant, tous les serial-sauveurs de la terre  n’y changeront rien. Nous allons droit dans le mur de la déflation (mère de toutes les hyperinflations) et de la décroissance.

Or, la décroissance est invendable politiquement. Nos lutins politicards n’auront jamais le courage de nous l’annoncer droit dans les yeux. Trop rivés sur le temps médiatiques et les sondages d’opinion. Trop démagogues. Trop obnubilés par le « court-termisme » de nos sociétés et l’individualisme de ses individus.
Aucun de nos lutins politicards ne se risquera à nous vendre des changements de paradigme avec  une portée collective et à long-terme. Ce n’est simplement pas vendeur dans un monde où les valeurs individuelles ont pris le pas sur les valeurs collectives.

Pourtant, nous sommes en train de changer de paradigme. L’année écoulée en restera une année charnière. L’année qui débute ne fera que le confirmer.
Nous basculerons tôt ou tard dans un système plus responsable (car notre survie en dépend), et plus décentralisé, non seulement sur le plan économique (avec des biens produits localement utilisant des ressources renouvelables) mais aussi sur le plan socio-politique (avec une prise de décision locale).

La question cruciale est de savoir si on sera capable d’accomplir un tel changement de façon consciente, sereine, volontaire et ordonnée. La sobriété requiert de l’enthousiasme, sinon elle sera super chiante à avaler. Plus poétique que moi, Bergson disait que nous aurions besoin d’un «supplément d’âme» pour faire face aux défis nouveaux.

Si je m’acharne à vous souler avec mon laïus annuel (que j’aurais pu intituler « Chroniques de la Fin d’un Monde – Partie I », c’est que j’y crois encore… Un peu. Un dernier sursaut me parait encore possible !

Bonnes fêtes, meilleurs vœux et mettez vos ceintures car ça va secouer…

Zouheir
PS : L’atterrissage sera rude. Mais quand les toboggans seront déployés, vous entendrez une belle voix secouée mais suave vous disant « Bienvenues dans le monde de la sobriété (volontaire ou pas) et de la désobéissance responsable (là, vous n’aurez pas le choix) »

PS II : Nous sommes à la croisée des chemins, moment fatidique où l’on doit faire cohabiter deux mondes, deux regards… Charles Dickens le résumait très bien : “It was the best of times, it was the worst of times, it was the age of wisdom, it was the age of foolishness, it was the epoch of belief, it was the epoch of incredulity, it was the season of Light, it was the season of Darkness, it was the spring of hope, it was the winter of despair.” (A Tale of Two Cities)

La basse-cour du roi Nicolas

J’adore ce regard acéré qu’Anne Roumanoff porte sur l’arène politique française de mes d…

Un renard prénommé Nicolas sur une basse-cour régnait.
Mais il était contesté.
Il ne fait pas rentrer assez de blé.
Nous n’avons plus de grains à picorer, se lamentaient les animaux affamés.
Je fais de mon mieux, répondait Nicolas. Sans moi, ça serait pire, croyez-moi.
Il y a une énorme crise mondiale.
Ne l’oubliez pas, c’est infernal.

Beaucoup d’animaux voraces
Rêvaient pourtant de prendre sa place.

A gauche, la vache Martine et la pintade Ségolène
Crurent, un temps, pouvoir devenir reines.

Mais ce fut le pigeon François qui leur fit la nique.
Aidé, malgré lui, par le cochon Dominique,

Qui manqua d’aller à l’abattoir,
Pour avoir culbuté une grande poule noire.

Mais la pire ennemie du roi Nicolas et du pigeon François
Était la fille d’un loup borgne qui avait échoué à devenir roi.

Cette louve à la voix rauque et à la chevelure blonde
Se faisait passer pour une brebis aux yeux du monde.

Elle répétait comme une litanie : «Il faut plus de poulets
Pour renvoyer chez eux les animaux étrangers,
Sans eux, nous serions tellement plus heureux.»

Certains moutons l’écoutaient béats :
«Bêê, elle dit tout haut ce que nous pensons tout bas.»
Le pigeon François, le roi Nicolas, l’ours Mélenchon et la taupe Eva

Faisaient de leur mieux pour éradiquer la terrible maladie
Répandue par la louve déguisée en brebis
Qui avait pour nom haine et démagogie.

Hélas ! à six mois des élections, Personne ne sait encore pour de bon
Qui de la farce sera le dindon

Game is over

Dans la continuité de ma vision de fin du monde (tel qu’on le connait, bien évidemment), je vous ai déniché une perle : Ann Barnhardt, boss de Barnhardt Capital Management, qui nous annonce la fin de la partie. Cette nana, je l’adore. Elle dit tellement bien ce que je pense tout haut:

« It’s over. There is no coming back from this. The only thing that can happen is a total and complete collapse of EVERYTHING we now know, and humanity starts from scratch. And if you think that this collapse is going to play out without one hell of a big hot war, you are sadly, sadly mistaken. »

Le nettoyage par le vide se révèle parfois le seul remède possible à nos maux… malheureusement.

Un rêveur irréaliste…

Dans mon troisième avion de la semaine, et entre deux dodos réparateurs, j’ai relu le discours deHaruki Murakami (écrivain japonais engagé, auteur de « La ballade de l’impossible », « Kafka sur le rivage » et « Chroniques de l’oiseau à ressort »), prononcé il y a quelques mois à Barcelone, lors de la remise du prix international de Catalogne… un discours qui m’a beaucoup touché.

Tout en dénonçant l’usage de l’énergie nucléaire au Japon, Murakami marque son opposition viscérale à l’engrenage de l’efficience qui obnibule nos sociétés, engrenage qui fait perdre l’homme sa dignité, le fait dévaster sa terre et détruire sa propre vie…
« Nous ne devons pas avoir peur de rêver. Nous ne devons jamais laisser ces chiens de malheur qui ont pour nom « efficacité » et « commodité » nous rattraper. Nous devons être des « rêveurs irréalistes » qui avancent d’un pas ferme et décidé »

J’ai retrouvé un autre discours du même Murakami, prononcé cette fois-ci lors de la remise du prix de Jérusalem pour la liberté de l’individu dans la société (2009). Le rêveur irréaliste s’y attaque au Système : «Nous sommes tous des œufs fragiles face à un mur solide. Ce mur a pour nom « le Système ». Il est trop haut, trop solide, trop froid. Si nous avons un quelconque espoir de gagner, il ne peut provenir que de notre foi dans le caractère unique et irremplaçable de nos âmes et de la chaleur que l’on obtient en les unissant »

Ce mur est ma hantise.

Ce mur me fait chier…

Chapeau l’artiste…

Narcissisme intellectuel…

Rares sont les articles qui ont pu me donner l’envie irrésistible de les colporter… Ces derniers temps, trois ont, cependant, réussi cet exploit. Mais si je le fais, c’est par pur narcissisme intellectuel. C’est, en quelque sorte, ma façon de m’auto-mousser, en me disant « voilà des personnes illustres qui écrivent merveilleusement bien ce que je pense ». Avoir Augagneur, Todorov et LaTour comme « nègres », c’est quand même le pied !

Le premier, « Le genre humain menacé » (Le Monde du 3/4/2011), est dû à Michel Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur, et traite de la nécessité de transformer rapidement nos sociétés afin de composer avec les défis écologiques et leurs conséquences sociales et politiques. Leur verdict est grave : « Lorsque l’effondrement de l’espèce apparaîtra comme une possibilité envisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus, lents et complexes, de délibération. Pris de panique, l’Occident transgressera ses valeurs de liberté et de justice »

Le second, « La tyrannie de l’individu » (Le Monde du 27/3/2011), est de Tzvetan Todorov, historien des idées et essayiste. Il y analyse le passage du tout-Etat totalitaire au tout-individu ultralibéral, ou comme il dit « d’un régime liberticide à un autre, d’esprit « sociocide » », pour arriver au constat accablant suivant : « La tyrannie des individus est certainement moins sanglante que celle des Etats ; elle est pourtant, elle aussi, un obstacle à une vie commune satisfaisante »

Enfin, le troisième, « En attendant Gaïa, ou comment l’homme a changé la Terre » (Libé du 29/6/2011), nous le devons à Bruno LaTour, philosophe et anthropologue. Il y aborde la portée de notre action sur l’ensemble de la biosphère, et l’urgence de changer de trajectoire. Je ne peux m’empêcher d’en archiver quelques extraits choisis :
« Comme un anneau de Moebius, cette Terre qui semblait nous contenir, nous la contenons à notre tour par l’étendue même de nos actions. « Gaïa » est le nom que certains savants donnent à ce ruban ou plutôt à ce nœud coulant qui nous étranglera avant que nous ne l’étranglions. […] D’autres nous demandent de décroître, en tous cas de nous faire plus petits, plus discrets, ce qui reviendra à plier notre taille de géant pour devenir une sorte d’Atlas modeste et frugal. Ce qui revient à nous demander d’abandonner nos ambitions, nos espoirs de conquête, notre goût pour l’artifice et l’innovation, sans oublier cette volonté qui fut si belle de nous émanciper enfin de toutes nos chaînes. […] Et dans cet apprentissage impossible il faut entrer vite, car on assure que Gaïa ne nous laissera pas beaucoup de temps. Certains affirment même qu’elle nous ferait la guerre. Les guerres nous connaissons, mais comment croire qu’on peut gagner celle-là ? Si nous gagnons contre elle, nous perdons et si nous perdons, nous perdons encore ! Drôle de guerre vraiment. »

 

Le genre humain, menacé
Le Monde du 3/4/2011 p.18 Décryptages-Débats

Il sera bientôt trop tard pour remédier aux catastrophes écologiques et à leurs conséquences sociales et politiques.

Une information fondamentale publiée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) est passée totalement inaperçue : le pic pétrolier s’est produit en 2006. Alors que la demande mondiale continuera à croître avec la montée en puissance des pays émergents (Chine, Inde et Brésil), la production de pétrole conventionnel va connaître un déclin inexorable après avoir plafonné. La crise économique masque pour l’heure cette réalité.
Mais elle obérera tout retour de la croissance. La remontée des coûts d’exploration-production fera naître des tensions extrêmement vives. L’exploitation du charbon et des réserves fossiles non conventionnelles exigera des investissements lourds et progressifs qui ne permettront guère de desserrer l’étau des prix à un horizon de temps proche. Les prix de l’énergie ne peuvent ainsi que s’affoler.

Le silence et l’ignorance d’une grande partie de la classe politique sur ce sujet ne sont guère plus rassurants. Et cela sans tenir compte du fait que nous aurons relâché et continuerons à dissiper dans l’atmosphère le dioxyde de carbone stocké pendant des millénaires… Chocs pétroliers à répétition jusqu’à l’effondrement et péril climatique. Voilà donc ce que nous préparent les tenants des stratégies de l’aveuglement. La catastrophe de Fukushima alourdira encore la donne énergétique.

De telles remarques génèrent souvent de grands malentendus. Les objections diagnostiquent et dénoncent aussitôt les prophètes de malheur comme le symptôme d’une société sur le déclin, qui ne croit plus au progrès. Ces stratégies de l’aveuglement sont absurdes. Affirmer que notre époque est caractérisée par une  » épistémophobie  » ou la recherche du risque zéro est une grave erreur d’analyse, elle éclipse derrière des réactions aux processus d’adaptation la cause du bouleversement.

Ce qui change radicalement la donne, c’est que notre vulnérabilité est désormais issue de l’incroyable étendue de notre puissance. L' » indisponible  » à l’action des hommes, le tiers intouchable, est désormais modifiable, soit par l’action collective (nos consommations cumulées) soit par un individu isolé ( » biohackers « ). Nos démocraties se retrouvent démunies face à deux aspects de ce que nous avons rendu disponible : l’atteinte aux mécanismes régulateurs de la biosphère et aux substrats biologiques de la condition humaine.
Cette situation fait apparaître  » le spectre menaçant de la tyrannie  » évoqué par le philosophe allemand Hans Jonas. Parce que nos démocraties n’auront pas été capables de se prémunir de leurs propres excès, elles risquent de basculer dans l’état d’exception et de céder aux dérives totalitaristes.

Prenons l’exemple de la controverse climatique. Comme le démontre la comparaison entre les études de l’historienne des sciences Naomi Oreskes avec celles du politologue Jules Boykoff, les évolutions du système médiatique jouent dans cette affaire un rôle majeur. Alors que la première ne répertoria aucune contestation directe de l’origine anthropique du réchauffement climatique dans les revues scientifiques peer reviewed ( » à comité de lecture « ), le second a constaté sur la période étudiée que 53 % des articles grand public de la presse américaine mettaient en doute les conclusions scientifiques.

Ce décalage s’explique par le remplacement du souci d’une information rigoureuse par une volonté de flatter le goût du spectacle. Les sujets scientifiques complexes sont traités de façon simpliste (pour ou contre). Ceci explique en partie les résultats de l’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pilotée par Daniel Boy sur les représentations sociales de l’effet de serre démontrant un sérieux décrochage du pourcentage de Français attribuant le dérèglement climatique aux activités humaines (65 % en 2010, contre 81 % en 2009). Ces dérives qui engendrent doute et scepticisme au sein de la population permettent aux dirigeants actuels, dont le manque de connaissance scientifique est alarmant, de justifier leur inaction.

Le sommet de Cancun a sauvé le processus de négociation en réussissant en outre à y intégrer les grands pays émergents. Mais des accords contraignants à la hauteur de l’objectif des seconds sont encore loin. S’il en est ainsi, c’est parce que les dirigeants de la planète (à l’exception notable de quelques-uns) ont décidé de nier les conclusions scientifiques pour se décharger de l’ampleur des responsabilités en jeu. Comment pourraient-ils à la fois croire en la catastrophe et ne rien faire, ou si peu, pour l’éviter ?
Enfermée dans le court terme des échéances électorales et dans le temps médiatique, la politique s’est peu à peu transformée en gestion des affaires courantes. Elle est devenue incapable de penser le temps long. Or la crise écologique renverse une perception du progrès où le temps joue en notre faveur. Parce que nous créons les moyens de l’appauvrissement de la vie sur terre et que nous nions la possibilité de la catastrophe, nous rendons celle-ci crédible.

Il est impossible de connaître le point de basculement définitif vers l’improbable ; en revanche, il est certain que le risque de le dépasser est inversement proportionnel à la rapidité de notre réaction. Nous ne pouvons attendre et tergiverser sur la controverse climatique jusqu’au point de basculement, le moment où la multiplication des désastres naturels dissipera ce qu’il reste de doute. Il sera alors trop tard. Lorsque les océans se seront réchauffés, nous n’aurons aucun moyen de les refroidir.

La démocratie sera la première victime de l’altération des conditions universelles d’existence que nous sommes en train de programmer. Les catastrophes écologiques qui se préparent à l’échelle mondiale dans un contexte de croissance démographique, les inégalités dues à la rareté locale de l’eau, la fin de l’énergie bon marché, la raréfaction de nombre de minéraux, la dégradation de la biodiversité, l’érosion et la dégradation des sols, les événements climatiques extrêmes… produiront les pires inégalités entre ceux qui auront les moyens de s’en protéger, pour un temps, et ceux qui les subiront. Elles ébranleront les équilibres géopolitiques et seront sources de conflits.

L’ampleur des catastrophes sociales qu’elles risquent d’engendrer a, par le passé, conduit à la disparition de sociétés entières. C’est, hélas, une réalité historique objective. A cela s’ajoutera le fait que des nouvelles technologies de plus en plus facilement accessibles fourniront des armes de destruction massive à la portée de toutes les bourses et des esprits les plus tourmentés.

Lorsque l’effondrement de l’espèce apparaîtra comme une possibilité envisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus, lents et complexes, de délibération. Pris de panique, l’Occident transgressera ses valeurs de liberté et de justice. Pour s’être heurtées aux limites physiques, les sociétés seront livrées à la violence des hommes. Nul ne peut contester a priori le risque que les démocraties cèdent sous de telles menaces.
Le stade ultime sera l’autodestruction de l’existence humaine, soit physiquement, soit par l’altération biologique. Le processus de convergence des nouvelles technologies donnera à l’individu un pouvoir monstrueux capable de faire naître des sous-espèces. C’est l’unité du genre humain qui sera atteinte. Il ne s’agit guère de l’avenir, il s’agit du présent. Le cyborg n’est déjà plus une figure de style cinématographique, mais une réalité de laboratoire, puisqu’il est devenu possible, grâce à des fonds publics, d’associer des cellules neuronales humaines à des dispositifs artificiels.

L’idéologie du progrès a mal tourné. Les inégalités planétaires actuelles auraient fait rougir de honte les concepteurs du projet moderne, Bacon, Descartes ou Hegel. A l’époque des Lumières, il n’existait aucune région du monde, en dehors des peuples vernaculaires, où la richesse moyenne par habitant aurait été le double d’une autre. Aujourd’hui, le ratio atteint 1 à 428 (entre le Zimbabwe et le Qatar).
Les échecs répétés des conférences de l’ONU montrent bien que nous sommes loin d’unir les nations contre la menace et de dépasser les intérêts immédiats et égoïstes des Etats comme des individus. Les enjeux, tant pour la gouvernance internationale et nationale que pour l’avenir macroéconomique, sont de nous libérer du culte de la compétitivité, de la croissance qui nous ronge et de la civilisation de la pauvreté dans le gaspillage.

Le nouveau paradigme doit émerger. Les outils conceptuels sont présents, que ce soit dans les précieux travaux du Britannique Tim Jackson ou dans ceux de la Prix Nobel d’économie 2009, l’Américaine Elinor Ostrom, ainsi que dans diverses initiatives de la société civile.
Nos démocraties doivent se restructurer, démocratiser la culture scientifique et maîtriser l’immédiateté qui contredit la prise en compte du temps long. Nous pouvons encore transformer la menace en promesse désirable et crédible. Mais si nous n’agissons pas promptement, c’est à la barbarie que nous sommes certains de nous exposer.

Pour cette raison, répondre à la crise écologique est un devoir moral absolu. Les ennemis de la démocratie sont ceux qui remettent à plus tard les réponses aux enjeux et défis de l’écologie.

(Michel Rocard, Dominique Bourg, Floran Augagneur)

 

La tyrannie de l’individu
Article paru dans l’édition du 27.03.11 Le Monde

Pour qu’un pouvoir soit légitime, il ne suffit pas de savoir comment il a été conquis (par exemple par des élections libres ou par un coup d’Etat), encore faut-il voir de quelle manière il est exercé. Il y a bientôt trois cents ans, Montesquieu avait formulé une règle pour guider notre jugement : « Tout pouvoir sans bornes ne saurait être légitime », écrivait-il.

Les expériences totalitaires du XXe siècle nous ont rendus particulièrement sensibles aux méfaits d’un pouvoir illimité de l’Etat, capable de contrôler chaque acte de chaque citoyen. En Europe, ces régimes appartiennent au passé, mais, dans les pays démocratiques, nous restons sensibles aux interférences du gouvernement dans les affaires judiciaires ou la vie des médias, car cela a pour effet de supprimer toute limite posée à son pouvoir. Les attaques répétées menées par le président français ou par le premier ministre italien contre les magistrats et les journalistes sont une illustration de ce danger.

Cependant, l’Etat n’est pas le seul détenteur de pouvoirs au sein d’une société. En ce début du XXIe siècle, en Occident, l’Etat a perdu une bonne partie de son prestige, alors que le pouvoir étendu que détiennent certains individus, ou groupes d’individus, est devenu à son tour une menace. Elle passe pourtant inaperçue, car ce pouvoir se pare d’un beau nom, dont tout un chacun se réclame : celui de liberté. La liberté individuelle est une valeur qui monte, les défenseurs du bien commun paraissent aujourd’hui archaïques.

On voit facilement comment s’est produit ce renversement dans les pays ex-communistes d’Europe de l’Est. L’intérêt collectif y est aujourd’hui frappé de suspicion : pour cacher ses turpitudes, le régime précédent l’avait invoqué si souvent que plus personne ne le prend au sérieux, on n’y voit qu’un masque hypocrite. Si le seul moteur du comportement est de toute façon la recherche de profit et la soif de pouvoir, si le combat impitoyable et la survie du plus apte sont les dures lois de l’existence, autant cesser de faire semblant et assumer ouvertement la loi de la jungle. Cette résignation explique pourquoi les anciens apparatchiks communistes ont su revêtir, avec une facilité déconcertante, les habits neufs de l’ultralibéralisme.

A des milliers de kilomètres de là, aux Etats-Unis, dans un contexte historique entièrement différent, s’est développé depuis peu le mouvement du Tea Party, dont le programme loue à son tour la liberté illimitée des individus et rejette tout contrôle gouvernemental ; il exige de réduire drastiquement les impôts et toute autre forme de redistribution des richesses. Les seules dépenses communes qui trouvent grâce aux yeux de ses partisans concernent l’armée et la police, c’est-à-dire encore la sécurité des individus. Quiconque s’oppose à cette vision du monde est traité de cryptocommuniste ! Ce qui est paradoxal, c’est qu’elle se réclame de la religion chrétienne, alors que celle-ci, en accord avec les autres grandes traditions spirituelles, recommande le souci pour les faibles et les miséreux.

On passe, dans ces cas, d’un extrême à l’autre, du tout-Etat totalitaire au tout-individu ultralibéral, d’un régime liberticide à un autre, d’esprit « sociocide », si l’on peut dire. Or le principe démocratique veut que tous les pouvoirs soient limités : non seulement ceux des Etats, mais aussi ceux des individus, y compris lorsqu’ils revêtent les oripeaux de la liberté.

La liberté qu’ont les poules d’attaquer le renard est une plaisanterie, car elles n’en ont pas la capacité ; la liberté du renard est dangereuse parce qu’il est le plus fort. A travers les lois et les normes qu’il établit, le peuple souverain a bien le droit de restreindre la liberté de tous. Cette limitation n’affecte pas toute la population de la même manière : idéalement, elle restreint ceux qui ont déjà beaucoup de pouvoir et protège ceux qui en ont très peu.

Le pouvoir économique est le premier des pouvoirs qui reposent entre les mains des individus. L’entreprise a pour but de générer des profits pour ses détenteurs, sans quoi elle est condamnée à disparaître. Mais en dehors de leurs intérêts particuliers, les habitants du pays ont aussi des intérêts communs, auxquels les entreprises ne contribuent pas spontanément. C’est à l’Etat qu’il incombe de dégager les ressources nécessaires pour prendre soin de l’armée et de la police, mais aussi de l’éducation et de la santé, de l’appareil judiciaire et des infrastructures. Ou encore de la protection de la nature : la fameuse main invisible attribuée à Adam Smith ne sert pas à grand-chose dans ce cas. On l’a vu au cours de la marée noire dans le golfe du Mexique, au printemps 2010 : laissées sans contrôle, les compagnies pétrolières choisissent les matériaux de construction peu chers et donc peu fiables.

Face au pouvoir économique démesuré que détiennent les individus ou les groupes d’individus, le pouvoir politique se révèle souvent trop faible. Aux Etats-Unis, au nom de la liberté d’expression illimitée, la Cour suprême a autorisé le financement par les entreprises des candidats aux élections ; concrètement, cela signifie que ceux qui disposent de plus d’argent peuvent imposer les candidats de leur choix.
Le président du pays, assurément l’un des hommes les plus puissants de la planète, a dû renoncer à promouvoir une réforme juste de l’assurance médicale, à réglementer l’activité des banques, à diminuer les dégâts écologiques causés par le mode de vie de ses concitoyens.

Dans les pays européens, il arrive fréquemment que les gouvernements se mettent au service des puissances d’argent, donnant lieu à une nouvelle oligarchie politico-économique qui gère les affaires communes dans l’intérêt de quelques particuliers. Ou encore que les ministres en exercice se comportent en individus intéressés, en acceptant que des tiers paient leurs vacances…

La liberté d’expression est présentée parfois comme le fondement de la démocratie, qui pour cette raison ne doit connaître aucun frein. Mais peut-on dire qu’elle est indépendante du pouvoir dont on dispose ? Il ne suffit pas d’avoir le droit de s’exprimer, encore faut-il en avoir la possibilité ; en son absence, cette « liberté » n’est qu’un mot creux. Toutes les informations, toutes les opinions ne sont pas acceptées avec la même facilité dans les grands médias du pays. Or la libre expression des puissants peut avoir des conséquences funestes pour les sans-voix : nous vivons dans un monde commun. Si l’on a la liberté de dire que tous les Arabes sont des islamistes inassimilables, ils n’ont plus celle de trouver du travail ni même de marcher dans la rue sans être contrôlés.

La parole publique, un pouvoir parmi d’autres, doit parfois être limitée. Où trouver le critère permettant de distinguer les bonnes limitations des mauvaises ? Entre autres, dans le rapport de pouvoir entre celui qui parle et celui dont on parle. On n’a pas le même mérite selon qu’on s’attaque aux puissants du jour ou que l’on désigne au ressentiment populaire un bouc émissaire. Un organe de presse est infiniment plus faible que l’Etat, il n’y a donc aucune raison de limiter sa liberté d’expression lorsqu’il le critique, pourvu qu’il la mette au service de la vérité.

Quand le site Mediapart révèle une collusion entre puissances d’argent et responsables politiques, son geste n’a rien de « fasciste », quoi qu’en disent ceux qui se sentent visés. Les « fuites » de WikiLeaks notamment publié par Le Monde n’ont rien de totalitaire : les régimes communistes rendaient transparente la vie de faibles individus, pas celle de l’Etat. En revanche, un organe de presse est plus puissant qu’un individu, et le « lynchage médiatique » est un abus de pouvoir.

Les défenseurs de la liberté d’expression illimitée ignorent la distinction entre puissants et impuissants, ce qui leur permet de se couvrir eux-mêmes de lauriers. Le rédacteur du journal danois Jyllands-Posten, qui avait publié en 2005 l’ensemble des caricatures de Mahomet, revient sur l’affaire cinq ans plus tard et se compare modestement aux hérétiques du Moyen Age brûlés sur le bûcher, à Voltaire pourfendeur de l’Eglise toute-puissante ou aux dissidents réprimés par la police soviétique. Décidément, la figure de la victime exerce aujourd’hui une attraction irrésistible ! Le journaliste oublie, ce faisant, que les courageux praticiens de la liberté d’expression se battaient contre les détenteurs du pouvoir spirituel et temporel de leur temps, non contre une minorité discriminée.

Poser des bornes à la liberté d’expression signifie non plaider pour l’instauration de la censure, mais faire appel à la responsabilité des maîtres des médias. La tyrannie des individus est certainement moins sanglante que celle des Etats ; elle est pourtant, elle aussi, un obstacle à une vie commune satisfaisante. Rien ne nous oblige à nous enfermer dans le choix entre « tout-Etat » et « tout-individu » : nous avons besoin de défendre les deux, chacun limitant les abus de l’autre.

(Tzvetan Todorov)