Branlez-vous les ami(e)s ! C’est bon pour le PIB.

Un récent article du Monde (« Sexe, drogue et trafics en tout genre bientôt dans le PIB européen », Le Monde.fr | 06.06.2014 | Par Mathilde Damgé et Samuel Laurent) évoquait l’intégration imminente de l’ensemble de l’économie souterraine dans le PIB européen.
L’information du Monde aurait dû passer comme une lettre à la poste, tant elle reflète la tendance généraliser à tout monétiser… Moi, elle m’est restée au travers de la gorge.

Il y a quelques jours, j’apprenais déjà que, grâce à l’idée « géniale » d’une société californienne, les individus portant des Google Glass pourront être suivis en direct en échange d’un paiement. Ainsi, le simple fait de se balader avec ces fameuses lunettes et de monétiser sa propre vision, serait une création de richesse qui viendrait gonfler le PIB mondial…

Quand la croissance n‘est plus là, on va la chercher avec les dents (dixit un nain aux grandes oreilles et aux talons compensés que je connais mais qui ne me manque guère)… et ne me parlez pas d’éthique après ça… Aujourd’hui, on intègre la prostitution comme un service. Demain ça sera le tour à la branlette. Après tout ce n’est qu’un service que j’offre à moi-même, à l’exemple du « Imputed Rent » qui reflète la valeur locative du logement occupé par son propre propriétaire et qui rentre dans le PIB des Etats-Unis.

On va valoriser une branlette à un prix d’amis : 10€ / branlette au taux horaire d’un professionnel du sexe.  Avec juste une branlette par semaine, pour 20 millions de Français(es) seulement (ceux et celles qui ont en encore l’envie / la capacité / le temps), on crée une richesse de quelques 10 Mld. Et HOP, on a 0.5 point de PIB de plus, qu’on sort de nulle part… si si de nos bourses ! Augmenter la cadence sera alors un acte de patriotisme économique, une façon de participer (avec ses tripes) à l’effort de guerre…

Espérons juste qu’on ne commence pas à nous taxer sur nos p’tites branlettes innocentes, comme l’Imputed Rent l’est dans certains pays…

Bon, c’était plus fort que moi… Le passage de minuit ne me réussit guère. Il fallait absolument que je vous en parle, que je me vide… la tête.

Chroniques de la Fin d’un Monde – Acte II

« Le cochon offre de nombreux points de comparaison avec un autre mammifère sans poils passé expert dans l’art de semer la merde et de se vautrer dedans. » (Desproges)

Cette année, j’ai décidé d’être un peu plus optimiste que d’habitude… Si, si, j’ai enfin réussi à canaliser mes tendances suicidaires.  Il faut dire que le flot de mauvaises nouvelles semble se tarir. Il n’y en plus que des bonnes.

Il y a, au moins, treize raisons de baigner dans l’optimisme :

  • Nicolas Sarkozy, notre serial-sauver national, nous a sauvés de la faillite. Et comme dirait Stéphane Guillon « Sans lui la France serait la Grèce, on mangerait de la feta, on écouterait du Demis Roussos et Nikos Aliagas serait Premier Ministre ».
  • Les ventes de caleçons flottants se porteraient très mal. Cette information tombe à pic. Je viens d’en jeter le dernier. Ses trous sont devenus trop nombreux pour qu’il puisse continuer à assurer sa mission naturelle. Sa tendance fâcheuse à se mettre en boule sous le pantalon le rendait irritant, et les bourrelets qui en découlaient disgracieux. Il est devenu tellement avachi que je ne pouvais plus me balader avec à la maison sans me faire flinguer par le regard dédaigneux de ma fille, me traitant implicitement, du haut de ses 7 ans, de « has been ». Grâce à une étude du magazine M (Le Monde), j’ai appris qu’en portant un caleçon moulant, je suis devenu « trendy » sans vraiment le vouloir. Il faut dire qu’il est spécialement mis en valeur par mon ventre musclé et mes pectoraux harmonieux (Et que ceux qui savent, se taisent à jamais…). Après le slip, le string (imaginez-moi en string) et le caleçon, et afin de rester dans le « move », je me prépare psychologiquement à me mettre au « megging », comme ce bon vieux Louis XIV. Ma photo sera bientôt surhttp://fuckyeahmeggings.tumblr.com/… Qui m’aime me suive !
  • Les riches exigent de payer plus d’impôts (pas tous… Certains se font la malle). J’ai adoré Stephen King (le maître de l’horreur) dans sa tribune poétiquement intitulée « Taxez-moi, merde ! » :  “I’ve known rich people, and why not, since I’m one of them? The majority would rather douse their dicks with lighter fluid, strike a match, and dance around singing ‘Disco Inferno’ than pay one more cent in taxes to Uncle Sugar.” Traduction approximative : « J’ai connu des gens riches, et pour cause, je suis l’un deux… La plupart préféreraient tremper leurs bites (excusez la traduction brute de coffrage) dans de l’essence, craquer une allumette et danser autour en chantant ‘Disco inferno’ plutôt que de payer un centime de plus à l’Oncle ‘Sucre’. »
  • Georges Friedmann, Hannah Arendt, et plus récemment Jeremy Rifkin (et même Michel Rocard), ont abordé le thème de la fin du travail dans le contexte d’une productivité en croissance constante et d’une croissance (quand elle n’est pas en berne) sans emploi. Youpi, on y est ! Nous sommes partis pour des années de croissance molle. Le travail de masse s’achève. Le plein-emploi est une relique du passé. J’entends le poète grec Antipatros entonne son hymne à l’oisiveté « Épargnez le bras qui fait tourner la meule, ô meunières, et dormez paisiblement! Que le coq vous avertisse en vain qu’il fait jour! ». Et que les inconditionnels défenseurs de la transcendante centralité du travail tremblent de rage!
  • D’après une étude de la revue Nature (« Approaching a state-shift in Earth’s biosphere »), mettant en avant l’accélération des changements climatiques et des pertes en termes de biodiversité, l’environnement terrestre pourrait franchir un point de non-retour avant la fin du siècle. Les écosystèmes de la planète pourraient connaître un effondrement total et irréversible d’ici 2100. Selon l’étude, 12 % à 39 % de la surface du globe connaitrait, sous la pression humaine, des conditions qui n’ont jamais été connues auparavant par les organismes vivants. La fulgurance de ce changement (à l’échelle du temps planétaire) empêcherait les écosystèmes de s’y adapter. Un des auteurs de l’étude résume la situation ainsi : « La planète ne possède pas la mémoire de son état précédent. Nous prenons un énorme risque à modifier le bilan radiatif de la Terre : faire basculer brutalement le système climatique vers un nouvel état d’équilibre auquel les écosystèmes et nos sociétés seront incapables de s’adapter. ». La bonne nouvelle est qu’en 2100, je ne serai plus là… L’autre bonne nouvelle (je vous ai dit qu’il y en a plein) est qu’avec un peu de chance, nous serons sauvés par l’empathie qui nous habite. J. Rifkin (le même qui nous parlait de la fin du travail) suggère dans son dernier livre que notre empathie naturelle pourrait rétablir l’équilibre menacé par l’entropie générée par notre espèce. « Si la nature humaine est matérialiste jusqu’à la moelle – égoïste, utilitariste, hédoniste -, on ne peut guère espérer résoudre la contradiction empathie-entropie. Mais si au plus profond, elle nous prédispose à (…) l’élan empathique, il reste au moins possible d’échapper au dilemme, de trouver un ajustement qui nous permette de rétablir un équilibre durable avec la biosphère  ». Me voilà rassuré…
  • Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. La crise n’est plus qu’un mauvais souvenir. La preuve : Gangnam Style, le clip déjanté du rappeur sud-coréen Psy (dans lequel il mime une danse du cheval) a franchi la barre symbolique du milliard de connexions Youtube. « Y’a des aristocrates et des parvenus, dans la connerie comme dans le reste. » (Audiard, Comment réussir quand on est con et pleurnichard – 1974). Dans tous les cas, la connerie humaine semble au top de son audience…
  • Une nouvelle étude menée, entre 1989 et 2005 en France, et portant sur plus de 26 000 hommes, montre un déclin spectaculaire (32%) de la concentration en spermatozoïdes du sperme, ainsi que de sa qualité (réduction 33%, de la proportion des spermatozoïdes de forme normale). Autrement dit, nos spermatozoïdes ne collent plus au canon de beauté du moment (imaginez les avec des boutons d’acné et des piercings sur la langue, les tétons et la queue) et se font plus rares là où on les attend normalement. C’est sûrement une crise d’adolescence doublée de tendances gothiques prononcées…  La bonne nouvelle c’est que j’ai déjà réussi, contre vents et marées, à procréer.  La seconde bonne nouvelle est qu’enfin, nous ferons l’amour sans aucune arrière-pensée primitive (de celles héritées de dizaines de milliers d’années d’évolution). Le tout, en épargnant à la Sécurité Sociale le coût superflu des moyens de contraception de tous genres (ce qui tombe plutôt pas mal compte tenu des soucis qu’on connait avec les pilules de 3ème et 4ème générations).
  • En attendant de pouvoir s’envoyer en l’air sans arrières-pensées procréatrices, sachez que les voyages en apesanteur se démocratisent : Dernièrement, l’agence spatiale française a fixé mars 2013 pour le démarrage de ses vols commerciaux de 2 h 30, comprenant cinq minutes d’apesanteur cumulées, pour 6 000 euros par personne. Pour ceux qui voudraient monter un peu plus haut et quitter l’atmosphère terrestre, Virgin Galactic fera leur bonheur : Un vol allant à 110 km au-dessus du sol, 6 minutes d’apesanteur, pour à peine 200 000 euros. Bonne nouvelle : la connerie humaine ne se refuse rien… Et « le jour où la connerie se vendra en tubes, il y en a qui seront les premiers à s’offrir une brosse à dents. » (Audiard)
  • Il n’y a pas que l’apesanteur qui se démocratise. La pauvreté aussi. Tout va bien quand on est tous dans la mouise… « Il paraît (même) que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise. Depuis que je suis petit, c’est comme ça » (Coluche). La pauvreté concerne désormais des groupes sociaux préservés jusqu’ici par des mécanismes de solidarité familiale qui vacillent. Des millions de foyers sont rattrapés par le chômage de masse (on ne peut le dire autrement quand le quart de la population active est sans taf), le surendettement,  l’austérité implacable et les coupes drastiques dans les dépenses publiques d’éducation et de santé.  Les pays les riches couvent les ingrédients d’une crise sociale majeure, couplée à un traumatisme collectif. Et« quand les riches maigrissent, les pauvres meurent » (Proverbe chinois).
  • La polygamie sera bientôt proclamée « action d’utilité publique ». On discernera la légion d’honneur aux activistes polygames (car il faut être un révolutionnaire de la première heure pour tremper dans la polygamie). En Grèce, le taux de suicide a doublé au cours des trois dernières années, les trois-quarts des suicides étant commis par des hommes. Rien d’étonnant puisque que les hommes continuent à fonder leur identité, leur valeur, leur virilité, sur le travail. Bientôt, il y aura trop peu de mecs sur terre. C’est une bonne nouvelle en soi (il y aura moins de pipi sur les lunettes des chiottes).
  • Le transfert de technologie s’inverse et devient Sud-Nord. Par ce temps de crise, la Tunisie a réussi à exporter son savoir-faire en techniques suicidaires.  Giuseppe Campaniello, un maçon au chômage de Bologne, poursuivi pour ne pas avoir payé ses impôts, a opté pour l’immolation par le feu.
  • Sur l’île des Lotophages, le tourisme sexuel se porte à merveille. Les cougars sont en terrain conquis. La prostitution masculine est un métier d’avenir à condition de ne pas faire la fine bouche. Ce matin même, j’ai pu contempler ce business en plein essor : Une magnifique blonde d’un certain âge (mais d’un âge certain), aussi fripée qu’un Shar Pei, stand ambulant de la chirurgie esthétique ratée, au bras d’un jeunot (j’aurais pu dire un éphèbe, mais vous auriez pu le croire beau),  ayant le tiers de son âge, aux cheveux gominés et à la dentition jaune fluo. A Djerba, les films d’horreur se déroulent en pleine rue… Je me dis qu’il faut se prostituer un coup pour voir ce que le dévouement professionnel peut nous faire gober.
  • Etre un homme battu n’est plus un tabou. Les hommes violentés psychologiquement, physiquement et même parfois sexuellement par leurs femmes peuvent enfin s’adresser à SOS Hommes battus, association créée en 2009 par (paradoxalement ?) une femme : Sylvianne Spitzer, psychologue et experte en criminologie.  J’ai démarré mes recherches sur le sujet il y a quelques mois, suite à des discussions enflammées avec ma femme sur (devinez quoi !) les hommes violés. J’ai été ahuri par les chiffres disponibles aux Etats-Unis, au Canada, en Suisse et depuis peu en France. Près de 10 % des hommes seraient victimes de violences conjugales (et je n’en fais pas partie…). Outre le blog de l’association et le rapport de l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales, je vous invite à consulter les ouvrages de Sophie Torrent (L’Homme battu, un tabou au cœur du tabou) et de la psycho-criminologue Michèle Agrapart-Delmas (Femmes Fatales) où l’on apprend « qu’à la maison d’arrêt de Rennes, qui est exclusivement pour femmes, il y aurait 25% de femmes agresseurs sexuels impliquées dans des actes de pédophilie, d’inceste, mais aussi de viol sur d’autres femmes ou sur des hommes adultes. »

Desproges disait : « Il faut rire de tout. C’est extrêmement important. C’est la seule humaine façon de friser la lucidité sans tomber dedans ».

Mais n’oubliez pas : « le rire n’est jamais gratuit, l’homme donne à pleurer, mais il prête à rire ».

En 2012, l’apocalypse n’a pas eu lieu mais nous avons changé de monde. Nous avons fait un pas supplémentaire vers l’abîme salvateur, la culbute finale. Les banquiers centraux ont opté pour la politique de « l’open bar » en termes de stimulations, d’injections monétaires et d’accès aux liquidités, en espérant revoir le consommateur au bar, buvant  au goulot comme s’il n’y avait pas de demain. Or, se soûler n’a jamais été la solution. Et nos banquiers à la noix l’apprendront à leurs dépens. Nous vivons en ce moment la plus grosse bulle de dette (publique et privée) jamais connue par l’humanité. Son implosion fera de la crise de 2008 une sinécure (« a Sunday picnic », comme disent nos amis anglais). Les stimulations de tous genres ne font que tenir la bulle à bout de bras, à repousser l’échéance fatidique mais ne pourront en aucun cas apporter une solution durable. Ludwig von Mises le disait tellement bien : « There is no means of avoiding the final collapse of a boom brought about by credit expansion. The alternative is only whether the crisis should come sooner as a result of the voluntary abandonment of further credit expansion, or later as a final and total catastrophe of the currency system involved. »

Ca fait des années que je vous tanne avec le désencombrement, la sobriété heureuse, la décroissance volontaire. Durant ces années, je me suis enrichit de ce dont je me suis allégé. J’ai irrité (et le mot est gentil) ma femme avec mes tendances monomaniaques à scruter nos habitudes, à évaluer chaque besoin et à raisonner chaque envie. Les cinq R de « Refuse – Reduce – Reuse – Recycle – Rot » (refuser, réduire, réutiliser, recycler, composter) deviennent soulantes, à la longue. Mais stoïque a été ma femme…

En combattant le superflu, en le réduisant à sa plus simple expression (car, même quand il n’y en a plus, il y en a encore un peu), les traits de la vie deviennent plus discernables. La vie elle-même devient plus éclatante, une fois débarrassée de ce brouillard consumériste qui l’enveloppe. Nombreux sont ceux qui se cachent encore derrière les nouvelles tendances de recyclage et d’écoconception, acquérant  ainsi un « permis à consommer », voire à surconsommer. Le recyclage ne sera jamais la panacée. La sobriété volontaire si.

Contrairement au fameux « Il faut que tout change pour que rien ne change » de l’écrivain Giuseppe Tomasi (prince de Lampedusa), on navigue à vue en chantonnant  « Il faut que rien ne change pour que rien ne change ». C’est beaucoup plus simple, plus rassurant mais infiniment plus déprimant.

Le National Intelligence Council (NIC), la branche analytique et prospective des services de renseignement américains vient de pondre son rapport « Global Trends 2030 », projetant le monde de 2030 en termes de limitation des ressources, de pression démographique (avec son lot de défis environnementaux, climatiques et alimentaires et de tensions sur les ressources en eau et en matières premières) et de facteurs potentiels d’instabilité. Le rapport dessine une planète physiquement limitée, vieillissante et soumise à une urbanisation tous azimuts.  Il met en évidence des similitudes entre le monde d’aujourd’hui et celui des grandes transitions de l’Histoire : la fin de l’empire napoléonien en 1815, les lendemains des grandes guerres (1919 et 1945) et la chute du mur de Berlin en 1989 (J’aurais bien volontiers rajouté la chute de l’empire romain d’Occident en 476). A chaque fois, le monde a été à la croisée des chemins. A chaque fois, l’option retenue a façonné le monde sur des décennies.  De ce rapport, j’ai retenu deux points pour vous :

  1. l’urbanisation croissante « a conduit à des réductions drastiques des forêts, des changements négatifs dans le contenu nutritif et la composition microbienne des sols, des altérations dans la diversité des plantes et animaux supérieurs (incluant des extinctions locales) ainsi que des changements dans la disponibilité et la qualité de l’eau douce. »
  2. Les rendements agricoles s’améliorent certes mais à un rythme qui ne compense guère l’augmentation des besoins alimentaires de la population mondiale. « Au cours de sept des huit dernières années, le monde a consommé plus de nourriture qu’il n’en a produit. Une grande étude internationale estime qu’en 2030, les besoins annuels en eau atteindront 6 900 milliards de mètres cubes, soit 40 % de plus que les ressources durables actuelles. »

Bon… je pense que vous avez reçu le message 5/5. Tout va bien dans le meilleur des mondes.

Entre temps, nos p’tits lutins (voir mon billet de l’année dernière :http://tingitingi.canalblog.com/archives/2012/01/03/23145266.html ) ont survécu tant bien que mal à la crise. Les lutins banquiers ont fait passer leurs soucis de solvabilité pour de simples problèmes de liquidité. Ils ont eu alors accès à l’open bar du lutin super-banquier, qui s’est contenté de faire tourner la planche à billets à donf, le tout avec la bénédiction des lutins tchatcheurs-politicards. Et vu qu’ils maitrisent l’art du larmoiement, ils se sont aussi faits renflouer par les mêmes lutins tchatcheurs-politicards. Des milliers de milliards (oui oui des billions… mais « milliers de milliards », ça en jette plus !) de kilos de champignons y sont passés. Les lutins banquiers ont repris sereinement leur business lucratif d’avant, en évitant scrupuleusement tout ce qui fait partie de l’économie « réelle » (peu sexy et très risquée). Quant aux lutins tchatcheurs-politicards, ils se sont finalement retrouvés dans la mouise (qui ne fait que se déplacer):

  • Avec un endettement hallucinant dépassant de loin la production nationale de champignons. Cette dernière étant en chute libre compte tenu de la défection des lutins consommateurs à gogo, dont une bonne partie a été mise au chômage technique et l’autre partie ne rêve que de se faire oublier.
  • Avec un déficit de fonctionnement qui montre à l’évidence qu’ils pètent plus haut que leurs culs.
  • Avec une méfiance de plus en plus palpable de la part des lutins trimeurs (surtout ceux aux yeux bridés, qui épargnent et qui prêtent) qui doutent de leur capacité à rembourser. Les 2 partis se tiennent par la barbichette, mais l’un des deux finira par craquer.

Conscients du fait qu’ils ont tiré leurs dernières cartouches, nos lutins tchatcheurs-politicards  sont actuellement en train de se faire tout petits, tout discrets (en attendant que la tempête passe et qu’on les oublie), de réduire la voilure sur tout ce qui est accessoire et superflu (éducation, santé, retraites, aides sociales…) et d’augmenter les ponctions sur les lutins-trimeurs qui font partie de leur circonscription. Un double effet kiss-cool qui fait descendre les lutins-trimeurs dans la rue… Les lutins-indignés sont nés. Dans peu de temps, les lutins casseurs-révolutionnaires et les lutins flics-mateurs entreront dans la danse.

L’ensemble du système sera alors au pied du mur. Ce système a été dessiné pour un monde en perpétuelle croissance.  Ce n’est donc pas étonnant qu’il soit devenu en perpétuelle surcapacité. Seule la reprise de la consommation à gogo et à crédit (ou une surprenante rupture technologique) lui donnera une porte de sortie honorable. En l’absence d’une telle reprise, il ne pourra que végéter ou imploser. Une histoire à suivre de près, car on est tous des lutins dans le pétrin. Et si le Titanic coule, même les passagers de première classe y resteront (image poétique que je dois au ministre des affaires étrangères espagnol).

On a juste vécu une p’tite crise du Système. On a ensuite subi une p’tite réplique insignifiante. Et on vivra sous peu l’ivresse de la troisième phase, telle que décrite par Baudelaire dans « Du vin et du hachisch » : « La troisième phase, séparée de la seconde par un redoublement de crise, une ivresse vertigineuse suivie d’un nouveau malaise, est quelque chose d’indescriptible. C’est ce que les Orientaux appellent le kief; c’est le bonheur absolu. » Le kief est pour bientôt…

A la même époque de l’année dernière, je vous suggérais de mettre vos ceintures de sécurité car ça allait secouer.  Les secousses ont failli laisser deux-trois pays sur le bitume. Cette année, le masque et les palmes s’imposent. Gonflez bien vos poumons, car c’est parti pour cinq années d’apnée, d’ivresse…

Et puis, n’oubliez pas : La révolution est en marche. Notre p’tite carte est là pour vous en apporter la preuve…

Sachant que « sur cent personnes à qui l’on souhaite bonne année, bonne santé le premier janvier, deux meurent d’atroces souffrances avant le pont de la Pentecôte » (Desproges),j’ai décidé de ravaler mes vœux.

Bises à toutes et à tous.

Zouheir

 

PS I : Pour suivre nos conneries sur Twitter : https://twitter.com/#!/Tingitingi

Quant aux insultes éventuelles, continuez à les envoyer sur notre adresse réservée :nicolas@sarkozy.fr

PS II : En cadeau de Noël, je vous ai déniché une p’tite adaptation (de Jérôme Leroy, visible sur le site bakchich.info) des ‘Tontons flingueurs’ à la crise des subprimes et au plan Paulson.

La grande classe internationale… Ames sensibles s’abstenir.

 

F-    Alors qu’est-ce qui vous amène encore, les Volfoni ?

V-   Fernand, t’as plus d’esgourdes ou quoi, t’entends plus rien, t’es aussi sourdingue que le Mexicain sur son déclin. C’est la crise financière, Fernand, la catastrophe pour l’actionnaire, l’Armageddon de la thune, l’apocalypse du crédit. Y vont nous l’enfiler jusqu’au trognon, Fernand, les amerloques. Ca va être le plan Marshall à l’envers, mon petit camarade, l’Europe ruinée, le populo sur les routes, le retour à la barbarie. On est à la limite du nervous brèquedonne géopolitique, Fernand. Ca va se finir avec des émeutes devant les épicemards, à se peigner comme des sauvages autour d’un paquet de spaghettis. J’te dis qu’ça, mon Fernand, on va être éparpillé façon puzzle, nous et nos PME d’honnêtes artisans, élevés dans le souci du travail bien fait et de la prestation de qualité chez l’arpenteuse de trottoir.

F-    Arrêtez les Volfoni, vous z’allez finir par me foutre le traczir. On n’a rien à craindre, nous, on est l’économie réelle. Personne va nous les prendre, nos kilomètres de bitume avec nos gagneuses. Même que j’aurais tendance à penser que vu le climat est pas franchement à la sérénité, le goldène boïlle, y va venir plus souvent qu’à son tour se faire shampouiner le chauve, histoire d’oublier ses tracas monétaires.

V-   Et avec quoi, il va la payer la gonzesse. Des tickets de PMU ? Il a plus rien, le goldènen boïlle, qu’est-ce que tu crois, Fernand ? Ses portefeuilles ont été atomisés, ses actions sont hachées menues et ses sicav glissent sur la pente fatale, il est raide comme un passe-lacet, il a autant de pouvoir d’achat qu’un clandestin anorexique, ton traideure. Même une gâterie moldave genre « pimpon vl’a pompier qui passe », il aura pu les moyens, ton cave.

F-    Et ce Paulson, là, son plan pour arrêter le carnage, ça a l’air sérieux. Un secrétaire au Trésor, c’est quand même pas le premier branque venu. C’est pas des comiques, les protestants en général, non ? Le luthérien, c’est pas son genre à échafauder du baroque, à sombrer dans le somptuaire, à jeter le pognon par les lucarnes. Ca a le souci du grisbi, ces hommes-là, quand même, les gouverneurs de banque centrale et tout le toutim, ils ont les arpions sur le plancher des vaches, quoi, enfin…

V-   Parce que les subprimes, ça te semble une idée rationnelle, Fernand ? Tu stratosphérises de la chéchia ou quoi ? Un coup de chaleur de parpaillots illuminés, voilà c’qui s’est passé et voilà pourquoi on est dans une telle mouscaille. Tu fais confiance à un pays qui pourrait avoir comme vice-présidente une grande bringue à lunettes avec un fusil, une Jeanne d’Arc des Icebergs qui te fait des chiées de mômes en se faisant ramoner le frifri sur des dépouilles encore fumantes d’un ours blanc dégommé à l’obusier de campagne. Je vais te dire ce que c’est, moi, le plan Paulson, c’est un piège à caves, un truc de bandits de grand chemin, de Robin des bois qu’aurait pris trop de schnouffe et qui piquerait le pognon des pauvres pour le donner aux riches qui risqueraient de devenir pauvres. Même le Bernard Tapie, qu’est pourtant pas un enfant de Marie, il aurait pas osé dans ces proportions-là. Et son coup du Lyonnais, là, ses dommages et intérêts, permets nous de t’affranchir : c’est du grand art, on irait même jusqu’à apprécier l’esthétique de la chose, le sublime dans l’empapaoutage du citoyen. Mais t’auras beau dire, le Nanard, ça reste un amateur, un joueur de deuxième division si tu compares avec le Paulson et son plan pour glandus. Paulson, c’est du grand art, de la haute couture pour rhabiller les banquiers qui se sont retrouvés à loilpé à force de jouer avec le crédit des pue-la-sueur qu’avait même pas le moyens de se payer un petit home où qui zauraient bu du ouisquie en regardant les télé-évangélistes.

F-    Qu’est-ce qu’on va faire, alors, les mecs, parce que moi le discours de Toulon du cavillon à Rollex, il m’a comme qui dirait moyennement rassuré. Un jour, il taille des plumes au Capital et l’autre, il se prend pour Lénine en pleine NEP. Et pis en face, l’illuminée du Poitou, j’la sens pas franchement. J’ai jamais eu la mentalité scoute, pour tout vous dire.

V-     C’qu’on va faire, Fernand, c’est comme d’habitude. On va planquer de la joncaille en loucedé et puis on va boire un canon. Entre hommes..

Oiseau de mauvaise augure…

« The crisis takes a much longer time coming than you think, and then it happens much faster than you would have thought, and that’s sort of exactly the Mexican story. It took forever and then it took a night. » – Rudiger Dornbusch

L’oiseau de mauvaise augure est de retour…
N’avez-vous pas l’impression que les choses se précipitent ? Que ça pète de toute part (socialement, économiquement et géopolitiquement) ?

Il n’y a aucun moyen d’éviter l’écroulement final d’un système dont la richesse a été fondée sur le crédit à gogo et la frénésie de consommation qui va avec (*). Le maelström se déchainera tôt, si l’on opte pour un bannissement volontaire de cette boulimie de crédit, ou tard, si l’on s’obstine encore à garder l’ensemble du système sous perfusion. Les monnaies s’écrouleront dans la foulée, la prospérité (réelle ou simulée) s’évaporera, un vent de panique soufflera, et les démunis de tout bord (et ils seront nombreux) sortiront dans la rue. Le sang jaillira  et la connerie humaine (avec son lot de nationalisme, de protectionnisme, d’extrémismes divers) triomphera (encore).

Contrairement aux idées reçues, et malgré l’acharnement thérapeutique des banquiers centraux (les nouveaux Dieux de l’Olympe),  notre système est encore plus vulnérable qu’en 2008. Nous naviguons à vue au sein de la bulle de crédit la plus gigantesque jamais créée… bulle maintenue à bout de bras de tous ces fous de l’assouplissement quantitatif, mais dont l’éclatement reste inéluctable. Le jour où ça arriverait (et j’ai comme un pressentiment que ça ne saurait tarder), la dépression de 2008 nous paraitrait aussi agréable qu’un pique-nique entre amis. On regrettera même l’austérité du bon vieux temps ayant précédé la Chute Finale.

La descente aux enfers ne fait que commencer…
Le grand « delevraging » est en marche et rien ne peut plus l’arrêter….

La spirale déflationniste guette… La destruction de valeur sera horrible à voir. La classe moyenne sera lessivée. Notre système monétaire y laissera ses fesses…

Les banquiers centraux (qui se sont crus supérieurs à leurs prédécesseurs, plus intelligents, plus innovateurs, plus rapides à la détente…) se trouveront bien minables et bien ridicules au fin fond de leur trappe à liquidité. Le cas des Etats sera encore plus spectaculaire avec les devises qui s’écroulent, les portes du crédit qui se ferment, et les coûts de financement qui grimpent au ciel… Leurs cadavres viendront alors joncher les sentiers de l’Histoire, comme bien d’autres avant eux.

Depuis la dernière crise, nous n’avons fait que nous enfoncer un peu plus dans la vase, à coups de baguette magique (planche à billets, expansion monétaire, incitation au crédit), de confiance aveugle dans la capacité des banquiers centraux à nous sortir de la moise, de visions court-termistes, et de manque globalisé de discernement. On a toujours du mal à croire que l’hyper-cycle de crédit, qui a porté les 30-50 glorieuses, touche à sa fin…
“A 30-50 year virtuous cycle of credit expansion which has produced outsize paranormal returns for financial assets—-bonds, stocks, real estate and commodities alike—-is now deleveraging because of excessive risk and the price of money at the zero-bound. We are witnessing the death of abundance and the borning of austerity, for what may be a long, long time.” (Bill Gross, Février 2012)

C’est la fin d’une époque. Nous serons bientôt rattrapés pas l’amère réalité…

(*) Depuis les années 70, les ménages n’ont bénéficié que très peu de tous les gains liés à la productivité. Maintenir leur standard de vie n’a pu se faire qu’à crédit. Il est évident que sans cet accès facilité (voire laxiste) au crédit, la demande de consommation n’aurait jamais pu soutenir la croissance de toutes ces économies développées durant toutes ces années. Le problème structurel serait alors apparu à la lumière du jour bien plus tôt…

Des Voeux qui vous gaveront…

« Il faudrait (…) s’arrêter un peu, s’asseoir, faire silence, réfléchir, et pas seulement sur les conséquences de l’aveuglement qui a cours aujourd’hui, mais sur ses causes » 
José Saramago (Nobel de littérature)

Préambule : A ce message, j’ai attaché une p’tite carte de vœux (torchée en 3 minutes), en espérant me faire pardonner les atrocités qui suivent…

Le Père Noël est en faillite…

A l’approche des fêtes de fin d’année, la fable du vieux bonhomme rouge et blanc, squatteur de cheminées, revient en force, avec son cortège de bobards, d’illusions et de déceptions.

Quand les enfants meurent dans la Corne de l’Afrique, quand le monde semble partir en vrille, nous nous offrons le luxe d’un débat métaphysique sur la pertinence de laisser nos enfants croire au père Noël. Un vrai débat de spécialistes, psychanalystes et psychologues (je l’ai vu passer dans un article du Monde). Pour les uns, ceci n’est ni plus ni moins qu’un mensonge qui ne peut être compatible avec une éducation bannissant catégoriquement le mensonge. Pour les autres, perpétuer ce personnage magique est une façon d’exciter l’imagination de l’enfant, et de matérialiser l’amour des parents, de le rendre plus concret, plus palpable (il faut dire que l’abstraction n’a plus le vent en poupe).

Par ces temps de crise, le Père Noël, lui, aimerait vraiment croire au Père Noël. Sa situation financière est critique. Son budget « cadeaux » est réduit (d’où la petite note de courtoisie que certains ont  pu trouver, sous le sapin : « Rapiécer vos chaussettes. J’y glisserai un cadeau, l’année prochaine ». Je parle en connaissance de cause. Les chaussettes trouées, je connais et je revendique). A ce rythme, il va lui falloir rationnaliser ses tournées, revoir sa consommation énergétique (peut-être même son bilan carbone… Les rennes ont droit de péter !), et lourder une bonne partie de ses effectifs. Un dégraissage incontournable qui risque de lui couter cher en frais de prud’hommes. Les lutins peuvent se révéler revendicatifs. Aussi, a-t-il déjà préparé sa fuite là où personne ne viendra le faire chier… Un paradis fiscal oublié des listes noires de l’OCDE, loin des prises de tête des économies régulées. J’ai toujours dit que le Père Noël est une ordure.

Des années durant, je vous ai rabâché les oreilles avec la Révolution qui couve… En 2011, les prémices du Grand Chaos ont éclos. Et contrairement aux apparences, il y a un fil conducteur dans tout ce que je raconte comme conneries, depuis des années. Une grande vérité que je dois  à Michel Audiard « Les conneries c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer »

L’année écoulée rentrera dans les annales comme étant celle de la rébellion (de tous ces peuples qui se sont soulevés contre la dictature, la tyrannie et les injustices de toutes sortes), de la dignité (de ces mêmes peuples comme celle des Japonais à Fukushima et autour. Je dis bien « dignité » quand d’autres parlent de fatalisme) et du vacillement des Banques-Etats rattrapés par leurs dettes faramineuses.

A cette année mémorable, j’associerai, à jamais, trois symboles : Le masque à l’effigie de Guy Fawkes (citoyen anglais du XVIe siècle qui avait tenté de brûler le parlement britannique pour protester contre la politique intolérante du roi Jacques Ier en matière de religion) arboré par les Indignés, le « Ben Ali Dégage » et « A bas le Régime » brandis par les premiers manifestants du printemps arabe, et enfin les larmes d’Elsa Fornero, la nouvelle ministre italienne du travail et des affaires sociales, annonçant  le nouveau plan de rigueur frappant les retraites (c’est bien connu… Après le bunga-bunga, viennent les larmes).

Elle est bizarre cette atmosphère d’apocalypse lente. Une pente douce (avec des à-coups, certes)  mais indéniablement descendante. On vole d’un sommet crucial à un autre, d’un accord historique à un autre. Et Sarkozy qui sauve l’Europe et l’Euro une fois par mois… Comme dit le Canard Enchainé, nous sommes gouvernés par un serial-sauveur.

Devant les explosions d’anarchie (celle qu’on a vues en Grande-Bretagne cet été, comme dans les banlieues françaises, il y a quelques années), on opte pour la criminalisation en masse et la riposte sécuritaire. On s’obstine à n’y voir que des émeutes relevant de la délinquance ordinaire, de la mauvaise éducation et, en quelque sorte, du déclin moral. Dans nos sociétés moralisatrices (il faudrait peut-être préciser que le moral est réservé au p’tit peuple… Le p’tit peuple doit être irréprochable quand son élite, ses grands manitous, dirigeants politiques et magnats des affaires, peuvent abuser, forniquer, subtiliser, arroser en toute impunité), il est difficile d’entrapercevoir la moindre revendication politique dans ces hordes d’émeutiers pillant magasins de chaussures de sport et de matériel audiovisuel. Pourtant, il y en a bien une : le refus de la pauvreté et  de l’injustice sociale, et la colère contre l’establishment, l’Etat et ses représentants. Le jour où on acceptera enfin cette idée (subversive, je vous l’accorde), ça sera peut-être trop tard pour colmater les brèches sociales.

De l’année écoulée, je ne retiendrai surement pas la mort de Ben Laden (inspirateur du conglomérat djihadiste) , ni celle de Steve Jobs (instigateur de la « tyrannie du cool »), mais plutôt celle de Socrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira, dit simplement Socrates, le célèbre milieu de terrain brésilien (diplômé en médecine), aux pieds enchanteurs et  au nom de philosophe. Un barbu nonchalant au look de Che et au poing levé. Un engagé de la première heure contre la junte militaire brésilienne et l’injustice sociale. Je n’oublierai jamais le bandeau qu’il portait dans les cheveux, lors de la Coupe du Monde de 1986 (Guadalajara, Mexique. La seule que j’ai jamais regardée), avec l’inscription  « People need justice ».  Adeus l’artiste !

A la question « Pourquoi pas Steeve Jobs ? » qui vous taraude, je répondrais que la tendance ambiante à en faire un bienfaiteur de l’humanité me gave. Cette dévotion planétaire m’irrite. J’ai toujours eu un petit blocage face à la marque à la pomme qui a vu le jour dans les odeurs d’herbe et autres drogues psychédéliques (des « révélateurs de l’âme » qui favorisent la créativité, bien évidemment), et qui, tout en ringardisant le pouvoir, tout en se proclamant de la vague « anti-culture » des années  60,  a merveilleusement servi le « Système » en favorisant la consommation à gogo.  Pour comprendre mon malaise, regardez plutôt le film-documentaire de Dimitri Kourtchine et Sylvain Bergère (« Apple, la tyrannie du cool », diffusé sur Arte il y a quelques semaines), un voyage dans la vie d’un « Apple-addict », tantôt ridicule, tantôt attachant, qui finit par se faire plaquer par sa copine qui n’en pouvait plus de ces trucs en pad et pod, ni de cette douce tyrannie.  Le documentaire illustre à merveille comment cette boîte a su capter les aspirations de l’individu contemporain, à les transformer en oseilles sonnantes et trébuchantes tout en surfant sur la vague du « cool », de la contestation et de l’émancipation de « l’être ». Apple est devenue une religion. Steeve Jobs son gourou. Le consumérisme son temple.

La marque à la pomme nous offre aujourd’hui (comme son fameux concurrent, d’ailleurs) un voyage inégalé dans les profondeurs de l’individualisme, du manque de décernement et de sens critique. Une belle machine à fric (qui ferait, à mon sens, une belle position « short » en 2012 pour les connaisseurs de ce jargon barbare) qui semble, au-delà du bla-bla officiel, peu regardant sur les conditions de travail dans ses usines chinoises, comme sur l’impact écologique de ses fournisseurs.
J’ai entendu quelqu’un dire que « l’humanité préfère  la facilité et le confort à la liberté ».Apple en est l’illustration vivante (mais pour combien de temps ?).

Maintenant que j’ai commencé avec Apple, je vais continuer sur ma lancée avec ces trucs qu’on appelle LinkedIn (réseau professionnel sur lequel vous me verrez en short, savourant un narguilé et rejetant la fumée de mes narines) et Facebook (sur ce dernier, je me suis découvert un point commun avec ce bon vieux Georges Clooney, outre sa capacité à emballer les filles. C’est son aversion au réseau social. Comme lui,  « je préférerais me faire examiner la prostate en direct à la télé qu’avoir une page sur Facebook »)

Ca fait des années qu’on me soule avec l’économie immatérielle, celle des services, des mots, des rêves (le salaire de 800 000 Euros mensuels de Beckham  fait rêver. Le nombre de tee-shirts qu’il va devoir vendre aussi), de la tchatche, du baratin et de l’embobinage en tout genre. Les échanges physiques n’ont certes pas disparus, mais paraissent moins sexy, moins « smart ». Ils sont relégués au second plan, ringardisés par la dématérialisation ambiante. Je vous donne un chiffre qui vous servira dans vos discussions de salon. Aux Etats-Unis, la part de l’industrie dans la masse salariale globale est passée de 40% à, à peine, 15% entre 1950 et aujourd’hui.

Cette fuite en avant vers l’immatériel, au détriment du matériel, nous perdra…

Un jour, on vivra d’air pur (c’est déjà pas mal, me diriez-vous), d’eau fraîche et de tchatche sur la toile.
« C’est la révolution cognitive, Idiot ! »

En fait, ce qui nous sera fatal  c’est l’impossibilité, au sein de nos sociétés capitalistes, d’atteindre un état d’équilibre (stable, je sous-entends). Quelles que soient les inepties qu’on entend sur les vertus du système dominant, sa capacité à équilibrer l’offre et la demande, à garantir l’allocation la plus efficiente des ressources, et à assurer la distribution la plus équitable des richesses (du pipeau !), je ne reconnais dans ce système qu’un unique point fixe : son instabilité chronique. Libéré de toutes entraves, il favorise naturellement toutes les divergences : entre échanges physiques et immatériels, entre production et consommation, entre épargne et endettement, entre déficits et surplus, entre bulles et anti-bulles. Le tout étant amplifié par l’incapacité de nos sociétés à s’autolimiter, et à éviter les excès de tout genre.

Le culte obsessionnel que nous vouons à la croissance (telle que mesurée par le PIB) ne fait qu’assombrir le tableau un peu plus. On s’y accroche comme un naufragé à sa bouée. Or c’est cette même « perma-croissance » érigée en dogme absolu qui nous traine actuellement vers les abîmes.  Depuis les années 80, la croissance est devenue intrinsèquement liée à la dette. L’une est devenue la justification de l’autre. Un entrainement mutuel dans lequel nous avons cru découvrir le mouvement perpétuel. Or la dette (qui est, en quelque sorte, un gage sur la croissance future) ne peut croitre indéfiniment. Du moins, dans un monde aux ressources limitées.

Nous sommes, malheureusement,  incapables de cerner nos limites (tous seuls comme des grands). Nous faisons tout dans l’excès, basculant perpétuellement de l’euphorie à la panique et vice-versa. Nous refusons de vivre dans la limite de nos moyens. Nous n’apprenons que dans la douleur et quand on est dos au mur. Tel est notre malheur. Mais, je n’ai nullement envie d’y voir notre destin.

On me blablate sur la révolution cognitive… La portée de cette révolution mérite illustration.

Imaginons des lutins, mangeurs de champignons, vivant sur une planète dont la seule richesse (apparente) réside dans les champignons qui poussent à sa surface. Les lutins assureront ensemble la cueillette, mangeront à leur faim et seront tous heureux. Plus ils en mangeront, plus leur PIB (Produit Intérieur Brut, somme de la consommation et de l’investissement) augmentera (c’est ce qu’on appelle la croissance). Leur caca servant d’engrais naturel, ils seront, à première vue,  dans un cycle vertueux de croissance durable, tant que le rythme de la cueillette n’excède pas celui du renouvellement des ressources. Leur croissance (remarquez que nos lutins n’ont fait que trimer, manger et chier, un peu plus chaque année… c’est ça la croissance) se fera dans la limite des ressources renouvelables disponibles et ils seront éternellement heureux.

Cette limite peut être  atteinte (pour raisons démographiques ou par la cupidité de certains lutins entrepreneurs qui ont décidé de puiser plus que leurs besoins et de planquer l’excédent de production dans les neiges de la Toundra en attendant de le monnayer plus tard). Deux choix se présenteront alors à l’assemblée des lutins. Soit qu’ils s’alignent sur cette limite tout en se répartissant les champignons de façon à préserver la paix sociale. Dans ce cas, leur PIB arrêtera de croitre (c’est la stagnation) mais ils ne seront pas malheureux pour autant. Soit qu’ils optent, en fidèles adeptes de l’économie de marché, pour la dérégulation totale. On verra alors apparaître différentes corporations : des lutins cueilleurs-trimeurs, des lutins glandeurs, des lutins entrepreneurs créateurs d’entreprises, des lutins blagueurs-amuseurs de la galerie, des lutins tchatcheurs-politicards, des lutins prêteurs-banquiers (et occasionnellement  voleurs), des lutins prostitués (physiquement, et le plus souvent intellectuellement)… Un peu plus tard dans le processus de décantation sociétale, apparaitront des lutins flics-mateurs, des lutins légitimistes et d’autres plutôt casseurs-anarchistes… On retrouvera alors tous les ingrédients de notre bonne vieille société capitaliste.

Grâce aux progrès technologiques, les lutins gagnent en productivité et réduisent leur temps de travail tout en développant la production de champignons. Les lutins cueilleurs continuent à trimer comme des malades mais disposent d’un peu plus de temps libre qu’ils consacrent à écouter les blagues (parfois salaces) des lutins blagueurs-amuseurs de la galerie (rétribués en champignons) et à surfer sur Facebook que lutin Super-Génial a pu concevoir (car il a bien vu le tournant immatériel que prenait l’économie). Sur Facebook, les lutins trimeurs (comme les autres d’ailleurs) disposent d’un espace de liberté leur permettant de se faire des amis, d’emballer des filles / garçons (en vue de coucheries sauvages, comme d’amours moins éphémères), d’échanger des idées (allant du plan cul à 2 sous jusqu’à la remise en cause du Système et la refonte du Monde), de pester les uns contre les autres, de se révolter (le plus souvent « sur-papier ») contre les injustices, les dictatures et le patronat… Surtout que les lutins entrepreneurs pressent de plus en plus leurs forces travailleuses. La réduction du coût du travail et l‘augmentation de la productivité deviennent leurs seuls leitmotivs. Ils sont de plus en plus nombreux à délaisser le secteur de la cueillette (trop coûteux en termes d’investissement, de main d’œuvre) pour se tourner vers celui du service (plus léger, purement intellectuel) ou du conditionnement à forte valeur ajoutée (apparaissent alors sur le marché des champignons au goût de fraise, au goût de truffes ou à la couleur rose fluo) .

Il faut dire que de plus en plus de lutins rechignent à trimer aux champs et préfèrent amuser la galerie de derrière leurs bureaux. Et puis, Facebook offre une merveilleuse plateforme de publicité permettant aux lutins entrepreneurs de bien cibler leurs clients, de les tenter à mort et en direct sur la toile.  Bon nombre de lutins succombent à la tentation, se goinfrent de champignons roses fluo, s’endettent (car ils n’avaient pas les moyens de bouffer autant) et deviennent obèses. Heureusement que les lutins banquiers sont là pour leur prêter main forte, et les aider à vivre au-dessus de leurs moyens. Les lutins glandeurs-frimeurs empruntent aux lutins trimeurs-amasseurs  (d’épargne). Les lutins banquiers se goinfrent au passage.

Le packaging stimule la croissance. Facebook aussi. Les lutins triment moins, mangent plus, s’amusent plus et chient toujours.  A ce stade, la croissance n’est plus possible sans dette. Pire. Au fil de l’eau, chaque point de croissance supplémentaire nécessite un peu plus d’endettement que le précédent. Mais la tentation est grande (mettez-vous un instant à la place d’un lutin qui lorgne sur un champignon rose fluo), et l’accès au crédit est tellement facile (sans ça, la consommation ne pourrait se maintenir). Les lutins trimeurs mordent à l’hameçon. Les flémards s’engouffrent dans la brèche. Tous s’endettent en engageant leurs revenus futurs.

Un apport supplémentaire en engrais (le caca des lutins ne suffit plus à enrichir les sols) se révèle nécessaire pour maintenir la cadence de production-consommation. Les sols s’épuisent. Heureusement que la Terre des lutins est une énorme boule de phosphate. Les lutins mineurs se mettent au travail sous l’impulsion d’autres entrepreneurs clairvoyants, commencent à puiser dans la croute terrestre  et à alimenter les cultures intensives (car il faut bien que la croissance continue). La magie du PIB fait que le fait même de creuser un énorme trou dans la terre, de la vider de son contenu pour le stocker / consommer à sa surface crée de la croissance ! Et ce, même si la Terre est maintenant un trou béant et que l’ensemble Terre-Lutins n’a pas progressé d’un iota.

La cadence augmente. La fuite en avant (vers plus de consommation) continue. Les trimeurs  se rassemblent dans des syndicats et se font défendre par des professionnels de la tchatche (qui ponctionnent, en contrepartie,  leur production de champignons). La politique est née.

Pour certains lutins, la charge de la dette devient trop lourde. Ils sont acculés au défaut de paiement. L’épargne tant vantée des lutins trimeurs- amasseurs  se révèle alors une illusion. Le financement de la consommation débridée par les prêts à la consommation se transforme ainsi subitement en subvention ouverte à la consommation. Les créanciers tombent à la queue leu leu. Les plus gros (présentant un risque systémique pour la pérennité du Système) sont épargnés grâce à l’intervention des méga-gros, qui deviennent, à leur tour, moins solvables, plus vulnérables. Le jeu de dominos ne s’arrête pas. Il est juste suspendu pour un temps.

Et vous pensez que nos lutins banquiers ont compris le message ? Mais vous vous méprenez, mes chers. « Un financier, ça n’a jamais de remords. Même pas de regrets. Tout simplement la pétoche » (Audiard). J’adore !

Dans cette atmosphère apocalyptique, Lutin Super-Génial organise ses flux immatériels, flique les débats et les censure si besoin, canalise ou sanctionne les débordements, ferme les comptes des lutins aux idées subversives (car il y en a toujours), et se frotte les mains. Chaque jour, des tonnes de champignons rentrent dans ses caisses.  Vu l’engouement des investisseurs (publicitaires, entrepreneurs, chasseurs de têtes, vendeurs de vent…) pour sa boîte, il a même prévu de l’introduire en bourse (où elle sera valorisée à des milliards de tonnes de champignons et verra son cours exploser de 100% durant les premières heures de cotation). Conscient de l’aspect virtuel de cette valorisation, l’apôtre de la dématérialisation de l’économie se délestera d’une partie de ses actions contre quelques millions de tonnes de champignons sonnants et trébuchants qu’il s’empressera d’investir dans des actifs tangibles. Il s’accaparera de l’outil de production (la terre agricole, les ressources naturelles) de ceux qui ont pété plus haut que leurs culs, en se disant que c’est le prochain virage stratégique à ne rater à aucun prix. Lutin Super-Génial a maintenant un pied dans le « tangible » et un autre dans « l’éphémère ».

Nous voilà enfin avec tous les ingrédients de la Crise qui gronde : 
– Une économie qui ne puise sa croissance que dans la consommation (voire la surconsommation), l’investissement, l’augmentation des stocks et l’épuisement des ressources.
– Des déséquilibres structurels entre cigales (aux comptes courants déficitaires) et fourmis (aux comptes courants excédentaires): Une partie de la société qui vit au-dessus de ces moyens, versant dans le consumérisme et empruntant à gogo à des trimeurs qui se contentent d’épargner
– Des déséquilibres structurels entre les détenteurs du capital et les trimeurs d’en bas.
– Des déséquilibres structurels entre l’économie matérielle (qui ne fait plus rêver) et l’économie des services, du baratin et du vent.
– Une répartition des richesses qui devient de plus en plus biaisée (devinez dans quel sens !), des gens dans la dèche et qui osent l’ouvrir. D’où le vent de révolte qui ne sera jamais stoppé par la criminalisation à outrance.
– Une croissance qui ne peut se maintenir sans surconsommation et sans endettement farfelu
– Une peur bleue de la stagnation, et encore plus de la décroissance et de la déflation
– Une obstination suicidaire à subventionner la croissance et à arrêter coûte que coûte la dynamique du désendettement. C’est ridicule car on n’arrête jamais un couteau qui tombe.

Il va sans dire que l’ensemble du système ira droit dans le mur si les ressources s’épuisent sans que les lutins arrivent à adapter leur mode de vie. L’intelligence exigerait qu’ils n’attendent pas des rappels à l’ordre brutaux avant d’opter pour une gestion rationnelle et durables de leurs ressources. S’ils s’obstinent dans la connerie, nos lutins n’auront plus qu’une seule porte de sortie (temporaire) : celle de l’innovation technologique qui les transformera en êtres de lumière, qui ne mangent pas, ne chient pas, veillent au bien-être de leurs prochains et vivent en symbiose totale avec leur environnement.

Revenons sur terre. Nous ne sommes pas des êtres de lumière.

La dynamique actuelle nous mène lentement mais surement  vers  un point fixe. Tous les rameurs à contre-courant, tous les serial-sauveurs de la terre  n’y changeront rien. Nous allons droit dans le mur de la déflation (mère de toutes les hyperinflations) et de la décroissance.

Or, la décroissance est invendable politiquement. Nos lutins politicards n’auront jamais le courage de nous l’annoncer droit dans les yeux. Trop rivés sur le temps médiatiques et les sondages d’opinion. Trop démagogues. Trop obnubilés par le « court-termisme » de nos sociétés et l’individualisme de ses individus.
Aucun de nos lutins politicards ne se risquera à nous vendre des changements de paradigme avec  une portée collective et à long-terme. Ce n’est simplement pas vendeur dans un monde où les valeurs individuelles ont pris le pas sur les valeurs collectives.

Pourtant, nous sommes en train de changer de paradigme. L’année écoulée en restera une année charnière. L’année qui débute ne fera que le confirmer.
Nous basculerons tôt ou tard dans un système plus responsable (car notre survie en dépend), et plus décentralisé, non seulement sur le plan économique (avec des biens produits localement utilisant des ressources renouvelables) mais aussi sur le plan socio-politique (avec une prise de décision locale).

La question cruciale est de savoir si on sera capable d’accomplir un tel changement de façon consciente, sereine, volontaire et ordonnée. La sobriété requiert de l’enthousiasme, sinon elle sera super chiante à avaler. Plus poétique que moi, Bergson disait que nous aurions besoin d’un «supplément d’âme» pour faire face aux défis nouveaux.

Si je m’acharne à vous souler avec mon laïus annuel (que j’aurais pu intituler « Chroniques de la Fin d’un Monde – Partie I », c’est que j’y crois encore… Un peu. Un dernier sursaut me parait encore possible !

Bonnes fêtes, meilleurs vœux et mettez vos ceintures car ça va secouer…

Zouheir
PS : L’atterrissage sera rude. Mais quand les toboggans seront déployés, vous entendrez une belle voix secouée mais suave vous disant « Bienvenues dans le monde de la sobriété (volontaire ou pas) et de la désobéissance responsable (là, vous n’aurez pas le choix) »

PS II : Nous sommes à la croisée des chemins, moment fatidique où l’on doit faire cohabiter deux mondes, deux regards… Charles Dickens le résumait très bien : “It was the best of times, it was the worst of times, it was the age of wisdom, it was the age of foolishness, it was the epoch of belief, it was the epoch of incredulity, it was the season of Light, it was the season of Darkness, it was the spring of hope, it was the winter of despair.” (A Tale of Two Cities)

La basse-cour du roi Nicolas

J’adore ce regard acéré qu’Anne Roumanoff porte sur l’arène politique française de mes d…

Un renard prénommé Nicolas sur une basse-cour régnait.
Mais il était contesté.
Il ne fait pas rentrer assez de blé.
Nous n’avons plus de grains à picorer, se lamentaient les animaux affamés.
Je fais de mon mieux, répondait Nicolas. Sans moi, ça serait pire, croyez-moi.
Il y a une énorme crise mondiale.
Ne l’oubliez pas, c’est infernal.

Beaucoup d’animaux voraces
Rêvaient pourtant de prendre sa place.

A gauche, la vache Martine et la pintade Ségolène
Crurent, un temps, pouvoir devenir reines.

Mais ce fut le pigeon François qui leur fit la nique.
Aidé, malgré lui, par le cochon Dominique,

Qui manqua d’aller à l’abattoir,
Pour avoir culbuté une grande poule noire.

Mais la pire ennemie du roi Nicolas et du pigeon François
Était la fille d’un loup borgne qui avait échoué à devenir roi.

Cette louve à la voix rauque et à la chevelure blonde
Se faisait passer pour une brebis aux yeux du monde.

Elle répétait comme une litanie : «Il faut plus de poulets
Pour renvoyer chez eux les animaux étrangers,
Sans eux, nous serions tellement plus heureux.»

Certains moutons l’écoutaient béats :
«Bêê, elle dit tout haut ce que nous pensons tout bas.»
Le pigeon François, le roi Nicolas, l’ours Mélenchon et la taupe Eva

Faisaient de leur mieux pour éradiquer la terrible maladie
Répandue par la louve déguisée en brebis
Qui avait pour nom haine et démagogie.

Hélas ! à six mois des élections, Personne ne sait encore pour de bon
Qui de la farce sera le dindon

Civilisations humaines : Entre montée et déclin…

J’ai relu dernièrement quelques passage du « Muqaddima » d’Ibn Khaldûn et je n’ai pu m’empêcher d’y voir le reflet de nos sociétés actuelles. La décadence est la soeur jumelle de l’essor, de la croissance. Nos acquis sont tout sauf éternels. Et c’est l’histoire universelle qui se chargera de nous le rappeler… Est-ce possible de bloquer la roue de l’histoire ? Est-ce au moins possible d’en ralentir la cadence ? Un vrai travail d’introspection s’impose…

Ibn Khaldûn, historien (1332-1406) et homme politique ayant servi les souverains de Tunis, de Fès, puis d’Andalousie,  est aujourd’hui considéré comme l’un des fondateurs de la sociologie et de l’économie politique.

« Lire Ibn Khaldûn aujourd’hui, c’est prendre la mesure d’une pensée non-européenne majeure et inviter à des approches comparatives afin de contrer l’idée d’un fossé entre les cultures et les pensées qui les portent » Esprit, novembre 2005.

Son principal ouvrage « Muqaddima », se veut une introduction à l’œuvre fondamentale : un ouvrage beaucoup plus vaste retraçant l’histoire des Arabes et des Berbères. Par cet ouvrage, Ibn Khaldûn révolutionne l’écriture de l’histoire telle qu’établie par ses prédécesseurs. Il se déclare explicitement à la quête d’une méthode capable d’établir les critères de la vérité historique. Il relie l’histoire à la « science de la culture » et prend la société humaine comme objet de ses investigations.

C’est d’Ibn Khaldûn que le grand historien anglais Arnold Toynbee  dit : « Il a conçu et formulé une philosophie de l’Histoire qui est sans doute le plus grand travail qui ait jamais été créé par aucun esprit dans aucun temps et dans aucun pays ».

Une œuvre clairement originale… Et il est bien le premier à le souligner : « Sache que l’examen d’un tel objet est une entreprise totalement neuve, qu’il se place à un point de vue inaccoutumé et qu’il est, en plus, de grande utilité. (…) C’est une science qui vient de naître. ». Il est bien le premier à annoncer la naissance d’« une science indépendante, avec un objet et des problèmes propres : la civilisation humaine et la société humaine, et l’explication des états qui l’affectent dans son essence, successivement ».

En termes modernes, Ibn Khaldûn jette les fondements de l’anthropologie et de la sociologie… Entre ses mains, des liens surgissent entre le développement des sciences et des arts, la lutte pour le pouvoir, la capacité à gouverner, la montée et le déclin des civilisations, le développement et le contrôle des richesses, la coopération, la cohésion, mais aussi la montée de l’égoïsme et de l’agressivité au sein d’une société humaine…

L’originalité de la pensée d’Ibn Khaldûn réside dans sa capacité à traverser les siècles sans le moindre ride. Ce qu’il a pu écrire dans un contexte de délabrement de la civilisation arabo-musulmane se révèle universel et intemporel. Il résume à la perfection le cheminement suivi par une société humaine dans sa montée, sa maturité, puis son déclin. Son côté cartésien et synthétique étonne encore et toujours. Afin d’en rendre compte, je reprends ici le résumé (joliment écrit) deLeila Salem dans son article « Ibn Khaldûn critique d’un orient sclérosé et d’un monde marchandisé » :

[ La nécessité de la vie en société pousse des tribus bédouines à porter le mouvement qui leur permet de passer d’une civilisation rurale et bédouine à une civilisation urbaine et sédentaire. Ce passage ne peut se faire que par la création d’un État et le choix d’un souverain dont le but est de permettre aux hommes de vivre en société, de cumuler les savoirs, les activités et les richesses.

Ces tribus solidaires (liées par la notion de Açabiyya, ou esprit de corps) , courageuses partageant les biens et supportant les privations créent un État fort et juste. Pour que l’État prospère, il doit assurer la stabilité de la domination et le maintien des populations sous le contrôle, imposer la paix, désarmer ses sujets et détruire les solidarités naturelles.

Le courage, les violences, les solidarités sont peu à peu éradiqués et sont remplacés par la violence organisée de l’État (représentée par son armée), par le goût et l’amour du gain et de l’argent et par l’obéissance. La loi, l’éducation, les sanctions et le désarmement de la population permettent la levée de l’impôt, signe de soumission des sujets et de l’éradication de l’esprit de corps. Le pouvoir est respecté et craint, la civilisation urbaine se développe, les sciences s’épanouissent et la démographie augmente.

Quand le bien-être s’installe, la société devient de plus en plus individualiste et soumise et l’esprit de corps rompt. Des classes sociales apparaissent ; elles s’affrontent, mais continuent au début à vivre ensemble en paix.

Quand le luxe est à son comble, les luttes interclasses deviennent plus rudes, des turbulences politiques apparaissent et la paix sociale décline. L’État faiblit et le pouvoir devient coercitif, l’injustice s’installe et la solidarité naturelle disparaît complètement. La levée d’impôt se fait par la force et la spoliation. Moins prospère, le pays devient moins peuplé et les villes sont désertées ; la baisse démographique entraîne une diminution du travail qui à son tour conduit à la pauvreté et à la misère et le Umran (civilisation) finit par dépérir « Le luxe corrompt le caractère. L’âme prend toutes sortes de vices et de mauvaises habitudes…conséquences : régression et ruine. La dynastie montre des signes de perdition et de dissolution. Elle attrape les maladies chroniques de la vieillesse et meurt » rapportait Ibn Khaldûn dans Al Muqaddima. Et il ajoutait « Quand un État parvient à un haut degré de bien-être et d’aisance. Les habitudes du luxe se développent rapidement chez lui et il abandonne la vie dure et grossière qu’il avait menée jusqu’alors, afin de jouir du superflu …il s’aperçoit combien le superflu est indispensable …la souveraineté s’use dans le luxe et c’est le luxe qui la renverse ».  ]